La dernière concerne l’inculpation de celui qui
a ordonné le tir avec des munitions réelles au-dessus des
travailleurs et de leurs enfants -scolaires - qui ont manifesté
à Khan Yunis lundi dernier.
La liste originale inclut les revendications
principales suivantes : l’exemption des frais
d’inscription à l’école pour les enfants des travailleurs et
des chômeurs ; la création d’un fonds de solidarité
sociale pour le paiement systématique des indemnités de chômage ;
l’effacement des dettes des travailleurs et des chômeurs qui
n’ont pas pu payer leurs notes d’électricité et d’eau
durant les 5 dernières années ; un contrôle accru de
l’attribution de postes temporaires par l’Autorité
Palestinienne ; sécurité sociale gratuite pour les
travailleurs et les chômeurs ; élections libres au Syndicat
Général des Travailleurs Palestiniens.
La police palestinienne, qui disparaît lorsque un
étranger -journaliste ou membre d’une organisation
internationale - est pris en otage en plein jour dans les rues de
Gaza ; les autorités de sécurité palestiniennes, qui
n’ont pas su empêcher l’attaque de Moussa Arafat par des
assaillants armés anonymes et son assassinat à l’aube ;
la police palestinienne et autres personnels de sécurité, qui
disparaissent dès qu’un groupe de membres armés et masqués
des Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa s’emparent d’un bâtiment
de l’autorité palestinienne - ceux-là mêmes étaient en force
dehors (et agressifs) contre plusieurs centaines de travailleurs
et chômeurs qui défilaient dans les rues de Khan Yunis la
semaine dernière.
Promesses Vides
Les travailleurs, membres des comités, ont décidé
de manifester après qu’ils eurent compris que les promesses de
hauts responsables de l’Autorité Palestinienne, y compris
Mohammed Dahlan, de satisfaire à leur demande principale et
exempter leurs enfants des frais d’inscription scolaire avaient
été données seulement aux médias mais non aux écoles en tant
que directives officielles. Les parents avaient allègrement envoyé
leurs enfants à l’école, et là les directeurs les ont informés
qu’ils seraient admis à étudier à la condition que leurs
parents paient les frais d’inscription. Les comités de
travailleurs ont donc décidé d’une première manifestation
dimanche, au Ministère de l’Education. Ils ont conclu un accord
temporaire pour la formation d’un comité joint qui déterminerait
les conditions liées à l’exemption d’inscription scolaire.
Le lendemain, quand les enfants ont été envoyés pour
"chercher un papier du Ministère des Affaires sociales"
qui prouve que leurs parents étaient dans une situation financière
délicate, les travailleurs ont érigé une tente, pour protester,
devant les bureaux du gouverneur de Khan Yunis, dont le poste en
fait le représentant public du rais, Mahmoud Abbas.
Lundi, des représentants des travailleurs ont
demandé le début des négociations avec le gouverneur, Hosni
Zourab. Zourab s’est plaint que les travailleurs de la tente
l’interrompaient et lui parlaient durement. Abd-as-Samih
an-Najjar, qui a été élu à la tête des Comités de
Travailleurs Indépendants de la Bande de Gaza, au cours d’une
élection libre, a dit que Zourab parlait de deux ou trois
travailleurs excités qui accusaient le gouverneur de ne pas tenir
ses promesses, et que lui, an-Najjar les avait calmés. Il a déclaré
que tout le monde voulait une discussion et des négociations
civilisées, et qu’il était venu pour cela jusqu’au bureau du
gouverneur. Là, à sa grande surprise, il avait trouvé des représentants
des agences de sécurité et quelques Mukhtars - représentants
dignitaires des clans familiaux « qui sont utiles
lorsqu’il faut traiter des disputes inter-familiales, mais
n’ont rien à faire avec nos demandes, qui sont relatives à la
loi ».
« Nous ne demandons pas des faveurs ou des
gestes des dirigeants, non plus qu’une solution temporaire, mais
plutôt une définition de la législation concernant les droits
des travailleurs et des chômeurs » dit an-Najjar. « Nous
n’avons rien hormis nos enfants. Et nous avons le droit de leur
assurer qu’ils iront aussi à l’université, tout comme les
enfants des officiels et des chefs du gouvernement. Nous ne
demandons pas des postes et des salaires, mais nous demandons à
être traités avec dignité ». Cependant, une atmosphère délétère
a commencé à régner dans la pièce, qui s’est terminée avec
l’ordre de démantèlement de la tente des manifestants.
