Palestine - Solidarité

   



Celui qui n’est pas dans l’ordinateur n’existe pas
Amira Hass

 

Haaretz, 28 septembre 2005
www.haaretz.co.il/hasite/pages/ShArtPE.jhtml?itemNo=630307
www.haaretzdaily.com/hasen/spages/630040.html

« Les postes de frontière de la Bande de Gaza sont maintenant des postes de frontière internationaux », « la suppression du contrôle israélien sur l’accès à Gaza ne fait qu’un avec l’intérêt israélien de mettre fin à l’occupation de la Bande de Gaza ». Ce ne sont là que deux des conclusions qui se sont propagées dans les médias et chez les fans du désengagement après le départ de l’armée israélienne de la Bande de Gaza. Ces propos se fondent sur une méthodique absence de prise en considération des menus détails du contrôle israélien sur les Palestiniens. Ils témoignent essentiellement d’un manque de volonté de savoir que c’est Israël qui a la mainmise sur le registre de population palestinien. Cela a commencé en 1967, s’est maintenu après la signature des accords d’Oslo et se poursuit aujourd’hui après le départ de l’armée israélienne de la Bande de Gaza.

Le contrôle d’Israël sur les passages à la frontière et sur la liberté de mouvement palestinienne ne se manifeste pas uniquement par une présence aux barrages et aux points de passage. Il procède d’abord et avant tout du contrôle sur le registre de population palestinien. Numéros d’identité, naissances, décès, mariages, changements d’adresse : si ces données ne sont pas mises à jour sur l’ordinateur du Ministère israélien de l’Intérieur, c’est qu’elles n’existent pas.

Si Israël n’autorise pas un enregistrement quelconque, l’employé du Ministère palestinien de l’Intérieur ne peut rien faire. Le représentant israélien du Ministère de l’Intérieur en poste à l’Administration de Coordination et de Liaison a plus de pouvoir que lui. Par exemple : le Ministère palestinien de l’Intérieur souhaite émettre les cartes d’identité des enfants bédouins de la Bande de Gaza qui ont atteint l’âge de 16 ans, qui sont nés dans une tente, en plein champ, et que leurs parents n’ont pas enregistrés. Il dispose de toutes les preuves que l’enfant est né et existe bien. Le Ministère israélien de l’Intérieur refuse. Si, malgré d’épuisantes négociations, le haut fonctionnaire du Ministère palestinien de l’Intérieur ne parvient pas à convaincre l’employé représentant le Ministère israélien de l’Intérieur auprès de l’Administration de Coordination et de Liaison, le jeune garçon ne recevra pas de carte d’identité officielle.

Le contrôle israélien sur l’enregistrement de la population palestinienne prive l’Autorité Palestinienne de toute possibilité d’octroyer la « citoyenneté » sur son territoire à des Palestiniens nés ou ayant vécu à l’étranger : pas seulement des réfugiés de 1948 mais aussi des Palestiniens nés en Cisjordanie ou dans la Bande de Gaza mais qui n’y résidaient pas en 1967 et qu’Israël a dès lors dépouillés de leur droit de résidence. Et ce ne sont pas les seuls auxquels l’Autorité Palestinienne ne peut pas accorder la citoyenneté : il en est de même des Palestiniens qui, après 1967, sont partis étudier et travailler à l’étranger et qui ne sont pas revenus au terme des trois années que l’administration militaire avait fixées comme « couverture » – et après lesquelles un Palestinien perdait son droit de résidence.

Israël autorise ou non la « réunification familiale » palestinienne : pas seulement sur son territoire mais aussi dans les Territoires occupés. Depuis septembre 2000, Israël a gelé le traitement des demandes de réunification familiale dans les Territoires, traitement qui avant cela ne se faisaient d’ailleurs qu’avec indolence. Si bien que la vie de dizaines de milliers de familles est désorganisée : des couples vivent séparés parce qu’Israël n’a pas autorisé celui qui n’est pas résident à venir s’installer dans les Territoires avec sa famille. Certains vivent  néanmoins dans les Territoires mais celui qui n’est pas résident ne peut pas quitter la Bande de Gaza ou la Cisjordanie, et en Cisjordanie il redoute en permanence d’être arrêté à un barrage et d’être expulsé.

Le contrôle d’Israël sur l’enregistrement de la population lui permet aussi de s’opposer à l’inscription d’un changement d’adresse sur la carte d’identité. D’après l’accord d’Oslo, le Ministère palestinien de l’Intérieur est seulement tenu de « rendre compte » auprès du Ministère israélien de l’Intérieur de tout changement d’adresse. Mais dès 1997, les Palestiniens ont découvert que les autorités israéliennes refusaient, dans de nombreux cas, que le changement d’adresse de Gaza vers la Cisjordanie soit enregistré sur la carte d’identité. Même pour des gens natifs de Gaza mais travaillant et vivant depuis des années en Cisjordanie avec leurs enfants. Beaucoup d’entre eux sont considérés comme « résidents illégaux ». Ils craignent de rencontrer un barrage militaire, ne peuvent voyager à l’étranger ni à l’intérieur de la Cisjordanie et n’ont pas vu leurs proches, restés à Gaza, depuis des années.

La question du registre de population n’a absolument pas été soulevée au cours des discussions sur le désengagement. Indirectement, les délégués israéliens ont laissé entendre que la situation se maintiendrait telle qu’elle était. Par exemple, les délégués chargés de la coordination des actions du gouvernement dans les Territoires ont fait savoir aux Palestiniens que, dans le cadre du désengagement et au titre de geste de bonne volonté, 5000 demandes (sur des dizaines de milliers à se couvrir de poussière) de réunification familiale et d’octroi d’un numéro d’identité seraient accordées dans la Bande de Gaza. S’il avait été dans son intention de renoncer au contrôle sur l’enregistrement des habitants de la Bande de Gaza, Israël aurait dû dire aux Palestiniens qu’ils avaient dorénavant le droit et le pouvoir de s’occuper de toutes ces dizaines de milliers de demandes concernant Gaza.

Les Palestiniens n’ont pas intérêt à ce que le registre de population de la Bande de Gaza soit coupé de l’ordinateur israélien et du contrôle israélien tant que le registre de la population de Cisjordanie constitue une part inséparable du registre israélien. Sur base de décisions internationales, des accords d’Oslo et selon la position palestinienne, la Cisjordanie et la Bande de Gaza sont « une seule et même unité territoriale » qui sera la base de l’état palestinien.

Ariel Sharon fait et fera tout pour couper Gaza de la Cisjordanie et pour accorder à Gaza un statut différent de celui de la Cisjordanie. Est-ce par ignorance et négligence que la question du registre de population n’a pas été soulevée lors des discussions ou parce qu’on sait, même en Israël, qu’une telle coupure constituerait un choc politique dont l’heure n’est pas encore 
arrivée ?

[Traduction de l'hébreu : Michel Ghys]


Source : Michel Ghys


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