Syrie
Syrie : La résolution 2209, étape
supplémentaire en vue d'une future
agression occidentale ?
Bachar al-Jaafari
Mardi 10 mars 2015
Le Conseil de
sécurité de l'ONU a adopté vendredi, 6
mars, une résolution qui condamne
l'utilisation du gaz de chlore comme
arme chimique dans le conflit syrien,
sans désigner les coupables. Le texte a
été adopté par 14 voix pour et une
abstention de la part du
Venezuela
[1].
Pour mémoire,
voici la Conférence de presse tenue au
siège de l’ONU par le Dr Bachar
al-Jaafari, délégué permanent de la
Syrie auprès des Nations Unies [NdT].
COMMUNIQUÉ DU Dr
BACHAR AL-JAAFARI
Le Conseil de
sécurité vient d'adopter une nouvelle
résolution en relation avec ce que l’on
désigne par « Le dossier chimique
syrien » : la résolution 2209 [2].
Je me concentrerai sur certains points
précis en rapport avec les interventions
des délégués des USA, de la Grande
Bretagne et de la France.
Le scénario auquel
nous avons assisté aujourd'hui reflète
les mauvaises intentions de ceux qui ont
présenté ce projet de résolution et nous
rappelle le cadeau que deux d’entre eux
ont déjà offert au peuple irakien,
lequel cadeau a abouti à l’invasion et à
la destruction de leur pays suite à des
allégations comparables portant sur un
soi-disant « Programme d’armes
chimiques ». Nous nous souvenons tous
comment ils ont envahi et détruit
l’Irak, sur la base d’accusations qui se
sont révélées fausses et mensongères.
Certains États
membres de ce Conseil n’ont pas intérêt
à travailler au maintien de la paix et
de la sécurité du monde en fournissant
les efforts nécessaires pour parvenir,
avec les autorités syriennes, à une
solution pacifique de la crise en Syrie.
Ils ont recours à tous les mécanismes
disponibles aux Nations Unies, et au
Conseil de sécurité, pour créer les
prétextes dont ils ont besoin afin de
poursuivre l'agression incessante contre
la souveraineté syrienne.
Ici, nous tenons à
signaler certains faits survenus au
cours de la seule semaine dernière :
-
Le tête à tête,
d’hier, du Premier ministre turc
Ahmed Davidoglou avec le Secrétaire
général Ban Ki-moon reconnaissant la
générosité du gouvernement turc… qui
contribue au maintien de la paix et
de la sécurité du monde, en laissant
passer les flots de terroristes à
travers la frontière turco-syrienne.
-
L’annonce selon
laquelle l’entraînement de la
soi-disant « opposition syrienne
modérée » a bel et bien commencé [3],
en sachant que les principaux
présentateurs de ce dernier projet
de résolution, et notamment la
délégation étatsunienne [4],
ont déjà publiquement reconnu avoir
formé et équipé les terroristes qui
s’attaquent à la souveraineté de la
Syrie, tuent son peuple et
détruisent ses infrastructures. Ils
le font ouvertement ! De ce fait,
ils sont les principaux soutiens du
terrorisme, en violation des
résolutions 2170, 2178, 2199, et
même de la résolution
d’aujourd’hui ; leurs actes
contredisant leurs dires.
-
Les tentatives de
sabordage de la mission de l'envoyé
spécial de l’ONU, Staffan de Mistura ;
alors que vous savez que les
terroristes présentés comme des
opposants syriens modérés, soutenus
et armés par les principaux
présentateurs de cette résolution,
ont refusé son plan consistant à
geler les combats à Alep… [5].
-
Les déclarations
du secrétaire d'État américain John
Kerry, hier à Riyad, indiquant que
les Saoudiens ont convenu avec les
États-Unis de continuer à soutenir
les actions terroristes contre la
souveraineté de la Syrie [6].
Ceci, sans oublier
l'incursion militaire de la Turquie en
territoire syrien sous prétexte
d’évacuer la dépouille d’un lointain
ancêtre… [7], sans consultation
du gouvernement syrien et au mépris du
droit international et des règles de bon
voisinage entre les pays.
Sans oublier, non
plus, toutes les manifestations
parallèles soutenues par les délégations
des USA et de la France, ici-même dans
les bâtiments des Nations Unies ; la
dernière en date baptisée « loin des
yeux, loin du cœur » ayant été organisée
par la délégation allemande et Amnesty
international.
