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Version
anglaise :
In the footsteps of Arafat www.haaretzdaily.com/hasen/pages/ShArtVty.jhtml?sw=Hass&itemNo=677687
Même la tête de liste du Hamas croit, comme Arafat
en son temps, en une « sortie de l’occupation » par étapes
et méconnaît la manière dont Israël établit sa mainmise sur les
terres de Cisjordanie
Cela
n’avait aucun sens de demander à Ismail Haniya, tête de liste du
Hamas vainqueur aux élections, si son mouvement reconnaîtra le
droit à l’existence de l’Etat d’Israël. Pour deux raisons
essentielles. La première est que la réponse est connue d’avance :
non, le mouvement ne reconnaîtra pas le droit à l’existence. Les
uns disent que les motifs en sont religieux, parce que la Palestine
est un waqf musulman.
D’autres disent que c’est pour des raisons purement nationales,
car celui qui a été dépossédé ne peut reconnaître le droit de
l’occupant à le déposséder. D’autres encore disent que le
Hamas est viscéralement lié au mouvement des Frères Musulmans,
que seul ce dernier peut modifier la position de base et qu’il
n’y a pas lieu de supposer qu’il le fera.
La
suite de la réponse est connue elle aussi : le Hamas,
mouvement pragmatique, ne peut pas ne pas reconnaître la réalité.
Les aspirations de son peuple. Lorsqu’un Etat palestinien sera
fondé en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, c’est-à-dire
quand Israël reconnaîtra, d’une manière effective, le droit des
Palestiniens à un Etat, il y aura place pour discuter des relations
réalistes entre les deux Etats. La réalité est plus puissante que
tout principe, toute théorie, et si ces relations sont des
relations de bon voisinage, pourquoi voudrait-on les détruire ?
Une
autre raison pour ne pas perdre de temps dans une réponse connue
d’avance est que la question dérive de la position de supériorité
et de pouvoir d’Israël. A partir de cette position, Israël
parvient à dicter l’ordre du jour de questions journalistiques présentant
les Palestiniens comme un nouveau persécuteur dans la série
historique des ennemis des Juifs, et Israël comme victime. Cette présentation
inverse la réalité au lieu d’aider à la comprendre.
Israël
ne reconnaît pas les droits de tous les Palestiniens à leurs
maisons, à leurs terres, à leurs arbres, à leurs relations
familiales ; à leurs droits aux études, à leur liberté de
mouvements. Israël porte atteinte quotidiennement à tous ces
droits-là. Il ruine méthodiquement les chances de mettre en œuvre
les résolutions des Nations Unies sur la création d’un Etat
palestinien à côté d’Israël. La victoire du Hamas et sa non
reconnaissance d’Israël sont un prétexte pour cesser des négociations
qui ne se sont de toute façon pas tenues, et un motif pour ne pas
concrétiser des initiatives de paix qui de toute façon
n’existaient pas.
La
question de la non reconnaissance est intéressante comme élément
– pas le plus important – dans le tableau de la situation que le
mouvement du Hamas présente à son public. La non reconnaissance
est présentée comme une preuve de la force d’un mouvement engagé
dans la lutte contre l’occupation ; une force à la base du
succès pratique : « L’occupation
a quitté Gaza et ils parlent aujourd’hui d’un départ d’une
grande partie de la Cisjordanie. La situation à Gaza est meilleure
qu’auparavant et c’est le fruit de la résistance armée »,
a dit Ismail Haniya, cette semaine, dans une interview à « Haaretz »
[i].
Il a répété cette croyance, répandue parmi les partisans du
Hamas, que la situation intérieure en Israël est fortement dégradée
au niveau économique, sécuritaire et politique. Ainsi se trouve
justifiée la souffrance occasionnée à leur peuple dans le cycle
sanglant des cinq dernières années.
En
parlant de Gaza libéré et de l’amélioration de sa situation,
Ismail Haniya fait penser à Yasser Arafat. Arafat se vantait, au
milieu des années 90, de ce que Jénine avait été « libéré »
parce que l’armée israélienne en était sortie. De même pour
Ramallah et pour la majeure partie de la ville d’Hébron. Arafat
donnait de l’ « occupation » la définition désuète
de présence militaire, simplement, et pas celle d’un contrôle étranger
sur la liberté de choix d’un peuple, d’un contrôle et d’une
ingérence dans son présent et son avenir, ses possibilités de développement.
Il mesurait le « succès » au nombre de Palestiniens
qu’il gouvernait, qui étaient subordonnés à ses services de sécurité,
et pas à l’étendue de leur liberté – et il n’y a pas de
liberté dans des enclaves encerclées par une armée
d’occupation.
Arafat,
comme beaucoup d’autres au sein du mouvement du Fatah et dans le
camp israélien de la paix, croyait que le gouvernement israélien
était partie prenante de la logique par étapes du processus d’Oslo :
tout d’abord seront « libérés » 4% du territoire de
la Cisjordanie, et le reste ensuite. Le malheur, c’est que les
gouvernements d’Israël, depuis Yitzhak Rabin et Shimon Peres
jusqu’à Ehoud Barak et Ariel Sharon, ont profité de ce processus
par étapes pour fixer le tracé délimitant les enclaves
palestiniennes, à l’aide de colonies, de routes et de terres
expropriées. Ils ont profité de ce processus par étapes pour
perfectionner les moyens de contrôle non militaires sur les
Palestiniens, principalement par les limitations sans cesse plus sévères
mises à la liberté de mouvement.
Il
apparaît qu’Ismail Haniya croit lui aussi dans une « sortie de l’occupation » par étapes et méconnaît la
sophistication avec laquelle, pendant ce temps, Israël assure sa
mainmise sur les terres de Cisjordanie. Lui aussi, comme Arafat,
recourt à la définition obsolète de l’occupation vue comme présence
militaire et, comme lui, il néglige les méthodes de contrôle qui
limitent la liberté des gens de son peuple.
On
peut raisonnablement supposer que le Hamas pourra apporter, au
niveau intérieur, les bienfaits qu’Ismail Haniya promet
maintenant : amélioration dans le fonctionnement du secteur
public, gestion correcte des finances, écoute et même sécurité
intérieure. Mais une libération ? La liberté ? Avec les
moyens censés avoir libéré Gaza ? Il semble que non
seulement Ismail Haniya fait bon marché de la profondeur du contrôle
israélien sur la Bande de Gaza mais qu’il a essentiellement
quelques difficultés à se représenter ce qui se passe en
Cisjordanie. Il peut alors saluer les démarches unilatérales,
finales, attendues, d’Israël en Cisjordanie et les présenter
comme autant de victoires de la résistance palestinienne.
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
[i]
La phrase (« La
situation à Gaza est meilleure qu’auparavant et c’est le
fruit de la résistance armée ») n’apparaît pas
dans la version en hébreu de l’interview mais bien dans la
version anglaise…
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