Quand
Finkielkraut, le philosophe de la république se lâche…
dans la presse israélienne
Extraits
d’un reportage de 6 pages dans le supplément hebdomadaire de
Ha’aretz daté du 18 novembre 2005.
Pour
contribution au débat : traduction de l’hébreu - extraits
– Michel Warschawski et Michèle Sibony.
N.B. Tous les
passages en italiques sont des traducteurs
Titre :
Ils ne sont pas malheureux, ils sont musulmans
Chapeau : Le
philosophe juif Alain Finkielkraut, l’un des plus célèbres
intellectuels français et porte drapeau de la guerre contre le
nouvel antisémitisme ne veut pas entendre parler maintenant de
racisme français, de pauvreté et d’exclusion. Qu’on le laisse
tranquille avec ce discours mensonger. De son point de vue tout est
clair, malgré tout ce que la France a fait pour eux les fils
d’immigrés islamiques la haïssent. C’est comme çà dans leur
culture. Et les belles âmes bourgeoises et les écoles ramollies
les encouragent. Et la France s’en va au diable.
Les réponses de
Finkielkraut ont visiblement étonné les journalistes qui l’ont
interrogé à Paris. Ils signalent que « pourtant elles
n’émanent pas du Front national mais de la bouche d’un
philosophe qu’on considérait autrefois comme l’un des
porte-parole de la gauche française, et l’un des philosophes qui
ont mûri dans la révolte des étudiants de mai 68 ». Ils
précisent d’entrée de jeu que Alain Finkielkraut lors de ses réponses
insiste et revient régulièrement sur le fait que « il ne
peut plus dire (cela ) en France », « on ne peut pas
dire çà en France » « il est peut être dangereux de
dire çà en France ».
Episode 1 -
Sur les émeutes en France :
Question : Dans
la presse française les émeutes dans les banlieues sont perçues
surtout comme un problème économique, une réaction violente à
une situation de pauvreté dure et de discrimination, alors qu’en Israël on a plutôt
tendance à penser que l’origine de cette violence est religieuse
ou du moins ethnique. C'est-à-dire à voir en elle un élément du
combat islamique. Comment vous situez-vous par rapport à ces différentes
positions ?
Réponse : En
France on voudrait bien réduire les émeutes à leur niveau social.
Voir en elles une révolte de jeunes de banlieues contre leur
situation, la discrimination dont ils souffrent et contre le chômage.
Le problème est que la plupart de ces jeunes sont Noirs ou Arabes
et s’identifient à l’Islam. Il y a en effet en France
d’autres émigrants en situation difficile, chinois, vietnamiens,
portugais, et ils ne participent pas aux émeutes. Il est donc clair
qu’il s’agit d’une révolte à caractère ethnico-religieux.
Q. Et d’où
vient-elle ? Est-ce une réponse des Arabes et des Noirs au
racisme dont ils sont victimes ?
R. Je ne le pense
pas, parce que cette violence a été précédée de signes
annonciateurs très préoccupants que l’on ne peut réduire à une
simple réaction au racisme français. Prenons par exemple les événements
qui ont accompagné il y a quelques années le match de football
France-Algérie, ce match s’est déroulé à Paris au Stade de
France, on nous dit que l’équipe de France est adorée
par tous parce qu’elle est « black blanc beur »,
en fait aujourd’hui elle est black black black ce qui fait ricaner
toute l’Europe. Si on fait une telle remarque en France on va
en prison mais c’est quand même intéressant que l’équipe de
France de football soit composée
presque uniquement de joueurs noirs. Quoiqu’il en soit
cette Equipe est perçue comme le symbole d’une société multi
ethnique, ouverte etc… Le public dans le stade, des jeunes
d’origine algérienne, ont hué pendant tout le match cette même
équipe. Ils ont même hué la Marseillaise et le match a du être
interrompu quand les jeunes ont envahi le terrain avec des drapeaux
algériens.
Et il y a aussi les
paroles des chansons de rap, des paroles très préoccupantes, de véritables
appels à la révolte, je crois qu’il y en a un qui s’appelle
docteur R qui chante « je pisse sur la France je pisse sur de
Gaulle » etc… ce sont des déclarations très violentes de
haine de la France.
Toute cette haine et
cette violence s’expriment maintenant dans les émeutes, y voir
une réponse au racisme français c’est être aveugle à une haine
plus large : la haine de l’Occident qui est responsable de
tous les crimes. La France découvre cela aujourd’hui.