Les États
occidentaux, et particulièrement les
États-Unis, ont à l’évidence usé de
toutes sortes de pressions sur le
Conseil de sécurité pour qu’il adopte
cette dernière résolution ; alors que la
politisation de ces questions techniques
ne sont d’aucun secours pour aider la
Communauté internationale à éliminer les
Armes de destruction massive, notamment
lorsque certains États membres usent de
doubles standards vis-à-vis du
Moyen-Orient et d'autres régions du
monde.
Nous, nous affirmons
que le
gaz de chlore a été utilisé comme arme
chimique, en Syrie, par les groupes
terroristes armés. La Syrie a fourni
tous les éléments de preuve à ce sujet.
Et c’est le gouvernement syrien qui a
demandé au Secrétaire général d’envoyer
une mission d'enquête pour démasquer les
auteurs de l’attaque chimique à Alep, en
mars 2013. Il s’était alors excusé de ne
pouvoir répondre à cette demande. Mais
après consultation des délégations
étatsunienne, britannique et française,
il s’était décidé à le faire sans
cependant révéler l’identité des auteurs
de cette attaque.
En d'autres termes,
le Secrétaire général a déjà refusé de
coopérer avec le gouvernement syrien à
l'identification des utilisateurs
d’armes chimiques à Alep et voilà
qu’aujourd’hui, les présentateurs de ce
projet de résolution répètent la même
erreur avec le gaz de chlore.
Nous renouvelons donc
notre invitation au Secrétaire général
pour qu’il aide à l’identification des
coupables et, juste pour rappel, nous
disons que ce sont les Européens qui ont
eu recours aux gaz toxiques en Europe et
que ce sont les Américains qui en ont
usé au Vietnam, bien avant d’envahir
l’Irak sous le faux prétexte d’un
programme secret inexistant…
Et, tout en rappelant
que c’est le gouvernement syrien qui a
appelé à une mission d’enquête en Syrie,
nous disons que cette enquête a été
détournée de son véritable objectif et
s’est soldée par un rapport imprécis et
non professionnel. Ce qui nous ramène à
une autre erreur du Secrétaire général
concernant la publication d’un rapport
analogue et tout aussi incomplet sur les
utilisateurs d’armes chimiques en
Syrie ; rapport qui a failli provoquer,
l’année dernière, une agression
militaire US contre la Syrie.
Nous regrettons que
cette Commission d’enquête ait été
utilisée par certains membres de ce
Conseil pour n’aboutir qu’à ce type de
résolution. Une Commission qui n’a pas
coopéré avec le gouvernement syrien, a
mené son enquête en dehors du territoire
syrien et n’a rencontré que de prétendus
témoins à la solde de pays ennemis de la
Syrie. Ici, je tiens à remercier le
délégué russe qui est intervenu, une
deuxième fois, pour signaler que les
témoignages pouvaient être fabriqués.
Nous ne connaissons
ni l’identité de ces témoins, ni leur
lieu de résidence, ni la date de leur
témoignage. Tout ce que nous savons est
qu’ils font partie de la soi-disant
opposition et qu’ils ne vont évidemment
pas témoigner en faveur du gouvernement
syrien, mais au bénéfice de leurs
employeurs.
Nous tenons donc à
souligner que cette commission n’a été
ni juste, ni professionnelle et a
manifestement abusé de son mandat,
notamment lorsqu’elle a traité avec des
témoins préalablement sélectionnés par
les groupes terroristes armés, pour
falsifier la réalité de ce qui s’était
passé à Kafr Zita, à Altmanah et à
Talmnas. Ainsi, à Kafr Zita, l’une des
voitures transportant les enquêteurs a
été attaquée par les groupes armés à
l’entrée de la ville. Elle n’a été
protégée que par la vigilance des forces
régulières. Mais à l’ONU personne n’en a
parlé, bien que l’incident ait été
largement documenté.
Quant aux trois
rapports émanant de cette commission,
ils n’ont amené aucune réponse aux
questions et explications attendues, par
les membres du Conseil exécutif de
l’OIAC [l’Organisation pour
l’interdiction des armes chimiques] et
par la délégation syrienne, quant à
leurs méthodes d’investigation, à leurs
techniques d’analyse des échantillons, à
leurs critères de sélection des témoins
et aux organisations internationales
avec les quelles elles auraient
collaboré…
Pour finir, cette
Commission a échoué à démontrer qui a
utilisé le gaz de chlore comme arme, et
les présentateurs du projet n’ont fait
que porter des accusations sans
fondement contre le gouvernement syrien.
