Haaretz, 22 mars 2006
www.haaretz.co.il/hasite/pages/ShArtPE.jhtml?itemNo=697274
Version
anglaise : Strangled in Gaza
www.haaretz.com/hasen/spages/697018.html
Aux
élections, les citoyens d’Israël ne voteront pas seulement
pour eux ; la majorité des gens voteront pour des partis qui
prendront des décisions intéressant non seulement leur vie pour
les quatre années à venir mais encore – et comme au cours des
39 dernières années – qui décideront à la place des 3,5
millions de Palestiniens habitant les territoires occupés. Et le
parti de la majorité composera un gouvernement qui fixera
jusqu’aux plus petits détails de la vie des Palestiniens.
Car
c’est l’essence même d’un pouvoir étranger : par son
vote, un peuple autorise son gouvernement démocratique à agir en
dictateur dans un territoire qu’il contrôle par la grâce de sa
supériorité militaire et où vit un autre peuple qui se voit
refuser le droit de participer au jeu démocratique.
Ces
deux derniers mois, le dictateur que la population israélienne
avait démocratiquement élu a décrété que les habitants de
Gaza seraient mis « à
la diète » sur l’avis donné au gouvernement par
l’avocat Dov Weissglas immédiatement après la victoire du
Hamas aux élections. Le Ministre de la Défense, Shaul Mofaz, a décidé
que les habitants de Gaza mangeraient de moins en moins de
produits frais et de produits laitiers, ensuite de moins en moins
de riz, et bientôt plus non plus de pain.
Avec
la fermeture prolongée du passage de Karni aux marchandises,
Mofaz (représentant le gouvernement) ne s’est pas seulement mêlé
des habitudes alimentaires des Palestiniens : il a aussi décidé
de mettre en congé sans solde des dizaines de milliers de
Palestiniens de Gaza : chauffeurs, commerçants, porteurs,
ouvriers textiles, ouvriers agricoles, ouvriers du bâtiment et
entrepreneurs, qui ne voient plus arriver les matières premières
dont ils dépendent.
Dans
le secteur du bâtiment, les travaux sont à l’arrêt et le
nombre, de toute façon déjà élevé, de ceux qui ont besoin
d’une assistance, croîtra. Les dommages en chaîne
influenceront des dizaines de décisions prises dans chaque
famille : éducation des enfants, soins médicaux, déplacements
pour rendre visite à des proches, construction d’une chambre
pour réduire le surpeuplement dans la maison.
C’est
là une ingérence et une influence sur la vie quotidienne comme
n’en a jamais eu aucun gouvernement palestinien élu – dirigé
par le Hamas ou le Fatah.
A
Karni, les services de la sécurité palestinienne ont creusé,
sur ordre d’Israël, quatre tranchées d’une longueur totale
d’un kilomètre et demi, sans trouver le tunnel qui a servi de
prétexte à la fermeture du terminal de marchandises. Le jour où
ont été saisis cinq kilos d’explosifs sur la route N°1, à
bord d’un véhicule qui transportait des Palestiniens, les
explications de nature sécuritaire sont plus que jamais ce
qu’il faut de clair et de simple aux oreilles israéliennes.
De
toute façon, depuis le désengagement, la version du gouvernement
israélien selon laquelle « Gaza
n’est plus un territoire occupé » et que dès lors,
ce qui s’y passe n’est pas de sa responsabilité, est plus
facile à retenir pour les Israéliens que toute explication selon
laquelle le contrôle d’Israël sur la vie des Palestinien à
Gaza n’a pas pris fin. Que Gaza n’est qu’une partie du
territoire palestinien, que sa population, son économie et ses établissements
de santé et d’enseignement sont liés à ceux de Cisjordanie,
et que la communauté internationale a décidé que l’Etat
palestinien serait établi sur ces deux parties, Gaza et
Cisjordanie.
Mais
l’électeur israélien dédaigne les décisions de la communauté
internationale. Il a décidé, en fait, que Gaza « retournerait »
à l’Egypte. Car telle est la signification logique de la
fermeture prolongée du passage de Karni, après que le nombre de
Palestiniens passant au barrage d’Erez ait déjà baissé. Même
si ici ou là, des pressions internationales permettront l’entrée
par le passage de Karni d’une aide « humanitaire »
– comme s’il s’agissait d’une région frappée par une
catastrophe naturelle – on peut s’attendre à ce que les élus
israéliens le referme pour des « motifs
sécuritaires ».
Tout
ça pour habituer les habitants de Gaza, et aussi la communauté
internationale, à l’idée qu’il serait peut-être rationnel
d’orienter la production de Gaza, ses affaires et ses plans,
vers le sud, vers l’Egypte qui ne pourra pas se tenir à l’écart
quand environ 1,5 millions d’Arabes sont étranglés par le siège
israélien.
Au
fond, le vote de l’Israélien ne portera pas seulement sur le
sort des Palestiniens, mais se mêlera aussi de la vie des
Egyptiens.
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)