Q. Cela signifie
d’après vous que ces émeutes ne sont pas orientées contre la
France mais contre tout l’Occident ?
R. Non, elles sont
orientées contre la France, comme ancienne puissance coloniale,
contre la France, pays européen. Contre la France avec sa tradition
chrétienne, ou judéo-chrétienne.
(…/…)
Q. Est ce que vous
pensez que la source de cette haine envers l’Occident parmi les
Français qui participent à ces émeutes est dans la religion, dans
l’Islam ?
R. Sur ce sujet il
faut être clair, c’est une question très difficile et il faut
essayer de garder un langage de vérité. On a tendance à avoir
peur du langage de vérité, pour des raisons « nobles ».
On préfère dire « les jeunes » que « Noirs »
ou « Arabes ». Mais on ne peut sacrifier la vérité
quelques soient les nobles raisons. Il faut bien entendu éviter les
généralisations : il ne s’agit pas de tous les Noirs et de
tous les Arabes, mais d’une partie des Noirs et des Arabes. Et évidemment
la religion, non pas comme religion, mais comme ancre d’identité
joue un rôle. La religion telle qu’elle apparaît sur internet et
les chaînes de télévision arabes, sert d’ancre
d’identification pour certains de ces jeunes. Contrairement à
d’autres, moi je n’ai pas parlé d’Intifada des banlieues, et
je ne pense pas qu’il faille utiliser ce terme. J’ai pourtant découvert
qu’eux aussi envoyaient en première ligne de la lutte les plus
jeunes, et vous en Israël vous connaissez çà, on envoie devant
les plus jeunes parce qu’on ne peut pas les mettre en prison
lorsqu’ils sont arrêtés. Quoiqu’il en soit ici il n’y a pas
d’attentats et on se trouve à une autre étape : je pense
qu’il s’agit de l’étape du pogrom antirépublicain. Il y a
des gens en France qui
haïssent la France comme république.
Q. Mais alors
pourquoi ? Pour
quelle raison ?
R. Pourquoi est ce
que le monde arabo-musulman en partie du moins a déclaré la guerre
à l’occident ? La république est la version française de
l’Europe. Eux et ceux qui les justifient disent que cela provient
de la fracture coloniale. D’accord, mais il ne faut pas oublier
que l’intégration des travailleurs arabes en France à l’époque
du pouvoir colonial était beaucoup plus simple. C'est-à-dire que
c’est une haine à retardement, une haine a posteriori. Nous
sommes témoins d’une radicalisation islamique qu’il faut
expliquer dans sa totalité avant d’arriver au cas français,
d’une culture qui au lieu de s’occuper de ses propres problèmes
recherche un coupable extérieur. Il est plus simple de trouver un
coupable extérieur. Il est séduisant de se dire qu’en France tu
es exclu et « donnez-moi ! donnez-moi ! »
Cà n’a jamais
marché comme cela pour personne et çà ne peut pas marcher.
A suivre :
deuxième épisode : de l’école et de la colonisation
Episode
2 - De l’école et de la colonisation
De
l’école en France et des bienfaits du colonialisme
Aux
Etats unis également nous sommes témoins de l’islamisation des
Noirs. C’est Lewis Farkhan en Amérique qui le premier a dit que
les juifs ont joué un rôle central dans l’esclavagisme. Et le
principal porte parole de cette théologie en France aujourd’hui
c’est Dieudonné, c’est lui qui est aujourd’hui le vrai patron
de l’antisémitisme en France, et non le Front national. Mais en
France au lieu de combattre son discours on fait précisément ce
qu’il demande : on change l’enseignement de l’histoire
coloniale et de l’histoire de l’esclavage dans les écoles. On y
enseigne aujourd’hui l’histoire coloniale comme une histoire
uniquement négative. On n’enseigne plus que le projet colonial
voulait aussi éduquer, apporter la civilisation aux sauvages. On ne
parle que des tentatives d’exploitation, de domination, et de
pillage. Mais en fait qu’est ce que veut Dieudonné ?
Il exige une « Shoah » et pour les Arabes et pour les Noirs, mais
si l’on met la Shoah et l’esclavage sur le même plan alors on
est obligé de mentir, car ce n’était pas une Shoah. Et ce n’était
pas un crime contre l’humanité parce que ce n’était pas
seulement un crime. C’était quelque chose d’ambivalent. Ainsi
en est-il également de l’esclavage. Il a commencé bien avant
l’Occident. En fait, la spécificité de l’Occident pour tout ce
qui concerne l’esclavage c’est justement tout ce qui concerne
son abolition. L’abolition de l’esclavage est une question européenne
et américaine. Cette vérité là sur l’esclavage il est
maintenant interdit de l’enseigner dans les écoles.