Selon la sécurité de l’Autorité
Palestinienne, ce sont les travailleurs qui ont commencé à jeter
des pierres aux policiers qui se sont ainsi vus obligés de
disperser la manifestation avec des tirs en l’air et des gaz
lacrymogènes. Les travailleurs nient en bloc et disent que les
policiers se sont montrés violents devant leur manifestation
pacifique, et qu’ils (les policiers) avaient l’intention de
les attaquer lorsqu’ils étaient serrés dans la tente, ce pour
quoi ils ont été obligés de sortir de la tente et de manifester
dans les rues.
Les travailleurs ont expliqué le tir de pierres
comme un « besoin de se défendre » lorsque les
policiers de l’Autorité Palestinienne ont commencé à tirer en
l’air, avec des vraies balles. Les travailleurs ont également délivré
an-Najjar des mains des policiers. Il avait été arrêté alors
qu’il clame qu’il a essayé de s’assurer que la
manifestation se déroulerait dans le calme. « Ils ont tiré
des gaz lacrymogènes sur nous » dit-il, « et nous
avons crié, « A Neveh Dekalim, l’armée israélienne est
restée devant les colons pendant des jours sans leur faire du
mal, et vous, notre police nationale, vous tirez des gaz sur nous
au bout de cinq minutes ». Une grenade a heurté le pied
d’un manifestant.
Des échauffourées avec la
police
Les affrontements entre la police et les
travailleurs et les enfants qui s’étaient joints à eux a duré
plusieurs heures. Des tentatives pour empêcher les enfants de se
joindre aux manifestants, de peur qu’ils soient blessés, furent
infructueuses. « Tout a débordé » dit as-Najjar. La
manière insultante de « leur » police à leur égard
est douloureuse. Pendant ce temps là, des représentants des
Comités de Travailleurs Indépendants du nord de la bande de
Gaza, qui avaient entendu parler des heurts, ont lancé leurs
propres manifestations à Beit Lahia et Jabalya.
La semaine dernière, après les préparatifs de
l’IDF pour quitter Gaza, la Bande était encore coupée en deux
et le passage de Abu Holi (l(intersection Gush Katif) était fermé
à la circulation pour les Palestiniens dans la journée, de sorte
qu’on ne pouvait pas avoir une manifestation centrale. Mais les
représentants du nord de la Bande de Gaza ont réussi à
rencontrer le gouverneur de leur district et à expliquer leur
position. Le gouverneur a contacté des officiels de sa
juridiction et il a été convenu d’organiser une réunion bientôt
avec le ministre palestinien du Travail, Hassan Abu Libdeh. Des
représentants des Comités partout dans la Bande de Gaza ont prévu
de se réunir mercredi et d’organiser leur prochains mouvements.
Les Comités de Travailleurs Indépendants se sont
développés à partir des tentes de manifestation dressées
partout dans la Bande par les travailleurs, en particulier ceux
qui avaient perdu leur travail en Israël à cause de la fermeture
prolongée, qui a commencé voilà trois ans. Il s’agit à
l’origine d’une protestation contre ce qu’ils voyaient comme
une distribution injuste des fonds reçus de l’Autorité
Palestinienne, fonds qu’ils ne recevaient pas, ce qui les
cantonnait dans un groupe sans cesse grandissant de « cas
sociaux ».
Ils se plaignaient aussi du fait que les critères
d’attribution de certains postes aux chômeurs n’étaient pas
clairs. Les protestations se sont élargies vers une critique de
principe et plus structurée - d’abord contre la politique de
« distribution de charité » et « distribution
de faveurs » de l’ANP - au lieu d’une mise en place de
solidarité et bien-être social ancrés dans la législation.
Mais la protestation concernait aussi l’incompétence
des dirigeants des syndicats officiels - qui reçoivent des
salaires réguliers de l’AP - dont personne ne se souvient de
si, quand ou comment ils ont été élus. Les syndicats officiels
sont liés aux diverses organisations politiques et la
distribution de porte-feuilles entre eux se fait selon l’allégeance
aux différents groupes de l’OLP ; ils sont dirigés par
des membres de l’OLP qui ont des appuis.
Les travailleurs et les chômeurs qui ont commencé
à protester il y a trois ans attirent l’attention sur leur indépendance
vis à vis des organisations. Au début, ils recevaient de
l’aide des organisations humanitaires à Gaza, dont les
fondateurs étaient des anciens militants des organisations de
gauche palestiniennes mais qui les avaient quittées. Ils
recevaient en particulier l’aide du Centre Palestinien pour la Démocratie
et les Droits des Travailleurs, dont le directeur en Cisjordanie
était un militant du Parti Communiste Palestinien et le directeur
à Gaza un ancien membre du Front Populaire.
