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Judaïsation et colonisation dans la vallée du Jourdain
Un tiers de la Cisjordanie menacé par l'annexion

Ali Samoudi - Jénine


27 février 2006
 
Au moment où les Palestiniens sont occupés par la formation de leur gouvernement et de la situation politique complexe, avec les menaces de guerre israélienne contre eux et la dégradation de leurs conditions de vie, pendant que le monde entier les regarde, le gouvernement de l'occupation a annoncé l'un des plans de colonisation les plus dangereux, visant à séparer la région de la vallée du Jourdain, qui représente le tiers, des autres régions de la Cisjordanie. Des mesures pratiques viennent d'être prises, pour l'exécution de ce plan que les Palestiniens considèrent comme une tentative d'imposer le fait accompli avec l'occupation et l'annexion de la vallée du Jourdain. De larges superficies de terre, les plus fertiles, vont être volées. La guerre israélienne contre le panier alimentaire palestinien, comme le dit Iqab Daraghmeh, maire de Toubas, commence à prendre de nouvelles formes, mais en gardant les villes ambitions, qui sont de s'emparer de la terre, et de priver ses habitants autochtones d'en profiter.
 
Un nouveau et ancien plan
Depuis la Nakba en 1948, la région de la vallée de Jourdain était l'une des priorités de l'occupation, explique Qaddoura Musa, le préfet de Jénine, à cause de son importance forntalière, politique et économique. La région de la vallée du Jourdain, du nord au sud, représente le tiers de la superficie de la Cisjordanie, et elle est le panier alimentaire de la Palestine. C'est pourquoi l'occupation a commencé par exécuter son plan colonial pour s'en emparer et la judaïser.
 
Par exemple, les terres de Toubas sont les terres du peuple palestinien, malgré les tentatives de judaïsation. Les terres se répartissent ainsi 140.000 dunums sont des terres privées, 165.000 dunums sont des terres dépendant de la direction de l'agriculture, et ce qui reste sont pour l'Etta. L'attaque sioniste a commencé dès 1949 en s'emparant de 45.000 dunums des meilleurs terres, et entre 1967 et 1968, l'occupation a clôturé plus de 140.000 dunums des terres attenantes à la Jordanie, et il y a 80.000 dunums de terres de Toubas attenantes à la Jordanie. De plus l'occupant a détruit 140 projets d'irrigation tout le long du Jourdain. Toutes les constructions agricoles, les bâtiments, les pompes, les écoles, tout a été enlevé, tout ce qui constitue une agglomération.
 
En 1968, les forces de l'occupation ont clôturé 140.000 dunums composés de champs et de vastes plaines de pâturages, qui sont des propriétés privées, pour les transformer en champs de tirs pour l'armée d'occupation. Il en est de même pour la région de Bardala. L'occupation y a détruit les projets d'irrigation et détruit toute l'agglomération. 5000 dunums de terres agricoles y ont été clôturés, avec les 14 sources d'eau qui s'y trouvaient et les 8 puits artésiens. La compagnie israélien Mokorot (eau) a creusé un puit tellement profond que toute l'eau des autres puits a été épuisée, elle a conquis le puits de Bardala, ce qui signifie que plus d'un million de mètres cubes d'eau est pompé tous les ans pour Israël alors que la région et ses habitants vivent avec difficulté à cause de ce pillage.
 
Les mesures de l'occupation
L'occupation a déclaré la guerre aux habitants de la région, de différentes manières. Il a resserré la corde autour de leur cou en les privant d'eau, et comme le dit Amrou Daraghmeh, président du comité d'opposition à la colonisation, ils veulent nous soumettre, nous chasser et exécuter leurs plans, leurs anciens et nouveaux projets. L'occupation nous étouffe, et cherche par tous les moyens à confisquer les terres de la vallée du Jourdain. Mais la résistance du peuple fera échouer leur plan.
 
"De Toubas jusqu'au fleuve du Jourdain", dit Ahmad Asaad, directeur des institutions nationales de Toubas, les montagnes et les plaines formant la région de la vallée du Jourdain (al-Aghouar) représentent le tiers de la superficie de la Cisjordanie, avec 80% de terres agricoles. Ce sont les meilleures terres, avec un climat doux et un sol fertile. C'est probablement pour cette raison, ainsi que sa proximité de la Jordanie qui en fait un lieu stratégique, que cette région a été considérée par les sionistes comme importante pour eux. Toubas représente une profondeur stratégique pour la sécurité alimentaire. Ses réserves d'eau, ses sources, son sol adapté aux cultures en toutes saisons, ses plaines sont connues pour la qualité des récoltes, de même que ses montagnes connues pour les arbres fruitiers, comme les amandes, et pour les cultures fourragères.
 
