Chaque année, à la fin du mois d'octobre, le Ministère
palestinien de l'Intérieur à Gaza lance une opération d'émission
de la première carte d'identité de ceux qui ont atteint l'âge
de 16 ans. Cette année, le Ministère de l'Intérieur sera assisté
par les écoles : chaque élève apportera en classe quatre photos
de passeport, une photocopie de la carte d'identité des parents
et de son extrait d'acte de naissance. L'école transmettra les
documents au Ministère de l'Intérieur. Comme chaque année, les
employés du Ministère de l'Intérieur introduiront dans
l'ordinateur toutes les données en vue de l'émission des cartes
d'identité et comme chaque année, depuis la création de
l'Autorité Palestinienne, un employé du Ministère palestinien
de l'Intérieur communiquera au représentant du service
d'enregistrement de la population du Ministère israélien de
l'Intérieur – lequel représentant se trouve en poste dans les
bureaux de l'Administration de Coordination et de Liaison –
toutes les données enregistrées et la photo de chacun.
On prévoit ainsi que de huit à dix mille jeunes gens seront
contrôlés, en dépit du désengagement, par des employés israéliens.
Indépendamment du départ de l'armée israélienne de la Bande de
Gaza, le Ministère palestinien de l'Intérieur est tenu, cette
année encore, d'attendre la permission du représentant du Ministère
israélien de l'Intérieur pour pouvoir émettre les premières
cartes d'identité aux jeunes Palestiniens.
Depuis 1967, tous les habitants palestiniens sont enregistrés au
Ministère israélien de l'Intérieur. Cela n'a pas changé au
moment de la création de l'Autorité Palestinienne. Bien au
contraire, pour chaque habitant palestinien des observations sont
notées, qui relèvent de la sécurité et qui n'apparaissent pas
à l'écran des ordinateurs du Ministère palestinien de l'Intérieur
mais seulement sur des écrans d'ordinateurs israéliens : à
l'administration civile et dans les bureaux des Renseignements Généraux
[Shabak]. Ce nœud gordien n'a pas changé avec la mise en œuvre
du « désengagement ».
Le registre palestinien de population dans la Bande de Gaza n'a
pas été « désengagé » de l'ordinateur israélien. De sources
palestiniennes, on indique que la question de la « séparation »
d'avec les ordinateurs israéliens n'a absolument pas été soulevée
lors des discussions sur le désengagement qui se sont tenues
entre représentants israéliens et Autorité Palestinienne, si
bien que les Palestiniens ont compris que la même situation
serait maintenue. Les représentants de l'Administration israélienne
de Coordination et de Liaison ont même fait savoir au représentant
du Ministère de l'Intérieur que, du fait du déménagement de
leurs bureaux hors des frontières de la Bande de Gaza, la mise à
jour des registres – notamment pour ce qui est des naissances et
des décès – serait gelée pour une période de dix jours. Dès
que le travail reprendra côté israélien – et cela aussi dépend
de la détente sur le plan de la sécurité – un employé du
Ministère palestinien de l'Intérieur sortira avec des caisses
remplies de rapports sur les dernières naissances, les décès,
les mariages, pour les remettre à l'Administration de
Coordination et de Liaison, en ses nouveaux bureaux et permettre
ainsi la mise à jour de l'ordinateur israélien.
S'agissant de l'émission de cartes d'identité ou de
l'enregistrement d'une naissance ou d'un décès, cette mise à
jour apparaît comme purement technique. Mais la dépendance à l'égard
d'Israël est absolue quand il s'agit d'ajouter des habitants au
registre : le Ministère palestinien de l'Intérieur n'a, par
exemple, pas autorité pour accorder la « citoyenneté » à des
Palestiniens nés à l'étranger et qui souhaiteraient concrétiser
leur « droit au retour » à l'intérieur de la Cisjordanie ou de
la Bande de Gaza. Il en est de même pour les dizaines de milliers
de Palestiniens nés dans les Territoires occupés mais qui ont
perdu leur droit de résidence à cause d'une politique israélienne
délibérée de déni de droit de résidence à toute personne qui
n'est pas revenue au pays pendant une période de plus de trois
ans.
En outre, l'Autorité Palestinienne n'est pas libre de renouveler
leurs cartes d'identité. Il y a des dizaines de milliers de
couples dont un des membres est né dans la diaspora palestinienne
et n'est pas un habitant des Territoires. Depuis 1967, ce sont les
autorités israéliennes qui sont compétentes pour autoriser la
« réunification familiale » de tels couples. Rien n'a changé
après la création de l'Autorité Palestinienne. Et cela fait
cinq ans que le traitement des dossiers de « réunification
familiale », qui s'opérait par le biais de négociations entre
Israël et les Palestiniens, est gelé.
En Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, vivent environ 54 000
Palestiniens détenteurs d'un passeport étranger, qui sont arrivés
dans les Territoires comme touristes, avec un visa d'entrée israélien,
dans l'espoir de se voir accorder la « citoyenneté » dans le
cadre des accords d'Oslo et du processus politique. Ces gens-là,
qui sont appelés « visiteurs retardataires », risquent
l'expulsion s'ils arrivent à un barrage militaire israélien et
cela, même s'ils ont des enfants ou un conjoint dans les
Territoires. Ils ne peuvent pas non plus partir à l'étranger, même
en cas d'urgence. Dès lors qu'ils seraient partis, Israël ne les
autoriserait pas à revenir dans la mesure où ils auront été en
séjour illégal une fois passée la date d'expiration de leur
visa d'entrée. C'est dire que le contrôle israélien sur les
registres du Ministère palestinien de l'Intérieur est lié au
contrôle israélien sur les passages à la frontière et sur les
déplacements à l'intérieur de la Cisjordanie. L'Autorité
Palestinienne ne peut dès lors pas agir unilatéralement et
donner à tous ces gens une carte d'identité : au premier soldat
israélien qui, à un barrage ou un passage de frontière, la
contrôlerait et découvrirait que ses données ne figurent pas
dans l'ordinateur israélien, cette carte d'identité n'aurait même
pas la valeur du papier sur laquelle elle est imprimée.
Les Palestiniens n'ont pas envisagé de demander une modification
de la situation existante ni le « retrait » du registre de
population de la Bande de Gaza hors du Ministère israélien de
l'Intérieur. Pour eux, ce qui s'applique à la population de
Cisjordanie s'applique à celle de la Bande de Gaza et ce sont
deux morceaux d'une même « unité territoriale». C'est pour
cette raison par exemple qu'avant-hier, dans son discours à
Ramallah, Mahmoud Abbas a insisté sur son opposition à la
demande de libération des prisonniers gazaouis dans le cadre du
«désengagement ».
Selon lui, il n'y a pas de différence entre les prisonniers de
Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, et l'exigence de leur
libération n'a pas de lien avec le départ de Gaza de l'armée
israélienne. C'est pourquoi, du point de vue palestinien, le
maintien du contrôle israélien sur le registre de population
palestinien est la démonstration que l'occupation israélienne de
la Bande de Gaza n'a pas pris fin. Le fait que les instances israéliennes
ne se sont pas « portées volontaires » pour discuter de la
possibilité de retirer le registre de la population gazaouite du
Ministère israélien de l'Intérieur est en contradiction avec
leur attente de voir le monde reconnaître que Gaza n'est plus une
zone occupée.
[Traduction de l'hébreu : Michel Ghys]
|