La situation des pêcheurs tunisiens
en Italie
Sauvetage en mer : activité
à hauts risques
Le Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’Homme
(REMDH) s’inquiète vivement de la situation des sept marins
tunisiens arrêtés en Italie, le 8 août 2007, après avoir porté
secours à 44 migrants et demandeurs d’asile en détresse. Ces pêcheurs
sont accusés par les autorités italiennes de « favorisation
de l’immigration clandestine » et risquent jusqu’à 15
années de prison.
Les marins-pêcheurs ont trouvé les migrants et
demandeurs d’asile dans un état de santé préoccupant. Ils ont
aussitôt prévenu les gardes-côtes italiens et tunisiens. Un
bateau des gardes italiens, le « Vega », les a alors
rejoints. Estimant que leur transfert en pleine mer était trop
dangereux, les gardes-côtes ont alors demandé aux pêcheurs de
les emmener vers les côtes italiennes. Durant leur trajet vers
Lampedusa, les pêcheurs auraient cependant reçu des ordres
contradictoires des autorités italiennes, certains leur indiquant
de faire demi-tour et de débarquer les migrants et demandeurs
d’asile en Tunisie. Dès leur arrivée en Italie, les pêcheurs
ont été arrêtés et leurs bateaux confisqués.
Il est du droit des autorités italiennes de s’assurer
que les pêcheurs tunisiens n’étaient pas impliqués dans un
trafic de personnes. « Cependant, les conditions dans
lesquelles se sont déroulés ces évènements et l’acharnement
dont fait preuve le parquet, font craindre qu’il s’agisse
davantage de manœuvres visant à intimider les marins afin
qu’ils ne débarquent plus les personnes secourues en mer méditerranée,
sur les côtes européennes » a déclaré Kamel
Jendoubi, Président du REMDH.
Le fait que les autorités italiennes aient pu ordonner
aux pêcheurs de faire demi-tour et de débarquer les migrants et
demandeurs d’asile en Tunisie, est également particulièrement
inquiétant. « Ce pays ne dispose pas d’un système
effectif en matière d’asile. Les droits des migrants et
demandeurs d’asile sont loin d’y être garantis » a
précisé Kamel Jendoubi. « De plus, cet ordre aurait été
donné, sans que les autorités italiennes n’aient vérifié si
les occupants du bateau de pêche étaient ou non demandeurs
d’asile » a-t-il précisé. « Si elles se
confirmaient, de telles pratiques seraient en violation totale des
obligations de l’Italie au vu du droit international
humanitaire! et des droits de l’Homme » a-t-il
conclu.
Le REDMH demande la libération des pêcheurs
tunisiens et la levée de la mesure de séquestration de leurs
bateaux de pêche.
Le Réseau dénonce fermement toute manœuvre
d’intimidation à l’égard des marins qui apportent leur
secours aux migrants et demandeurs d’asile en détresse dans les
eaux de la méditerranée. Le REMDH demande à la Commission et
aux Etats membres de tout mettre en œuvre afin de s’assurer que
les marins qui porteraient secours à ces personnes ne se
retrouveraient pas à subir des sanctions économiques et/ou
judiciaire pour cela.
Enfin, sans méconnaître la responsabilité
particulière pesant sur les pays formant la frontière méditerranéenne
de l’UE, le REMDH dénonce le comportement de certains Etats
visant à se dessaisir de leurs obligations internationales en
matière de protection des demandeurs d’asile. Le REMDH appelle
dès lors la Commission européenne à clarifier la responsabilité
des Etats membres en matière d’analyse des demandes d’asile
et de prise en charge des personnes repêchées en mer.
Selon les informations reçues par la FTCR[1],
le CRLDHT[2], le CNLT[3]
et la LTDH[4],
organisations membres du REMDH, une flotte de pêche tunisienne,
composée des bateaux « Fakhreddine », « Mortadha »
et « Mohammed el-Hedi », appareillant non loin de l’île
italienne de Lampedusa, a rencontré, le 8 août 2007, une
embarcation gonflable en difficulté. Au bord de celle-ci se
trouvaient 44 personnes. Parmi les naufragés à la dérive,
plusieurs étaient dans un état de santé grave.
Les pêcheurs en avisent aussitôt les autorités
italiennes ainsi que tunisiennes. Ils sont alors rejoints par le
bateau « Vega » des gardes côtes italiennes qui,
incapables de prendre à leur bord les 44 personnes et ne voulant
pas leur faire prendre de risques inutiles, laissent aux pêcheurs
le soin de les emmener vers les côtes italiennes.
Durant leur trajet vers Lampedusa, les pêcheurs auraient
reçus plusieurs ordres contradictoires de la part des autorités
italiennes, certains leur indiquant qu’ils devaient faire
demi-tour et débarquer les 44 migrants et demandeurs d’asile en
Tunisie. Les pêcheurs ont cependant poursuivi leur route vers les
côtes italiennes. Une fois arrivés au port de Lampedusa, des hélicoptères-ambulances
emmènent les migrants et demandeurs d’asile en détresse vers
l’hôpital de Palerme. Les sept pécheurs tunisiens sont
quant à eux arrêtés et deux des bateaux, le « Mortadha »
et le « Mohammed el-Hedi », séquestrés.
Les pêcheurs se voient alors accusés de « favorisation
de l’immigration clandestine », délit passible d’une
peine pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison. Pendant le procès,
malgré les nombreux témoignages des migrants et demandeurs
d’asile, en faveur des pêcheurs, le parquet a tenu un réquisitoire
très sévère.
Cet exemple est loin d’être isolé. Le Conseil Italien
des Réfugiés (CIR), organisation membre du REMDH et de son
groupe de travail sur la migration et l’asile, a publié un
rapport sur les opérations de sauvetage en méditerranée[5].
Il existe aujourd’hui un manque de clarté juridique quant aux
responsabilités des Etats en matière d’accueil et de prise en
charge des migrants et demandeurs d’asile secourus en mer.
Certains Etats n’hésitent dès lors pas à en faire usage afin
de refuser la prise en charge de demandeurs d’asile et/ou de
renvoyer des migrants et demandeurs d’asile vers des pays où
ils pourraient être soumis à de mauvais traitements.
[1]
Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives
[2]
Conseil pour le respect des libertés et des droits de
l’Homme en Tunisie
[3]
Conseil National pour les libertés en Tunisie
[4]
Ligue tunisienne des droits de l’Homme
[5]
CIR, Search and rescue operations in the Mediterranean ,
consulter le rapport sur: http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2004_2009/documents/dv/cir_report_/cir_report_en.pdf
|