Et que certains d’entre eux se consolent en
disant que la raison de la victoire du Hamas est la division du
Fatah - qu’il y a une raison nouvelle, presque formelle, plutôt
que la faillite de la direction officielle, dont les évidences
s’accumulent. Et une démocratie est une démocratie : si
le parti au pouvoir ne délivre pas la marchandise promise, les électeurs
essayeront un parti différent.
Le Fatah et l’Autorité Palestinienne avaient
promis au peuple palestinien, au cours des douze dernières années,
des biens précieux : un état indépendant sur toute la
Cisjordanie et Gaza, sécurité pour les personnes, prospérité
et stabilité économique, ’évacuation des colonies, drapeaux
palestiniens déployés sur les mosquées et les églises à
Jerusalem. Selon leur interpétation, ces biens sont ceux qui étaient
derrière les accords d’Oslo, tant dans les termes que dans le
contenu.
L’Autorité Palestinienne et le Fatah ne sont
pas les seuls à avoir compris les accords de Oslo de cette manière.
Ils ont été rejoints par des dirigeants arabes qui ont amélioré
leurs relations avec Israél sur la base d’une interprétation
similaire, par les pays européens qui ont renforcé leurs liens
économiques avec Israël à cause de ces mêmes accords, et une
grande partie de l’opinion israélienne, qui évoquait la
« dynamique » des accords et préférait penser que
l’occupation touchait à sa fin et que la paix était possible
avec les colonies.
Il n’est pas nécessaire de décrire ce qu’il
est advenu des biens et des promesses : ils sont enterrés
dans des « checkpoints » monstrueux, dans les
quartiers et les villages qu’Israël a transformés en prisons,
dans les ordres d’ expropriation des terres, dans les colonies
et les postes avancés dont la construction n’a fait que s’accélerer,
parallèlement aux négociations. Il y a des gens qui se consolent
en se disant que les victoires du Hamas ne le sont que pour des élections
locales, au niveau des services municipaux. Les représentants du
Fatah disaient cette semaine que pour l’élection générale
programmée fin janvier, l’opinion publique prendra en considération
et donnera son appui à la solution réaliste du double état.
Peut-être.
Mais le Fatah n’est pas mesuré seulement à
l’aune de ses échecs politiques majeurs ; ceux-là peuvent
toujours s’expliquer par la puissance israélienne et l’appui
impérialiste des Etats Unis. Au contraire, le Fatah comme parti
au pouvoir est également évalué en fonction de ses performances
et comportements à l’intérieur de son périmètre d’action,
même dans les conditions très limitées dues à l’étranglement
de l’occupation israélienne. Dans ce périmètre d’action, la
rélation entre les dirigeants et les dirigés s’évalue selon
le dégré d’honnêtetédes chefs et des institutions, et du
soin qu’ils prennent de leurs électeurs. L’exercise de
l’autorité locale était un test important pour le parti au
pouvoir, et il a échoué.
La victoire du Hamas aux élections locales a
fleuri en sol fertile. Le peuple en a assez des mensonges qui ont
accompagné sa vie depuis 13 ans : que Oslo c’est la paix ;
que l’établissement de l’Autorité Palestinienne est un
accomplissement et un symbole qui neutralise tous les ratés ;
que l’Autorité Palestinienne est un état. Le Hamas dit-il la vérité ?
De fait, sa participation pleine d’assurance à l’élection générale
est fondée sur trois mensonges.
Le premier mensonge que le Hamas a répandu est
que la bande de Gaza est libérée. Dans sa vantardise selon
laquelle Gaza n’est plus sous occupation israélienne, le Hamas
a un partenaire important : le gouvernement israélien. Israël
a intérêt à dissimuler les faits - qu’il contrôle la liberté
de mouvement des palestiniens et leurs régistres d’état civil.
Israël a intérêt à séparer le sort de Gaza de celui de la
Cisjordanie. Mais quel intérêt a le Hamas à le faire, autre que
la victoire aux élections ?
Le deuxième mensonge est que Gaza a été
« libérée » grâce à la lutte armée des
palestiniens, surtout celle du Hamas, et que cela constitue la
formule gagnante pour la Cisjordanie également. Les palestiniens,
y compris le Hamas, considèrent les attentats suicides en Israël
comme partie intégrante de la « lutte armée ». Dans
sa propagande, le Hamas élude le fait que lui-même et d’autres
groupes ont perpétré des attaques dans les territoires occupés,
principalement à cause de la difficulté d’entrer en Israël
depuis Gaza pour y faire des attentats suicides. Ces attentats
suicides ont eu seulement pour effet d’augmenter l’appui des
israéliens à toutes les formes de contrôle de la Cisjordanie.
Le Hamas a intérêt à exagérer sa « dangérosité »
et sa puissance militaire, de la même manière qu’Israël.
C’est comme cela qu’Israël accroit son contrôle sur la
Cisjordanie, avec l’aide du silence de la communauté
internationale, et c’est ainsi que le Hamas gagne la compétition
interne pour diriger la résistance palestinienne.
Le troisième mensonge est que les prochaînes élections,
contrairement à ce qui arriva en 1996 lorsque le Hamas avait réfusé
de participer, ont déjà été sorties du cadre des accords d’Oslo
et elles sont donc devenues « kasher ». Mais c’étaient
les accords d’Oslo qui ont déterminé que les élections à
l’autorité palestinienne devaient avoir lieu à Gaza et en
Cisjordanie (et non par exemple auprès de la diaspora également).
C’était le processus d’Oslo - sinon les termes de l’accord
- qui définisait le conseil de l’Autorité Palestinienne comme
un « gouvernement ». Et ce sont les négociations avec
Israël - que le Hamas réfuse de reconnaître - ainsi que la médiation
des pays donateurs qui ont conduit à établir des institutions
gouvernementales, dans lequel le Hamas projette d’entrer
maintenant.