Palestine - Solidarité

   



Comment l’Autorité palestinienne a échoué
Amira Hass

 

Une étude récente a classé l’Autorité palestinienne à la place, discutable, de 107ème sur une liste de pays corrompus, le dernier, le n° 159, étant le pire. L’étude, réalisée par l’ONG "Transparence internationale" (TI), basée à Berlin, analysait les niveaux de corruption selon la part du bien public utilisé pour un profit personnel.

C’est en effet un échec retentissant pour l’Autorité palestinienne à qui tant d’argent international a été alloué, à qui tant de conseillers, d’instructeurs et de chercheurs, de la Banque mondiale comme du Fonds monétaire internationale, se sont consacrés depuis qu’elle a été instaurée en 1994.

Mais ce qui est un échec encore plus grave pour l’AP, c’est qu’une institution aussi convenable et bien informée que le TI ait trouvé normal de l’inclure dans une liste de « pays », c’est-à-dire, d’entité ayant des frontières déterminées et un peuple souverain sur sa terre. Or, l’AP, par opposition à l’Islande ou au Bengladesh, n’est ni un pays ni un Etat. C’est un système politico-bureaucratique, avec une autorité gouvernementale et administrative limitée, sur une population d’à peu près trois millions et demi de personnes. Elle n’a ni l’autorité ni le contrôle sur tout ce qui définit la souveraineté d’un peuple : la terre, l’eau, les minerais, les frontières, la liberté de mouvements, la liberté de prendre des décisions tels les changements de domicile et le droit de résidence pour les non citoyens, l’attribution de la nationalité, l’entrée des touristes. Un soldat des Forces de défense israéliennes, sur un check-point isolé, est mieux placé sur ces questions que l’Autorité palestinienne.

Par exemple, dimanche dernier, les soldats des FDI au check-point de Beit Furiq, à l’est de Naplouse, ont empêché de passer, et jusqu’à nouvel ordre, les Palestiniens ayant entre 16 et 30 ans. C’était un ordre, et les soldats l’ont fait comprendre. Parmi ceux qui n’ont pu passer, il y avait des enfants, des étudiants et des gens qui partaient travailler à Naplouse - les FDI n’assimilent pas le travail et les études à des « besoins humanitaires », ce qui leur permettrait d’interpréter leurs ordres plus souplement. Parmi eux, il y avait aussi 4 ou 5 femmes avec des petits enfants, allant chez le docteur. Il y avait encore un couple avec son bébé. Le père et le bébé ont été autorisés à passer, le père avait plus de 30 ans et le bébé n’avait que quelques mois. Mais la maman, qui allaitait son bébé, elle, n’a pas été autorisée à passer : elle avait moins de 30 ans.

Il est raisonnable de supposer qu’il y a bien quelques dirigeants de l’Autorité palestinienne de Naplouse qui, depuis des années, tirent quelques profits personnels de leur position. Un élément essentiel de ces profits est que beaucoup d’entre eux, à Naplouse aussi bien qu’à Gaza et Hébron, et spécialement dans les niveaux supérieurs, ont bénéficié d’« avantages » par les forces d’occupation israéliennes, évité les rigueurs des déplacements qu’Israël impose à leur peuple. On peut aussi supposer que cette forme de « profit personnel » - la liberté de passage aux check-points d’Huwara ou de Beit Furiq - n’ait pas été comprise dans les critères retenus par TI. Ni non plus le fait que des dirigeants palestiniens, qui ont des moyens de communication directe avec les officiels israéliens, peuvent s’arranger pour faire passer leurs amis.

Si ces critères de corruption avaient été pris en compte, les auteurs de l’étude auraient dû conclure que l’Autorité palestinienne devait être appréciée comme une organisation qui n’en avait pas fini avec la bureaucratie de l’occupation et du colonialisme israéliens. On est donc dans un cas de corruption de deux systèmes associés, où, manifestement, Israël devrait être mis plus bas qu’à la 28ème place qu’il occupe actuellement sur ladite liste. Non seulement parce les ministres et officiels israéliens qui vivent dans les colonies sont sur une terre qui n’est pas la leur, mais parce qu’ils doivent leur position et leur promotion personnelles et politiques à des pots-de-vin qu’ils ont distribués sous la forme de terre et d’eau volées aux Palestiniens.

Même si l’étude de Transparency International avait décidé de comparer les seuls « gouvernements », l’Autorité palestiniens serait toujours avec un échec. Se considérant elle-même comme un « gouvernement », dans tous ses aspects, elle oublie qu’elle conduit un peuple occupé, pas un peuple souverain. Mahmoud Abbas n’a ni l’autorité ni le pouvoir de garantir aux étudiants de Gaza et de Jérusalem-Est de rejoindre leurs classes à Naplouse ou à Tulkarem, il ne peut empêcher la prise des terres pour constuire des routes destinées aux seuls Juifs en Cisjordanie. Mais le monde le voit comme le responsable de la conduite des divers militants armés, ce qui le désoblige car il ne peut garantir qu’une maman qui allaite pourra se rendre chez le docteur. Direction d’un peuple occupé, l’Autorité palestinienne n’est pas dispensée pour autant du devoir d’intégrité. Au contraire, l’exigence morale que les enfants de ses dirigeants ne s’enrichissent pas grâce à la position de leurs parents s’impose davantage.

Toutefois, l’Autorité palestinienne devrait être classée dans une autre sorte de liste, complètement différente - une liste des organisations de libération nationale. Et pour la positionner, il faudrait se demander de combien, ses tactiques, sa stratégie ont pu la rapprocher de la libération du joug de l’occupation étrangère. En tant que direction d’un peuple occupé, elle a le droit et l’obligation morale de stopper l’anarchie des groupes armés rivalisant entre eux pour savoir qui possède la meilleure arme, sans se soucier des conséquences. Sa capacité d’agir s’est trouvée réduite, car en se faisant passer pour un « gouvernement » comme les autres aux yeux du monde et de son peuple, elle a été perçue, au mieux, comme une organisation corrompue et perdante, pire comme un sous-traitant de la bureaucratie de l’occupation.

Amira Hass - Ha’aretz
2 novembre 2005 - http://www.haaretz.com/hasen/spages...
Traduction : JPP


Source : CCIPPP
http://www.protection-palestine.org/article.php3?id_article=1684


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