C’est pourquoi, à mon
humble avis, certains membres permanents
du Conseil de sécurité ne méritent pas
leur statut. Ils menacent la paix et la
sécurité du monde ; utilisent ce Conseil
pour envahir d’autres États ;
soutiennent Daech, Jabhat al-Nosra et
d’autres organisations terroristes en
Syrie, en Irak et ailleurs, tout en
prétendant faire la guerre au terrorisme
devant ce même Conseil.
Il est, par
conséquent, fort regrettable que de tels
États puissent occuper un siège
permanent au Conseil de sécurité et
continuer à nous parler de la Charte des
Nations Unies et du droit international.
RÉPONSES AUX
QUESTIONS DES JOURNALISTES
1. Pourquoi
pensez-vous que cette résolution 2209
représente une menace contre la Syrie,
alors qu’elle n’a pas été adoptée en
vertu du Chapitre VII et ne parle pas
d’intervention militaire ?
Cette résolution ne
comporte, en effet, aucune indication ou
accusation contre le gouvernement
syrien. Mais la manière dont elle a été
présentée par les États occidentaux,
devant le Conseil de sécurité, ne laisse
aucun doute sur leur intention
d’accumuler tout un arsenal de
résolutions justifiant leurs mauvaises
politiques envers la Syrie. Ils le
construisent brique par brique et
l’exploitent, notamment dans le domaine
humanitaire, pour arriver à légitimer
une agression contre la Syrie.
À ce propos, notre
lecture s’accorde parfaitement avec
celle des représentants de nombre
d’autres pays. Vous avez entendu les
interventions des délégués russe et
vénézuélien qui ont clairement exprimé
leur crainte d’une interprétation
erronée de cette résolution par certains
gouvernements occidentaux.
Nous voulons vraiment
savoir qui a utilisé des produits
chimiques à Khan al-Assal, comme nous
voulons savoir qui a utilisé le gaz de
chlore à Kafar Zita et dans cinq autres
villages syriens. Mais jusqu’ici, la
mission d’enquête ne s’est toujours pas
rendue à Khan al-Assal ; ce qui, comme
je l’ai dit, n’a pas empêché le
Secrétaire général de publier le fameux
rapport « incomplet » qui a failli mener
à une intervention militaire US. Et bien
que le rapport « complet », finalement
publié, ne comportait aucune indication
accusant le gouvernement syrien d'avoir
commis ce crime, les voilà qui
recommencent.
Le rapport indique
que des témoins, faisant partie des
groupes armés, ont affirmé avoir vu des
hélicoptères sur les lieux, au moment de
l'incident. Des témoins qui sont des
opposants armés et qui nous ont habitués
aux mensonges et aux faux témoignages.
Par conséquent, la question qui se pose
est de savoir si ce sont là les seules
preuves retenues par les enquêteurs,
alors que nous avons avancé des preuves
et des documents même pas mentionnés
dans ce rapport ?
Pourquoi un tel
comportement négatif à l’égard du
gouvernement syrien par l'équipe de la
Commission d’enquête ? Un comportement
qui nous paraît indiquer qu’elle a subi
de fortes pressions.
La même chose s’étant
produite lors de la mission
d’enquête concernant aussi des
allégations d’emploi d’armes chimiques
en Syrie, menée par M. Åke
Sellström [8] ; il devient
clair que quelqu’un a la volonté
d’exploiter le travail de la Commission
d’enquête pour en arriver à accuser le
gouvernement syrien d’avoir utilisé le
gaz de chlore contre sa population, sans
même se rendre dans les cinq villages
concernés et alors que c’est le
gouvernement syrien qui a demandé la
mise en place de ces missions d’enquête.
À ce sujet, nous vous
conseillons de lire l’ouvrage important
intitulé « Les chemins de Damas » des
deux grands reporters français, Georges
Malbrunot et Christian Chesnot. Ils
parlent de l'implication du ministre
français des Affaires étrangères,
Laurent Fabius, dans la fabrication de
faux indices avec la collaboration de
l’ambassade française à Beyrouth puis de
l’ambassade française en Jordanie. Ce
qui signifie que les services de
renseignement sont impliqués au plus
haut niveau. Le livre est disponible
partout et décrit l’hypocrisie de la
politique française actuelle à l’égard
de la Syrie et l’implication de la
France dans « le dossier chimique
syrien ».