Tout cela, dit Asaad, a fait que Toubas est un lieu visé par Israël depuis juin 1967. Immédiatement après la défaite de 67, Israël a commencé à confisquer les terres et à piller les terres frontalières, avec une profondeur telle jusqu'à constituer la ligne de défense avec la Jordanie. Pour dominer toute la région, qu'il a considéré stratégique, il a construit les colonies, et notamment agricoles. Les divers gouvernements qui se sont succédés ont installé des projets agricoles stratégiques de façon à ce que le marché israélien en dépend. Les colonies sont devenues des centres agricoles et industriels, et cela, cela a des répercussions désastreuses sur les paysans palestiniens.
 
Recrudescence des attaques coloniales
Les difficultés du paysan palestinien se sont mutipliées et le secteur agricole est lourdement handicapé après la confiscation par les forces de l'occupation des puits d'eau. La terre a été asséchée pour empêcher les Palestiniens d'en vivre. Le maire de Toubas explique que le plan israélien s'est concentré sur la mainmise de l'agriculture dans la vallée du Jourdain. Il ajoute : "Depuis 1967, aucun permis n'a été délivré pour creuser des puits, ainsi Toubas qui était riche en eau voit ses terres asséchées. L'occupation nous a imposés d'acheter l'eau de la compagnie israélienne Makarot, qui contrôle tout et exécute l'autre face de la politique israélienne de destruction du secteur agricole.
Dès le début de l'Intifada al-Aqsa, la compagnie israélienne a coupé l'eau des terres de la vallée du Jourdain, intentionnellement, pour détruire l'agriculture palestinienne. Depuis deux ans, l'occupation fait le reste en s'emparant de la terre."
 
Asaad, de Toubas, dit que la vallée du Jourdain était l'une des régions touchées par les clôtures et les fermetures, l'occupation l'a divisée en plusieurs zones, en isolant les agglomérations les unes des autres, 90% des terres ont été clôturées face aux paysans. Des barrages permanents ont été mis dans les principales régions agricoles, ce qui rendu impossible de se rendre sur de vastes terres". Le paysan Abdel Aziz Hajj explique que les barrages ont été conçus pour diviser la terre en deux, et dans ces deux parties, personne ne peut y entrer, car l'armée d'occupation a décrété la région zone militaire fermée, et tire sur toute personne qui s'en approche. Depuis deux ans, je ne peux cultiver mes terres ou en profiter.
Il en est de même pour le paysan Ahmad Muhammad Bisharat, qui possède une grande superficie de terre où il avait monté un projet agricole après avoir réuni un capital important. Mais les fermetures et les barrages ont tout détruit. Il conclut : "mes pertes sont indescriptibles".
 
Conséquences des mesures israéliennes
La région est le théâtre d'une activité permanente de l'armée d'occupation, qui installe des barrages volants sur les axes des routes menant aux terres d'al-Aghouar pour contrôler le mouvement et le déplacement des paysans. Mais ce qui est encore plus grave que les mesures de l'occupant, c'est que celui qui parvient à ses terres a besoin d'un miracle pour pouvoir sortir ses récoltes hors de Toubas. Le paysan Muhammad Saleh explique : "Nous avons dû faire face à des mesures israéliennes très difficiles depuis des dizaines d'années, mais ce à quoi nous faisons face aujourd'hui est encore plus grave, après nous avoir privés d'exploiter notre terre. Les récoltes des terres qui nous restent encore à cultiver et sur lesquelles nous comptons pour pouvoir au moins vivre, n'équivalent même pas leur capîtal, et l'occupation nous empêche de les mettre sur les marchés de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.
 
Le président de l'Union des paysans, Jamal Mbaslat, indique que les forces de l'occupation bloquent des camions, détruisent les récoltes ou les confisquent. Les propriétaires des camions sont excédés par les méthodes répressives visant à les empêcher de transporter les récoltes. Toutes ces mesures ont créé une situation catastrophique pour l'économie locale, basée principalement sur l'agriculture. La plupart des projets agricoles ont été détruits. Les récoltes ont vu leur prix chuter, et des centaines de paysans ont rejoint le rang des chômeurs.
 