C'est pourquoi tous ces événements là m’attristent beaucoup :
non pas parce qu’ils se sont produits, après tout il fallait être
aveugle et sourd pour ne pas voir qu’ils auraient lieu, mais à
cause des explications qui les accompagnent. Elles sont un coup
mortel à la France que j’ai aimé, et j’ai toujours dit que la
vie deviendrait impossible pour les Juifs de France quand la
francophobie vaincrait, et c’est ce qui va se passer. Ce que
j’ai dit maintenant les Juifs le comprennent. Tout d’un coup ils
regardent autour d’eux et voient tous les bobos qui chantent des
louanges aux nouveaux « damnés de la terre » et se disent :
qu’est ce que c’est que ce pays, que lui est-il arrivé ?
Q.
Puisqu’il s’agit selon vous d’une offensive islamique, comment
expliquez-vous que lors des derniers événements les Juifs n’ont
pas été attaqués ?
R.
Premièrement on dit qu’une synagogue a été attaquée. Mais je
pense que ce qu’on a vécu c’est un pogrom antirépublicain. On
nous dit que ces quartiers sont délaissés et que les gens sont
dans la misère. Quel lien y a-t-il entre la misère et le désespoir
et brûler des écoles ? Je pense qu’aucun Juif ne ferait jamais
çà. Ce qui unit les Juifs – laïques, religieux, de la Paix
Maintenant ou partisans du grand Israël – c’est un mot, le mot
schlule ( lieu d’étude)* c’est ce qui nous unit tous comme
Juifs. Et j’ai été tout simplement scandalisé de ces actes qui
se sont répétés et encore plus scandalisé par la compréhension
qu’ils ont rencontrée en France. On les a traité comme des révoltés,
comme des révolutionnaires. C’est la pire des choses qui pouvait
arriver à mon pays et je suis très malheureux. Pourquoi ?
Parce que le seul moyen de surmonter c’est de les obliger à avoir
honte. La honte c’est le début de la morale. Mais au lieu de les
pousser à avoir honte, on leur a donné une légitimité : ils sont
« intéressants ». Ils sont « les damnés de la terre ».
Imaginez un instant qu’ils soient blancs comme à Rostock en
Allemagne on dirait immédiatement : le fascisme ne passera pas. Un
Arabe qui incendie une école c’est une révolte, un Blanc c’est
du fascisme. Je suis daltonien : le mal est le mal, peu importe sa
couleur. Et ce mal là pour le Juif que je suis est totalement
inacceptable.
Pire, il y a là une contradiction, car si effectivement ces
banlieues étaient dans une situation de délaissement total, il
n’y aurait pas de salles de sport à incendier, il n’y aurait
pas d’écoles et d’autobus. S’il y a des gymnases des écoles
et des autobus, c’est que quelqu’un a fait un effort. Peut-être
insuffisant mais un effort quand même.
Q.
Mais pourtant le taux de chômage dans les banlieues est
insupportable, près de 40% des jeunes entre 15 et 25 ans n’ont
aucune chance de trouver un travail ?
R.
Revenons un moment à la schule. Lorsque les parents t’envoient à
l’école, est-ce que c’est pour trouver un travail ? Moi on
m’a envoyé à l’école pour apprendre. La culture et l’éducation
ont une justification en elles même. Tu vas à l’école pour
apprendre, c’est çà le but de l’école. Et ces gens qui détruisent
des écoles, que disent-ils en fait ? Leur message n’est pas un
appel à l’aide ou une exigence de plus d’écoles ou de
meilleures écoles, c’est la volonté de liquider, la volonté de
liquider les intermédiaires entre eux et les objets de leurs désirs.
Et quels sont les objets de leurs désirs c’est simple :
l’argent, les marques, et parfois des filles. C’est pourquoi il
est certain que notre société a sa responsabilité, parce qu’ils
veulent tout maintenant et ce qu’ils veulent c’est l’idéal de
la société de consommation. C’est ce qu’ils voient à la télévision.
Schule : mot yiddish qui signifie école, désigne plutôt chez les
juifs ashkénazes de France la synagogue (ndlt).