Vous les avez tous
déjà entendus avancer de fausses
informations devant le Conseil de
sécurité. Vous les avez vus s’appuyer
sur de fausses preuves pour détruire la
Yougoslavie, l'Irak et le Soudan. Vous
les avez vus user d’une résolution
onusienne, censée protéger les civils,
pour détruire la Libye avec plus de 150
000 civils libyens assassinés. NON, ces
États ne méritent pas leur statut de
membres permanents au Conseil de
sécurité !
2. Avez-vous été
surpris par le vote de certains états
membres du Conseil de sécurité ?
En réalité, nous
étions conscients des positions que
devaient prendre les États membres,
quoiqu’il nous semble que le Venezuela
ait pris la meilleure décision en
s’abstenant.
Ceci dit, la
position de La Russie est devenue plus
claire lors de la deuxième intervention
de son représentant, puisqu’il a fait
remarquer qu’il y avait des lacunes
critiquables dans le rapport et une
mésinterprétation de la part de certains
délégués occidentaux présentateurs du
projet. Les délégations russe et
chinoise ont voté cette résolution parce
qu’elle n’accuse d’aucune façon le
gouvernement syrien. Et c’est cette
« mésinterprétation » qui a poussé M.
Vitaly Churkin à clarifier et à corriger
son contenu, et notamment à dire qu’il
était surprenant que certaines
délégations fassent peser tout le poids
de la résolution 2118 (2013) [10]
sur le gouvernement syrien.
Une résolution que
j’avais moi-même favorablement
accueillie, parce que c’est le peuple
syrien d’Alep qu’on asphyxiait et que
nous avions demandé au Conseil de
sécurité de nous aider. Mais ils ne
veulent pas coopérer avec nous. Ils
réservent leur coopération aux groupes
terroristes armés uniquement,
recueillent et cumulent leurs
témoignages en Turquie et ailleurs, dans
le but d’obtenir du Conseil de sécurité
la justification d’une agression future
de la Syrie.
Finalement, ces gens
là sont comme certains monstres, plus
ils tuent, plus ils sont affamés.
Dr Bachar al-Jaafari
Délégué permanent
de la Syrie auprès des Nations Unies
06/03/2015
Sources: Facebook
https://www.facebook.com/seyasi?fref=nf
https://www.facebook.com/naram.sargon?fref=nf
Texte traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Notes :
[1]
Syrie: le Conseil de sécurité condamne
l'utilisation du chlore comme arme
(résolution)
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20150307.AFP0943/syrie-le-conseil-de-securite-condamne-l-utilisation-du-chlore-comme-arme-resolution.html
[2] Adopting Resolution 2209 (2015),
Security Council Condemns Use of
Chlorine Gas as Weapon in Syria
http://www.un.org/press/en/2015/sc11810.doc.htm
[3]
Defence Secretary pledges to train
Syrian Moderate Opposition
http://rpdefense.over-blog.com/2015/03/defence-secretary-pledges-to-train-syrian-moderate-opposition.html
[4] Explanation of Vote at the Adoption
of Resolution 2209 on Syria
Samantha Power U.S. Permanent
Representative to the United Nations
http://usun.state.gov/briefing/statements/238618.htm
[6] L'opposition syrienne refuse le plan
de paix de l'ONU
http://www.itele.fr/monde/video/lopposition-syrienne-refuse-le-plan-de-paix-de-lonu-113869
[7]
Incursion militaire turque en Syrie,
Damas avertit des répercussions
http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?eid=221308&cid=18&fromval=1&frid=18&seccatid=37&s1=1
[8] Conférence de
presse sur le rapport final de la
Mission d’enquête de l’ONU concernant
les allégations d’emploi d’armes
chimiques en Syrie
http://www.un.org/press/fr/2013/Conf131213-ARMES_CHIMIQUES.doc.htm
[9] LES CHEMINS DE
DAMAS. Le dossier noir de la relation
franco-syrienne
http://www.laffont.fr/site/les_chemins_de_damas_&100&9782221140468.html
[10] Résolution 2118
(2013)
http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/2118%282013%29
Le sommaire de Mouna Alno-Nakhal
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|