Une large campagne de colonisation
L'occupation a récemment détruit de larges superficies où étaient installées les cultures en serre, avec des centaines de projets, qui s'étendent du village de Bardala, Jaftlik, Ayn al Bayda jusqu'à Ariha, qui constituent le nerf de la vie des Palestiniens. Muhammad Sawafta, paysan, dit que les forces de l'occupation ont, dès le début de cette année, exécuté leur plan de destruction de ces cultures, et ont expulsé les Palestiniens en leur interdisant de se rendre à leurs terres. Au même moment, le mouvement de la colonisation a été activé.
 
Bilal Daraghmeh, des comités d'opposition à la colonisation, explique, lui, que les autorités sionistes ont d'abord élargi les colonies existantes, dans la vallée du Jourdain, en confisquant des milliers de dunums, notamment autour des colonies Makhoula, Ashdamot, Shlih, Hamra, Rou'ya et Bqay'a, pour les annexer à ces colonies. De plus, l'occupation a confisqué des terres pour construire le mur de l'annexion, du côté de l'Est. "L'exécution de ce plan signifie la séparation et l'annexion complète de la région de la vallée du Jourdain du reste de la Cisjordanie, ce qui signifie le vol du panier alimentaire de la Palestine."
D'autre part, les forces de l'occupation ont accentué leur agression coloniale, avec au mois de février, l'émission d'ordres aux propriétaires de bétail de quitter la région, immédiatement. Le maire de Toubas affirme que les autorités de l'occupation avaient détruit, auparvant, toutes les maisons et les baraquements des propriétaires des bétails, tout comme elles ont confisqué les fourrages, les camions d'eau, visant également à démolir la richesse animalière dans la région.
 
Empêchés de se développer
Au moment où elles élargissent les colonies, les forces de l'occupation empêchent les régions situées tout le long de la vallée du Jourdain, comme Bardala, de mettre sur place des projets d'infrastructure. Ali Radwan, président du comité des projets, affirme que le village qui existait avant l'occupation est resté tel quel alors la colonie qui s'est installée à proximité a été développée pour permettre une vie moderne à tous les points de vue. Nos rues sont encore démolies, nous n'avons ni eau ni électricité, ni canalisations.
 
Sami Sadeq, président du comité des projets dans al-Aqaba, dit que le village vit encore comme au Moyen-Age. Alors que les colonies qui sont à proximité jouissent des biens de la vallée du JOurdain, les villageois de Aqaba vivent sans centres médicaux, sans écoles, aucune infrastructure n'a été construite, alors que les terres du village sont les plus importantes dans la vallée du Jourdain, étant devenues une zone de pâturages pour la plupart des propriétaires de bétail dans la région. Mais cela n'a pas plu aux dirigeants sionistes qui ont clôturé les terres, sous prétexte des exercices militaires de l'armée d'occupation. Les paysans ont vu leurs troupeaux confisqués.
Le paysan Khalil Yousef affirme que la vie dans laquelle veulent les maintenir les forces d'occupation n'est pas digne de ce siècle : ils nous empêchent de travailler, alors que j'avais mis en place un projet d'élevage, après avoir obtenu un prêt important auprès d'une banque. Mais les pertes sont principalement dues aux fermetures de la région et à l'interdiction d'exercer notre travail.
 
Selon le maire de Tamoun, 60% des terres du village ont été fermées par l'installation de dix zones militaires autour et par les colonies. La population est constamment empêchée de se déplacer, et l'occupation empêche les bergers d'utiliser la région. Ce qui signifie une grande perte. Un grand danger menace le bétail et Tamoun possède plus de 27.000 têtes de mouton.
Le comité de la résistance à la colonisation indique que plusieurs moyens ont été utilisés pour élargir les colonies, les premières sont les manoeuvres militaires de l'armée, qui se déroulent tout le long de l'année sur les terres déclarées zones militaires et fermées, puis confiscquées. 20% des terres de la vallée du Jourdain sont devenues des terres militaires. Et les conséquences sont dramatiques pour la population : un martyr et plusieurs blessés sont tombés du fait des explosifs laissés sur les champs, pour empêcher la population de se rendre sur leur terre.
 
