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Ha'aretz

La capacité d’endurance
Amira Hass


Haaretz, 9 août 2006

www.haaretz.co.il/hasite/spages/748205.html

Version anglaise : www.haaretz.com/hasen/spages/747999.html

« Déclaration féminine et sentimentale », diront les rédacteurs de la chaîne Al-Manar appartenant au Hezbollah, à propos de l’affirmation que les peuples ne gagnent pas à la guerre. Comme de nombreux observateurs arabes, ils qualifieront déjà de victoire arabe le fait que le Hezbollah ait réussi à exposer des soldats de l’armée israélienne à de rudes combats et à attaquer, depuis près d’un mois, l’arrière israélien. Mais quelle victoire, dans la mort d’un millier de Libanais, dont de nombreux enfants, tués à ce jour par l’armée israélienne ? Et où est la victoire quand près d’un million de civils ont fui leurs maisons qui ont, depuis, été détruites, bombardées ? La mise à nu de la faiblesse israélienne face à une milice qui met en difficulté une armée organisée valait-elle toutes ces pertes et toutes ces destructions ?

D’un autre côté, une absence de victoire de l’autre camp ne constitue pas une victoire israélienne. Même en triplant le nombre de combattants du Hezbollah et en doublant le nombres de mères libanaises qu’Israël tuera, et même si la force aérienne israélienne rase mille villages, cela ne rendra pas la vie aux morts israéliens. Les traumatismes et les dommages économiques continueront de marquer de leur empreinte la vie de beaucoup. Et même avec un accord d’arrêt des hostilités plus proche des positions israéliennes que des positions libanaises, il ne s’agira pas d’une victoire. L’obstination israélienne à fixer de façon unilatérale les règles du jeu dans la région y perpétue et y approfondit son caractère de corps étranger. Cette obstination, des générations d’Israéliens continueront à la payer.

Que ce ne soit pas une guerre « bang ! et c’est fini », il ne faut pas en être surpris. Pendant six ans, l’armée israélienne a habitué ses soldats à considérer leurs attaques en Territoires occupés comme du « combat ». Autrement dit, ils ont nourri la fable selon laquelle il y aurait une quelconque symétrie dans le rapport entre l’armée israélienne, régulière et sophistiquée, et les groupes palestiniens dotés d’un armement léger et de bombes artisanales, courant d’une manière suicidaire entre les chars et sous les hélicoptères pendant que ceux-ci dévastent maisons et champs. De fait, dans quelques rares cas, les Palestiniens ont réussi des opérations de guérilla portant atteinte à des soldats. Mais c’étaient des exceptions. Les attentats-suicide à l’intérieur d’Israël témoignent de la faiblesse « militaire » des organisations palestiniennes. Maintenant, l’armée a envoyé au Liban des soldats à qui on a appris à croire que se battre consiste à écraser des maisons de réfugiés sous les bulldozers et les chars, que se battre c’est tirer à partir d’hélicoptères sur des gens armés de Kalachnikovs dont les balles ne parviennent même pas à égratigner les chars, des soldats à qui on a appris à croire que la défense de la patrie consistait à empêcher, jour après jour, à l’aide de barrages, des centaines de milliers de personnes à vivre comme des êtres humains.

Pourquoi rappeler ceci aujourd’hui ? D’abord, parce que la guerre contre les Palestiniens se poursuit et enregistre de nouveaux sommets de cruauté d’Etat. Ensuite parce que la mentalité des doubles standards et le mépris fondamental pour ceux qui ne sont pas « nous » expliquent, mieux qu’un équipement obsolète et un entraînement inadéquat, les coups qu’Israël a pris jusqu’ici et qu’il continuera de prendre. Au Liban comme à Gaza et en Cisjordanie, Israël est persuadé que son pouvoir de destruction illimité représente une force de dissuasion et de persuasion politique. Et ceci, parce qu’Israël néglige le facteur humain et la force qui se développe [chez les Libanais et les Palestiniens] parallèlement au renforcement de notre pouvoir de destruction.

C’est à juste titre que nous nous préoccupons du sort des habitants du nord du pays, que nous sommes fiers de leur endurance, que nous comprenons ceux qui s’en vont, que nous sommes ébranlés par l’histoire de la mort de chaque personne touchée par une Katioucha, que nous nous identifions à ceux qui sont frappés de frayeur. Prenez ce que les habitants du nord ont enduré depuis près d’un mois, multipliez-le par mille, ajoutez-y un blocus économique, la coupure de l’électricité, des atteintes à la distribution de l’eau, le blocage de salaires : voilà comment vivent les Palestiniens à Gaza, depuis six ans.

Les Israéliens permettent à leur armée de continuer à détruire, à écraser et à tuer dans les Territoires palestiniens. Ici, comme au Liban, c’est l’ignorance des dimensions d’une destruction qui n’a aucun frein ni mesure et l’ignorance de la stupéfiante capacité humaine à faire face, qui constituent le véritable échec en matière de sécurité et de renseignement. C’est pour cela qu’on s’abandonne aux illusions de « victoires ». Si les roquettes artisanales continuent d’être tirées sur Sderot en dépit de la grande souffrance des Palestiniens, c’est parce que les Palestiniens concluent, à juste titre, que le pouvoir de destruction d’Israël n’est pas destiné à empêcher les tirs de Qassam, ni à libérer le soldat Gilad Shalit. Il est destiné à leur imposer un accord de capitulation qu’ils rejettent non pas par des victoires militaires mais par leur capacité d’endurance.

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)

 

 


Source : Michel Ghys


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