Episode 3 – Racisme et antisémitisme
Non à l’antiracisme
…./… Mais justement le philosophe
juif qui lutte contre l’antisémitisme pour entrer en guerre
contre « la guerre antiraciste ». (fin des
commentaires des journalistes)
« Je suis né à Paris et suis le
fils d’immigrants polonais, mon père a été déporté de France,
ses parents ont été déportés et assassinés à Auschwitz, mon père
est rentré d’Auschwitz en France. Ce pays mérite notre haine. Ce
qu’il a fait à mes parents était beaucoup plus brutal que ce
qu’il a fait aux Africains. Qu’a-t-il fait aux Africains ?
Il n’a fait que du bien. Mon père, il lui a fait vivre l’enfer
pendant 5 ans. Et on ne m’a jamais enseigné la haine.
Aujourd’hui la haine des Noirs est encore plus forte que celle des
Arabes.
Q. Mais justement vous qui combattez le
racisme antijuif affirmez que la discrimination et le racisme dont
parlent ces jeunes n’existent pas en réalité?
R. Bien sûr qu’il y a une
discrimination. Et il y a certainement des Français racistes. Des
Français qui n’aiment pas les Arabes et les Noirs. Et ils les
aimeront encore moins maintenant quand ils prendront conscience de
combien eux même les haïssent. C’est pourquoi cette
discrimination va s’approfondir pour tout ce qui concerne le
logement et aussi le travail.
Imaginez que vous gérez tous deux un
restaurant et vous êtes antiracistes, vous pensez que tous les
hommes sont égaux et en plus vous êtes Juifs, c'est-à-dire que
pour vous parler d’inégalité entre les race pose problème, et
imaginez qu’un jeune des banlieues vienne
demander un emploi de serveur, il a l’accent des banlieues,
vous ne l’engagerez pas, c’est très simple. Vous ne
l’engagerez pas parce que c’est impossible. Il doit vous représenter,
et ceci exige de la discipline, de la politesse et une manière de
parler. Et moi je peux vous dire que même des Français blancs qui
copient aujourd’hui les codes de conduite des banlieues, et cela
existe, se heurteront au même problème
exactement. La seule manière de lutter conte la
discrimination est de revenir aux exigences, une éducation sévère,
c’est le seul moyen. Mais cela aussi il est interdit de le dire.
Je ne le peux pas. Ce sont des choses du bon sens auxquelles on préfère
le mythe du « racisme français ». Ce n’est pas juste.
Nous vivons aujourd’hui dans un environnement
de « guerre permanente contre le racisme », et il
faut étudier la nature de cet antiracisme. Tout à l’heure j’ai
entendu à la radio quelqu’un qui s’opposait à la décision du
ministre de l’intérieur Sarkozy d’expulser quiconque n’a pas
la citoyenneté française a participé aux émeutes et a été arrêté.
Et qu’a-t-il dit ? Qu’il s’agissait d’une « épuration
ethnique ». J’ai combattu
pendant la guerre de Yougoslavie contre l’épuration
ethnique des musulmans en Bosnie. Aucune organisation musulmane française
ne s’est jointe à nous, ils ne se sont réveillés que pour
soutenir les Palestiniens. Et maintenant on parle d’épuration
ethnique ? Il n’y a pas eu un seul mort pendant ces émeutes,
en fait si, il y en a eu deux mais
c’était un accident. On ne les poursuivait pas mais ils se sont
enfuis et cachés dans un transformateur électrique malgré les
panneaux d’avertissement qui étaient énormes.
Mais je pense que l’idée généreuse
de guerre contre le racisme se transforme petit à petit
monstrueusement en une idéologie mensongère.
L’antiracisme sera au vingt et unième siècle ce qu’a été le
communisme au vingtième. Aujourd’hui les juifs sont attaqués au
nom du discours antiraciste : la barrière de séparation,
« sionisme égal racisme », la même chose en France. Il
faut se garder de l’idéologie de l’antiracisme. Bien sûr il y
a un problème de discrimination, il y a un réflexe xénophobe
c’est vrai, mais présenter les événements comme une réaction
au racisme est tout à fait mensonger, tout à fait mensonger.
Q. Que pensez-vous des moyens
qu’utilise le gouvernement français pour mettre fin à la
violence, l’état d’urgence, le couvre feu ?
R .Mais c’est tellement normal !
