De la "convergence" à une frontière de confort
Amira
Hass
[critique en règle du "plan de
convergence" d'Olmert par Amira Hass qui prédit, tôt ou tard, une explosion de rage des Palestiniens. Le
confort, auquel aspirent légitimement les Israéliens, "ne s'obtient
pas aux dépens d'une autre nation"]
http://www.haaretz.com/hasen/spages/702535.html
Ha'aretz, 5 avril 2006
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Pour présenter le plan de "convergence" (1) à
l'opinion occidentale comme une énorme concession digne de louanges, il faut exagérer le
soutien des Juifs israéliens au "Grand Israël". Or, si le Grand
Israël avait vraiment été la principale priorité des citoyens juifs israéliens, il y
aurait eu bien plus que les 10.000 colons dans la Vallée du Jourdain, des
dizaines de milliers de gens se seraient précipités pour agrandir Maale
Ephraïm et les colonies agricoles, et les lumières à l'Est du Grand Israël
brilleraient et scintilleraient autant que celles de l'Ouest de la
Jordanie.
Durant les années Oslo, comme ces dernières années, Israël
s'est assuré que cette zone immense soit bloquée pour tout développement
palestinien, et largement ouverte au développement israélien. Et les
conditions de vie relativement difficiles (chaleur, éloignement par rapport au
centre du pays) n'aurait pas dissuadé les masses israéliennes. Si chaque
pouce de terre du Grand Israël avait vraiment suscité une attraction et
une émotion chez les citoyens juifs d'Israël, ceux-ci n'auraient pas eu
besoin des avantages qui leur ont été proposés pour vivre dans les
territoires conquis en 1967. Ils seraient partis coloniser les lointaines
collines, et ils ne se seraient pas contentés des colonies "à 5 minutes
de Kfar Saba".
Ils n'auraient pas eu besoin de ces publicités qui vantaient ces
jolies villas de plain-pied. Au contraire, ils auraient encouragé l'Etat
et les entrepreneurs à construire des immeubles d'appartements. Il n'y
aurait pas aujourd'hui 420.000 colons (en comptant ceux de Jérusalem Est
occupée), mais deux millions.
Ce qui a attiré les Juifs israéliens (et qui en a fait des délinquants
vis-à-vis du droit international), ce n'est pas chaque pouce de
la terre sainte, mais la promesse d'une vie confortable garantie par la
suprématie militaire d'Israël, de logements spacieux à bon marché et
d'excellentes infrastructures. Toutes choses qui étaient indisponibles à l'intérieur
de l'Etat d'Israël. Cette convergence, donc, ce sont des frontières
tracées par les aspirations au confort de l'Israélien moyen.
Ces aspirations seraient d'ailleurs toutes naturelles si elles n'étaient
pas aux dépens des Palestiniens, en tant que personnes et en tant
que peuple. Mais les Israéliens moyens, y compris ceux qui ne sont
pas des colons, ne se soucient pas de choses triviales comme le droit
international, les valeurs morales fondamentales ou le bien-être
des Palestiniens. Et ce sont précisément les "blocs de
colonies" et la zone tampon entre la ligne Verte et la barrière de séparation qui
coupent la Cisjordanie en tronçons, accapare les ressources en eau et le
terres
fertiles, séparent les communautés palestiniennes les unes des
autres et font obstacle à toute continuité, géographique et démographique.
Le contrôle par Israël de ces zones, qu'il s'agisse de 28% de la
Cisjordanie ou de "seulement" 13,5%, a causé et causera encore des
dommages
irréversibles à la société palestinienne. Mais cela n'inquiète
pas outre mesure les Israéliens moyens et leurs élus, qu'ils soient de
Kadima, du Parti travailliste ou des retraités. Tous ces faits échappent à
leur conscience et sont enterrés, comme les centaines de villages
palestiniens qui ne sont pas mentionnés sur les panneaux de signalisation des
autoroutes réservées aux colons.
La sécurité est un élément constitutif d'une vie agréable. Et
ceux qui aiment la prospérité aux dépens d'autres croient probablement
que la "convergence" leur apportera la sécurité. Il est
raisonnable de penser que les habitants des blocs de colonies continueront à se sentir à
l'aise et
en sécurité derrière les différentes sortes de fils barbelés,
de murs de béton et de portails fermés, et à ignorer le rôle qu'ils
jouent dans ce vol. Mais les Palestiniens, pour invisibles qu'ils soient, voient
et ressentent les choses. En Israël, on compte sur la résignation
des Palestiniens face au vol et à la discrimination, résignation née
de l'habitude, de l'isolement sur le plan international et de la
force militaire israélienne.
Mais il est illusoire de croire (comme à l'époque d'Oslo) que
les Palestiniens accepteront de voir les colonies se développer, d'être
expulsés de leurs terres et de se voir imposer des limitations draconiennes dans leur liberté de déplacement. L'explosion qui
s'est produite fin septembre 2000 a été provoquée par la
contradiction entre les promesses de paix et la réalité de l'occupation et de la
colonisation. Le plan de convergence, qui cristallise la violence de l'occupation
dans des zones à forte population palestinienne, provoquera et augmentera
encore chez les Palestiniens trois sortes de rage : une rage nationale,
due au sabotage du projet d'indépendance et de développement de
l'Etat palestinien ; la rage économique de centaines de milliers de
Palestiniens qui ont perdu leurs terres, leurs biens et leurs moyens
d'existence au profit des Juifs qui prospèrent de l'autre côté des fils barbelés
; et la rage religieuse de ceux qui se tournent vers le Coran et Allah qui
leur expliquent que c'est la nature des Juifs.
Les partisans et les concepteurs du plan de convergence se
trompent s'ils pensent que toutes ces formes de rage n'exploseront pas, ou qu'il
sera toujours possible de les réprimer. Il est bien sûr difficile de
prédire quand et comment cette rage explosera, mais tôt ou tard, elle
reviendra, et réduira à néant le rêve d'un confort qui s'obtiendrait aux
dépens d'une autre nation.
(1) "convergence" traduit assez mal le mot hébreu
"hitkansout", qui signifie plutôt le fait de se réunir (entre soi). Derrière ce
mot, il y a l'idée d'évacuer les colons qui se trouvent au-delà du Mur de séparation
et de les installer dans les gros blocs de colonies (Maale Adoumim,
Ariel, Goush Etzion) qui seraient annexés dans le cadre de la fixation
unilatérale par Israël de ses "frontières définitives".
Le mot de "convergence" étant utilisé par toute la presse, nous
l'emploierons donc, malgré nos réticences (ndt).
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Shalom Arshav (La Paix Maintenant) a saisi ce jour (5 avril 2006)
la Haute cour de justice et lui demande d'ordonner l'évacuation de 6
colonies sauvages : Ramat Gilad, Givat Assaf, Ma'aleh Rehavam, Mitzpeh
Lakhish, Givat Haro'eh, and Mitzpeh Itzhar. En réalité, Shalom Arshav
demande à la cour de confirmer une décision précédente qui concernait la
colonie sauvage d'Amona. La Haute cour avait ordonné son évacuation, et
l'application de cette décision par la police avait entraîné de
violentes émeutes.
Cf. (entre autres) :
"La Haute cour donne son feu vert à l'évacuation d'Amona"
http://www.lapaixmaintenant.org/article1219
"Première action en justice de Shalom Arshav contre un
avant-poste en Cisjordanie" http://www.lapaixmaintenant.org/article1094
"Amona er le 'Hamas juif' : http://www.lapaixmaintenant.org/article1221
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