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Il marche sur ses traces
Amira Hass



www.haaretz.co.il/hasite/pages/ShArtPE.jhtml?itemNo=677968

Version anglaise : In the footsteps of Arafat www.haaretzdaily.com/hasen/pages/ShArtVty.jhtml?sw=Hass&itemNo=677687

Même la tête de liste du Hamas croit, comme Arafat en son temps, en une « sortie de l’occupation » par étapes et méconnaît la manière dont Israël établit sa mainmise sur les terres de Cisjordanie

Cela n’avait aucun sens de demander à Ismail Haniya, tête de liste du Hamas vainqueur aux élections, si son mouvement reconnaîtra le droit à l’existence de l’Etat d’Israël. Pour deux raisons essentielles. La première est que la réponse est connue d’avance : non, le mouvement ne reconnaîtra pas le droit à l’existence. Les uns disent que les motifs en sont religieux, parce que la Palestine est un waqf musulman. D’autres disent que c’est pour des raisons purement nationales, car celui qui a été dépossédé ne peut reconnaître le droit de l’occupant à le déposséder. D’autres encore disent que le Hamas est viscéralement lié au mouvement des Frères Musulmans, que seul ce dernier peut modifier la position de base et qu’il n’y a pas lieu de supposer qu’il le fera.

La suite de la réponse est connue elle aussi : le Hamas, mouvement pragmatique, ne peut pas ne pas reconnaître la réalité. Les aspirations de son peuple. Lorsqu’un Etat palestinien sera fondé en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, c’est-à-dire quand Israël reconnaîtra, d’une manière effective, le droit des Palestiniens à un Etat, il y aura place pour discuter des relations réalistes entre les deux Etats. La réalité est plus puissante que tout principe, toute théorie, et si ces relations sont des relations de bon voisinage, pourquoi voudrait-on les détruire ?

Une autre raison pour ne pas perdre de temps dans une réponse connue d’avance est que la question dérive de la position de supériorité et de pouvoir d’Israël. A partir de cette position, Israël parvient à dicter l’ordre du jour de questions journalistiques présentant les Palestiniens comme un nouveau persécuteur dans la série historique des ennemis des Juifs, et Israël comme victime. Cette présentation inverse la réalité au lieu d’aider à la comprendre.

Israël ne reconnaît pas les droits de tous les Palestiniens à leurs maisons, à leurs terres, à leurs arbres, à leurs relations familiales ; à leurs droits aux études, à leur liberté de mouvements. Israël porte atteinte quotidiennement à tous ces droits-là. Il ruine méthodiquement les chances de mettre en œuvre les résolutions des Nations Unies sur la création d’un Etat palestinien à côté d’Israël. La victoire du Hamas et sa non reconnaissance d’Israël sont un prétexte pour cesser des négociations qui ne se sont de toute façon pas tenues, et un motif pour ne pas concrétiser des initiatives de paix qui de toute façon n’existaient pas.

La question de la non reconnaissance est intéressante comme élément – pas le plus important – dans le tableau de la situation que le mouvement du Hamas présente à son public. La non reconnaissance est présentée comme une preuve de la force d’un mouvement engagé dans la lutte contre l’occupation ; une force à la base du succès pratique : « L’occupation a quitté Gaza et ils parlent aujourd’hui d’un départ d’une grande partie de la Cisjordanie. La situation à Gaza est meilleure qu’auparavant et c’est le fruit de la résistance armée », a dit Ismail Haniya, cette semaine, dans une interview à « Haaretz » [i]. Il a répété cette croyance, répandue parmi les partisans du Hamas, que la situation intérieure en Israël est fortement dégradée au niveau économique, sécuritaire et politique. Ainsi se trouve justifiée la souffrance occasionnée à leur peuple dans le cycle sanglant des cinq dernières années.

En parlant de Gaza libéré et de l’amélioration de sa situation, Ismail Haniya fait penser à Yasser Arafat. Arafat se vantait, au milieu des années 90, de ce que Jénine avait été « libéré » parce que l’armée israélienne en était sortie. De même pour Ramallah et pour la majeure partie de la ville d’Hébron. Arafat donnait de l’ « occupation » la définition désuète de présence militaire, simplement, et pas celle d’un contrôle étranger sur la liberté de choix d’un peuple, d’un contrôle et d’une ingérence dans son présent et son avenir, ses possibilités de développement. Il mesurait le « succès » au nombre de Palestiniens qu’il gouvernait, qui étaient subordonnés à ses services de sécurité, et pas à l’étendue de leur liberté – et il n’y a pas de liberté dans des enclaves encerclées par une armée d’occupation.

Arafat, comme beaucoup d’autres au sein du mouvement du Fatah et dans le camp israélien de la paix, croyait que le gouvernement israélien était partie prenante de la logique par étapes du processus d’Oslo : tout d’abord seront « libérés » 4% du territoire de la Cisjordanie, et le reste ensuite. Le malheur, c’est que les gouvernements d’Israël, depuis Yitzhak Rabin et Shimon Peres jusqu’à Ehoud Barak et Ariel Sharon, ont profité de ce processus par étapes pour fixer le tracé délimitant les enclaves palestiniennes, à l’aide de colonies, de routes et de terres expropriées. Ils ont profité de ce processus par étapes pour perfectionner les moyens de contrôle non militaires sur les Palestiniens, principalement par les limitations sans cesse plus sévères mises à la liberté de mouvement.

Il apparaît qu’Ismail Haniya croit lui aussi dans une « sortie de l’occupation » par étapes et méconnaît la sophistication avec laquelle, pendant ce temps, Israël assure sa mainmise sur les terres de Cisjordanie. Lui aussi, comme Arafat, recourt à la définition obsolète de l’occupation vue comme présence militaire et, comme lui, il néglige les méthodes de contrôle qui limitent la liberté des gens de son peuple.

On peut raisonnablement supposer que le Hamas pourra apporter, au niveau intérieur, les bienfaits qu’Ismail Haniya promet maintenant : amélioration dans le fonctionnement du secteur public, gestion correcte des finances, écoute et même sécurité intérieure. Mais une libération ? La liberté ? Avec les moyens censés avoir libéré Gaza ? Il semble que non seulement Ismail Haniya fait bon marché de la profondeur du contrôle israélien sur la Bande de Gaza mais qu’il a essentiellement quelques difficultés à se représenter ce qui se passe en Cisjordanie. Il peut alors saluer les démarches unilatérales, finales, attendues, d’Israël en Cisjordanie et les présenter comme autant de victoires de la résistance palestinienne.

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)


[i] La phrase (« La situation à Gaza est meilleure qu’auparavant et c’est le fruit de la résistance armée ») n’apparaît pas dans la version en hébreu de l’interview mais bien dans la version anglaise…


 Source : Michel Ghys


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