Communiqué
La violence commence-t-elle uniquement
lorsque le colon est atteint ?
UJFP
Mardi 14 juin 2016
Plus de 210 Palestiniens tués en six
mois, dont 47 mineurs
par l’armée en tous types de
circonstances, abattus lors d’attaques
au couteau ou au tournevis, désarmés sur
des checkpoints, blessés à terre,
achevés par un soldat fier de son acte.
Des dizaines de
maisons détruites et de terres
confisquées, au point que l’UE s’est
inquiétée auprès du gouvernement
israélien de la forte augmentation de
cette pratique. Un gouvernement qui
vient d’annoncer l’autorisation de 82
unités de logements dans les colonies.
Et c’est dans ce
contexte là que soudain il devient
fondamental (pour qui et pourquoi, nous
devons nous poser la question) de
dénoncer la violence de l’attentat de
Sarona Tel Aviv. Le plus souvent sans
avoir jamais dit un mot sur la violence
que nous venons de décrire.
L’UJFP a toujours
dénoncé toute violence contre des
civils, qu’ils soient palestiniens ou
israéliens, juifs ou non, et a toujours
en même temps refusé toute symétrie
entre occupant et occupé, oppresseur et
opprimé, notamment au niveau des
attaques de civils, et a toujours pointé
les responsabilités politiques
écrasantes de ces attaques de civils,
c’est-à-dire les régimes israéliens
successifs d’oppression, d’occupation,
de colonisation.
Le désespoir d’une
vie écrasée et sacrifiée d’avance, d’un
avenir bouché, d’un horizon inexistant
dû :
à
l’impuissance politique d’une direction
palestinienne divisée et au chaos que
traverse le monde arabe,
à
l’arrogance et à la violence
grandissante du gouvernement israélien,
de l’armée et des colons contre eux,
au
refus des puissances occidentales de
sanctionner Israël, ce qui revient à un
permis de tuer.
Tels sont les
responsables qui poussent aujourd’hui
des jeunes gens à des attaques où et
quand ils le peuvent, sans objectif
autre qu’exprimer ce désespoir.
Les médias
israéliens glosent actuellement sur les
trous dans le Mur et son inefficacité.
Ainsi la population israélienne (et
d’autres avec elle) devrait se croire à
la fois blanche de toute violence,
victime d’une violence palestinienne
sans cause, « radicalisée » comme ils
disent, et protégée de cette violence
par des murs. Le seul et pathétique
espace de questionnement qui lui est
ouvert est celui de leur herméticité.
Une population
enfermée, qui vit sous la botte de
l’armée et des colons, à la merci d’une
rencontre malheureuse avec un soldat ou
un colon, avec impunité acquise pour
l’oppresseur, alors que ses fils et
filles sont condamnés devant des
tribunaux d’exception à des dizaines
d’années de prison pour des jets de
pierre, a le droit de résister.
La population
palestinienne résiste massivement et
quotidiennement dans la non-violence et
le sumud [1]
le plus souvent. Parfois, plus rarement,
des combattants organisent une opération
militaire (mais ces opérations sont de
toute façon assimilées par le régime et
les médias israéliens, voire européens à
des attentats contre les civils) et
parfois aussi des groupes, aujourd’hui
des individus, organisent des attentats
contre des civils.
Ceux qui ont vécu
la guerre d’Algérie savent ce que cela
signifie, tortures et violences de
l’armée coloniale contre des civils,
exactions impunies de l’OAS contre des
civils, attentats du FLN contre des
civils...
Pouvait-on
décemment mettre sur le même plan, ces
divers types de combattants ? Il y a
aussi ceux qui se souviennent de
l’occupation de la France et de la
requalification des opérations de la
Résistance en opérations terroristes.
Une résistance dont personne n’aurait
décemment exigé qu’elle soit désarmée ou
« non violente ».
De même, pendant la
guerre du Viêt Nam, on retrouvait
l’idéologie coloniale dans la
dénonciation systématique des opérations
du Viêt-Cong par une presse tout aussi
coloniale. Mais du Viêt Nam nous avons
retenu une leçon : le colon ne peut
gagner, aussi puissant soit-il, contre
un peuple en lutte pour son indépendance
et ses droits. La seule issue lorsqu’une
population indigène et une population
coloniale doivent coexister dans le même
espace est celle du compromis, et du
partage des droits, comme de la
souveraineté.
L’écho français
actuel sur les violences policières
contre les manifestants opposés à la loi
travail, devrait résonner à nos
oreilles. Les médias du pouvoir se
contentent de pointer la violence des
manifestants et s’appliquent à gommer la
répression policière qui accompagne la
politique de mise au pas du salariat
français, à coup de 49-3 et de
démantèlement des systèmes de protection
du travail. La méthode est globale, ne
nous y trompons pas. Elle n’est pas
nouvelle, mais le temps d’aujourd’hui
est celui de l’effacement des causes et
des responsabilités et du TINA (there is
no alternative). Cela sert à imposer la
loi du plus fort, envers et contre tout.
Le bureau national
de l’UJFP, le 14 juin 2016.
[1] Sumud
un terme palestinien désignant une forme
de résistance faite de détermination et
de ténacité.
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