L’année dernière, avant l’élection de
janvier 2005 pour la présidence à l’AP, les travailleurs ont
commencé des préparatifs pour l’établissement d’une
organisation indépendante des travailleurs. Ils ont tenu leur
conférence fondatrice le 18 décembre 2004, au cours de laquelle
an-Najjar a été élu directeur ainsi qu’un secrétariat général
qui comporte 21 représentants dont 5 femmes. Les chefs de
l’organisation disent qu’environ 8000 travailleurs se sont
inscrits ; ils payent une cotisation de membre de 10 NIS par
an .
Assurance gratuite.
Avant les élections présidentielles, les membres
de la nouvelle organisation des travailleurs ont découvert que le
seul candidat qui manifestait un soutien complet à leurs
revendications était le Docteur Mustafa Barghouti, fondateur de
l’Initiative Nationale Palestinienne ; ils ont donc appuyé
sa candidature, mais comme le souligne an-Najjar maintenant, son
soutien était passager.
Le Hamas, qui vient de créer son propre syndicat
de travailleurs, leur a proposé de participer à une
manifestation qu’il organisait. Au cours d’une réunion le
mois dernier dans leurs bureaux de Khan Yunis, ils ont décliné
l’offre ; ils se sont rendu compte que leur principal
avantage est l’indépendance. En conséquence, ils ont aussi
demandé aux groupes humanitaires, dont les origines sont
fortement gauchistes, de lâcher l’ « étreinte »
professionnelle qu’ils accordaient initialement à l’Organisation
des Travailleurs, afin d’éviter les étiquettes. Maintenant ils
s’organisent pour offrir différents cours aux travailleurs.
La traditionnelle Fédération syndicale des
Travailleurs perçoit les organisations indépendantes comme une
menace. On a entendu au cours de plusieurs manifestations des
accusations selon lesquelles la fédération avait envoyé des
provocateurs pour s’embrouiller avec la police et tourner le
conflit en un modèle de « chaos » et « traîtrise »
contre le gouvernement national. Même si les médias officiels
palestiniens ne se pressent pas pour faire état de leurs demandes
et de leurs efforts d’organisation, malgré des rapports
fallacieux selon lesquels dans la manifestation de Khan Yunis il y
avait des manifestants du Hamas et du Jihad Islamique, les Comités
Indépendants ont certes marqué quelques points : ils ont reçu
l’assurance (sur document signé) que la compagnie d’électricité
ne couperait pas le service à ceux qui n’ont pas payé leurs
facture à temps (« Une dette de 15.000 Nis est le minimum »,
dit an-Najjar).
Un accord a également été conclu pour que les
chômeurs et les travailleurs bénéficient de la couverture médicale
gratuite, même si ceci n’inclut pas des soins à l’étranger.
Cette promesse a été faite par le précédant ministre de la
santé, Jawad al-Tibi, mais les dirigeants de l’Organisation Indépendante
des Travailleurs ont découvert que non seulement les personnes
doivent payer 50 Nis pour cette couverture santé « gratuite »,
mais que celle-ci est définie comme « assurance de l’intifada
de Al-Aqsa ». Autrement dit, dès que la fin de l’intifada
sera décrétée, il n’y aura plus d’assurance.
Quel sera le résultat de la prochaine réunion
avec le Ministre du Travail palestinien, et sera-t-il différent
du modèle des trois dernières années : indifférence de
l’institution, pressions en faveur d’un fonctionnaire
complaisant de l’ANP, déclarations bruyantes conduisant à des
réunions avec l’un ou l’autre des fonctionnaires et puis,
promesses qui deviennent des « faveurs » temporaires ?
En tous les cas, an-Najjar, qui prévoit une directive présidentielle
de Abbas qui régulera l’inscription gratuite des élèves, des
travailleurs et des chômeurs, assure que si 10 jours avant le
Ramadan, en octobre, leurs principales revendications ne sont pas
satisfaites, les travailleurs continueront leurs manifestations.
Les appels des chefs de l’ANP pour l »union nationale »
et les célébrations victorieuses accompagnant le retrait israélien
de la Bande de Gaza, ne détourneront pas leur attention ni ne les
feront taire.