Ce que nous avons vécu est terrible. Il faut comprendre que
ceux qui ont le moins de pouvoir dans la société sont les autorités,
les gouvernants. C’est vrai ils
sont responsables du maintien de l’ordre, et c’est important
parce que sans eux il y aurait eu une autodéfense, et les gens
auraient tiré. Alors ils maintiennent l’ordre et font cela avec
une prudence extraordinaire, il faut les saluer pour cela. En mai
68, il y avait un mouvement tout à fait innocent comparé à celui
d’aujourd’hui et il y a eu une violence policière. Ici on jette
des cocktails Molotov et on tire à balles réelles. Et il n’y a
eu aucun cas de violence policière. (note des journalistes :
depuis l’interview plusieurs policiers ont été arrêtés suspectés
de violence) Il n’y a aucun précédent. Comment maintenir
l’ordre ? Par des moyens dictés par le bon sens, que soit
dit en passant 73% des français soutiennent d’après une enquête
du journal le Parisien. Mais je pense qu’il est trop tard pour
provoquer chez eux la honte, parce qu’à la télévision, à la
radio et dans les journaux, ou du moins dans la plupart d’entre
eux, on présente aux émeutiers un miroir embellissant. Ce sont des
gens « intéressants », on flatte leur souffrance et on
comprend leur désespoir. En plus il y a la grande perversion du
spectacle. On brûle des voitures pour qu’on puisse le voir à la
télévision, cela leur permet de se sentir « importants »
de sentir qu’ils vivent dans un quartier important, cette course
après le spectacle doit être analysée, elle produit des effets
tout à fait pervers. Et la perversion du spectacle est accompagnée
de commentaires tout à fait pervers.
…/…
Si cela ne leur plaît pas
qu’ils rentrent chez eux :
Alain Finkielkraut : On dit que le
modèle républicain s’est effondré dans ces émeutes. Mais le
modèle multiculturel ne va pas mieux. Ni en Hollande ni en
Angleterre. A Bradford et à Birmingham aussi ont eu lieu des émeutes
sur fond racial. Deuxièmement l’école républicaine, le symbole
du modèle républicain n’existe plus depuis longtemps. Je connais
l’école républicaine j’y ai étudié. C’était une
institution avec des exigences sévères, austère, assez
antipathique, qui avait construit de hautes murailles pour se protéger
du bruit de l’extérieur.
Trente années de réformes stupides
ont changé ce paysage. L’école républicaine a été remplacée
par « la communauté éducative », horizontale et non
verticale, on a révisé à la baisse les programmes scolaires, le
bruit de l’extérieur est entré, la société est rentrée dans
l’école. Ce qui signifie que ce que nous voyons aujourd’hui
c’est en fait l’échec
du modèle post républicain « sympa ». Le problème
avec ce modèle c’est qu’il se nourrit de ses propres échecs :
chaque fiasco est une raison pour le rendre encore plus extrême.
L’école sera encore plus « sympa ». En fait, face à
ce que nous voyons, le minimum de ce que nous devons exiger c’est
la sévérité et plus d’exigence. Sinon on aura bientôt des
« cours de délinquance ».
Ceci est une évolution caractéristique
de la démocratie. La démocratie comme processus ainsi que l’a
bien montré Tocqueville, ne supporte pas l’horizontalité. En démocratie
il est difficile de supporter des espaces non démocratiques. Tout
doit être démocratique dans la démocratie. Mais l’école ne
peut pas être ainsi. Elle ne le peut pas. L’asymétrie saute
pourtant aux yeux : entre celui qui sait et celui qui ne sait
pas, entre celui qui apporte avec lui un monde, et celui qui est
nouveau dans ce monde. Le processus démocratique a provoqué une délégitimité
de cette asymétrie. C’est un phénomène général dans le monde
occidental, mais en France il prend une forme plus pathétique,
parce que l’une des caractéristiques de la France était son éducation
sévère. La France a été construite autour de son école.
Q. Beaucoup de jeunes disent que le
problème est qu’ils ne se sentent pas Français, que la France ne
les traite pas comme des Français.
R. Le problème est qu’il faut
qu’ils se considèrent eux même comme Français. Si les
immigrants disent : « les Français » quand ils
partent des blancs, alors on est perdu. Si leur identité se trouve
ailleurs et ils sont en France par intérêt alors on est perdu. Je
dois reconnaître que les Juifs aussi commencent à utiliser cette
expression, je les entends dire « les Français » et je
ne peux pas supporter çà. Je leur dis « si pour vous la
France n’est qu’une question d’intérêt et votre identité
est le judaïsme alors soyez cohérents avec vous-même, vous avez
Israël ». C’est effectivement un grand problème :
nous vivons dans une société post nationale dans laquelle
pour tout le monde, l’Etat n’est qu’une question d’intérêt,
une grande compagnie d’assurance, il s’agit là d’une évolution
très grave.