Poussée coloniale
La colonisation reste la forme la plus courante du pillage de la vallée du Jourdain. Le préfet de Jénine affirme que 27 colonies sont installées, à commencer par Mayhula à l'extrême nord dans la région de Toubas jusqu'à la colonie de Mitse shalim, dans la province de Bethlehem, qui est située à l'ouest de la mer morte. Cette colonie fut érigée selon le plan Allon pour dominer la vallée pour les raisons suivantes : sa proximité du Jourdain qui représente la limite Est de la Cisjordanie, un peu plus d'un kilomètre la sépare du Jourdain. Les autres colonies sont situées près des versants Est des montagnes médianes, Nablus, al-Quds, al-Khalil, avec toute la plaine devant elles. Elles domainent de larges superficies des terres, situées entre les agglomérations et la région sécuritaire.
Ce chapelet de colonies le long de la vallée, région importante stratégiquement et économiquement, est une sorte de ligne de défense de l'est. De plus, il constitue une barrière entre les agglomérations palestiniennes de l'intérieur et leur prolongement à l'Est du Jourdain, soit le milieu arabe. C'est le but stratégique de la construction de ces colonies, qui visent aussi à empêcher les infiltrations de toute force militaire venant de l'Est.
 
De nouvelles mesures
Poursuivant le plan israélien qui est de s'emparer de toute la région de la vallée du Jourdain, les forces de l'occupation ont procédé par étapes, comme l'affirme le maire de Toubas, pour finalement arriver au point d'annoncer son annexion. Depuis 2000, les forces de l'occupation ont isolé progressivement la région de son contexte palestinien, en construisant le mur, en installant des barrages à Hamra, Tayaseer, en fermant le passage de Bardale qui a imposé l'isolement de notre peuple.
L'occupant ne s'est pas contenté de cela, mais a détruit aussi les projets agricoles, a massacré les bêtes, a incendié les récoltes, a empêché la commercialisation des récoltes, a saccagé les roulottes où sont exposés les produits, a arraché les arbres et récemment, ce qui est encore plus grave, a interdit l'entrée dans la région et de s'y installer pour toute personne qui ne porte pas les papiers d'al-Aghouar. Plusieurs mises en garde ont été lancées contre les paysans dont les terres risquent d'être confisquées par ordres militaires. Tout ceci est un prélude à l'annexion de la région.
 
Les Palestiniens sont conscients de la gravité de la situation décrite par le maire de Toubas. Il s'agit de la judaïsation et de l'annexion de la région, qui a commencé par l'expulsion de sa population, de ses propriétaires légitimes. Il considère que l'Autorité palestinienne doit réagir au plus vite, et s'opposer vigoureusement à ce plan, que le préfet de Jénine considère comme la fin prochaine de tout processus de paix au Proche-Orient. L'isolement et la séparation d'une partie de la Cisjordanie n'est que le retour à un vieux plan qui est en train d'être exécuté à un rythme effréné, actuellement.
La vallée du Jourdain est une zone stratégique pour les Palestiniens, tant du point de vue agricole que social ou politique. Elle nous rattache au monde extérieur. Les mécanismes de la résistance à ce projet doivent se mettre en place rapidement, avec un programme national, pour affirmer notre détermination à garder cette région. Il y a plusieurs façons de défendre notre terre, et au niveau populaire, la mobilisation doit être puissante.
 Il y a également une nécessité pour mobiliser le monde arabe mais aussi la communauté internationale, pour exiger que tous assument leurs responsabilités, en empêchant Israël d'imposer ses plans d'annexion, ses plans de ghettoïsation des agglomérations palestiniennes dans des cantons, après l'annexion d'al-Quds et maintenant l'annexion de la vallée du Jourdain, après avoir refusé de discuter des dossiers des réfugiés, des colonies et de l'eau.
 
L'occupation veut démanteler la Cisjordanie en trois régions, coupées les unes des autres par des barrages, des tunnels, des canaux, et faire de la Cisjordanie plusieurs cantons isolés les uns des autres (comme ce fut le cas pour les régions de 48, la Galilée, le Naqab et le Triangle, ndlt).
La communauté internationale doit être consciente des conséquences d'une telle politique : aucun Palestinien ne peut accepter cela, et si explosion de la situation, il y a, parce que le peuple palestinien ne peut se soumettre à l'occupation, c'est la communauté internationale qui en assumera la responsabilité première. Le peuple palestinien se mobilise pour défendre sa terre, qui est la sienne et qu'il n'abandonnera pas.
 
 
Traduit par Centre d'Information sur la Résistance en Palestine


 Source : Cirepal


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