Mais s’ils ont une carte d’identité
française ils sont Français et s’il n’en ont pas ils ont le
droit de s’en aller. Ils disent « je ne suis pas Français,
je vis en France, et en plus ma situation économique est difficile. »
Personne ne les retient de force ici, et c’est précisément là
que se trouve le début du mensonge. Parce que s’ils étaient
victimes de l’exclusion et de la pauvreté ils iraient ailleurs.
Mais ils savent très bien que partout
ailleurs, et en particulier dans les pays d’où ils
viennent, leur situation serait encore plus difficile pour tout ce
qui concerne leurs droits et leurs chances.
Q. Mais le problème aujourd’hui est
l’intégration dans la société française de jeunes gens et de
jeunes filles de la troisième génération, et non d’une vague de
nouveaux immigrants. Ils sont nés en France et ils n’ont nulle
part ailleurs où aller.
R. Ce sentiment qu’ils ne sont pas
Français ce n’est pas l’école qui le leur donne ; il y a
ici des écoles partout. En France comme vous le savez peut-être,
on inscrit les enfants dans les écoles, même s’ils se trouvent
illégalement dans le pays. Il y a ici quelque chose de surprenant
de paradoxal. L’école pourrait très bien appeler la police puisque l’enfant se trouve en France illégalement,
et malgré tout l’école ne prend pas en considération leur illégalité.
Il y a des écoles là-bas, et il y a
des ordinateurs partout. C’est là que vient le moment où il faut
faire un effort, et ceux qui font les émeutes ne sont pas prêts à
faire cet effort. Jamais.
Prenez par exemple la langue, vous
dites qu’ils sont d’une
troisième génération, alors pourquoi est-ce qu’ils parlent le
français comme ils le parlent. C’est un français égorgé,
l’accent, les mots, la grammaire. C’est à cause de l’école ?
A cause des profs ?
Q. Puisque les Arabes et les Noirs
apparemment n’ont pas l’intention de quitter la France, comment
pensez-vous traiter le
problème ?
R. Ce problème est le problème de
tous les pays européens. En Hollande on est confronté à ce problème
depuis l’assassinat de Théo Van Gogh. La question n’est pas
quel est le meilleur modèle d’intégration, mais la possibilité
même d’une intégration pour des gens qui vous haïssent.
Q. Et que va-t-il se passer en France ?
R. Je ne sais pas je suis désespéré.
A cause des émeutes et à cause de leur accompagnement médiatique.
Ils vont se calmer, mais qu’est ce que çà veut dire ? Ce ne
sera pas un retour au calme. Ce sera un retour à la violence
habituelle. Alors ils vont arrêter parce qu’il y a tout de même
un couvre feu, et les étrangers ont peur, et les dealers veulent
reprendre les affaires. Mais ils jouiront du soutien et de
l’encouragement à leur violence antirépublicaine, par le biais
du discours repoussant de l’autocritique sur leur esclavage et le
colonialisme. C’est cela, ce n’est pas un retour au calme mais
à la violence de routine.
Q. Alors votre conception du monde
n’a aucune chance ?
R. Non. J’ai perdu. Pour tout ce qui
concerne la lutte sur l’école, j’ai perdu. C’est intéressant,
parce que quand je parle comme je parle beaucoup de gens sont
d’accord avec moi. Beaucoup. Mais il y a quelque chose en France,
une espèce de déni qui provient des « bobos » des
sociologues et des assistants sociaux, et personne n’a le courage
de dire autre chose. Ce combat est perdu, je suis resté en arrière.
Dror Mishani et
Aurélia Samothraiz
Traduction de
toutes les questions et réponses du philosophe. La parties non
traduites sont des passages de commentaires des journalistes qui
semblent plutôt surpris de ce qu’ils entendent.
Titre sur la
couverture du supplément sous la photo de A. Finkielkraut : « Vous
les Israéliens, vous me comprenez. »
(ndlt)
Lire : L'UJFP
répond au racisme d'Alain Finkielkraut.
Rudolf
Bkouche : de la peur de penser à l'imbécillité politique.
Le
MRAP porte plainte contre Finkielkraut pour incitation à la haine
raciale.
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