Communiqué
Des habitations palestiniennes prises
pour cibles
Amnesty International
Vendredi 7 novembre 2014
Par Salil Shetty,
secrétaire général d’Amnesty
International
Près de trois mois
se sont écoulés depuis la fin du dernier
conflit, mais les amas de décombres et
les squelettes de maisons à Gaza
rappellent douloureusement la mort et la
destruction qui a marqué la dernière
opération militaire menée par Israël en
juillet et août 2014.
Les trois
petits-enfants de Mohammad Akram al
Hallaq regardaient des dessins
animés dans la salle télé lorsque trois
missiles ont frappé l’habitation le 20
juillet. Les murs se sont effondrés dans
une avalanche de gravats, dans un fracas
de poussière et de pierres, les
entourant de toutes parts. Aucun d’entre
eux n’a survécu. Huit personnes, toutes
civiles, dont quatre enfants d’une autre
famille vivant dans le même bâtiment,
ont également péri.
À travers Gaza, des
scènes analogues se sont répétées. Au
moins 18 000 logements ont été détruits
ou rendus inhabitables et plus de 1 500
civils palestiniens ont trouvé la mort
durant l’opération Bordure protectrice.
Côté israélien, au moins six civils,
dont un enfant, ont été tués par les
roquettes tirées sans discrimination par
les groupes armés palestiniens sur
Israël.
Dans son
rapport rendu public mercredi
5 novembre, Amnesty International décrit
toute une série d’attaques israéliennes
menées à Gaza contre des habitations de
familles palestiniennes. Certaines des
habitations attaquées étaient remplies
de proches qui avaient fui d’autres
zones de Gaza ravagées par la guerre en
quête d’un peu de sécurité.
Au regard de ces
éléments, nous pouvons aujourd’hui
affirmer que les forces israéliennes ont
fait preuve d’un mépris flagrant pour la
vie des civils, détruisant des bâtiments
entiers qui abritaient des dizaines
d’habitants, dans le cadre de plusieurs
attaques clairement disproportionnées,
menées sans avertissement. Ces éléments
indiquent assurément que certaines de
ces attaques illégales sont
constitutives de crimes de guerre.
Au total, au moins
104 civils, dont 62 enfants, ont été
tués dans des attaques injustifiées
contre huit habitations. Ces morts
auraient pu et auraient dû être évitées.
Les civils n’ont reçu aucun
avertissement et n’ont eu aucune chance
de quitter les lieux. Au titre des lois
de la guerre (le droit international
relatif aux droits humains), il est
interdit de mener des attaques
délibérées contre des civils, et les
États sont tenus de prendre toutes les
précautions possibles afin de réduire au
maximum le tort causé aux civils, et
doivent notamment les avertir. Les
attaques dont on anticipe qu’elles vont
causer un grand nombre de victimes
civiles sont bien souvent des attaques
disproportionnées et doivent être
annulées. Pourtant, dans plusieurs cas,
ces obligations fondamentales ont été
ignorées.
Les représentants
de l’État israélien n’ont pas répondu
aux questions difficiles soulevées par
ces attaques. En fait, ils n’ont même
pas reconnu en être les auteurs. Israël
a la capacité technique de mener des
frappes précises sur des cibles
spécifiques, causant bien moins de
dégâts : pourquoi ses forces ont-elles
choisi à plusieurs reprises de détruire
des bâtiments entiers abritant de
nombreux civils ? Quelles étaient les
cibles visées ? Pourquoi n’ont-ils pas
donné les avertissements requis ?
Il ne s’agit pas
d’incidents isolés : une série
d’attaques a été menée contre des
habitations civiles tout au long de
l’opération Bordure protectrice,
témoignant d’une froide indifférence
face à la souffrance des civils
palestiniens et d’un mépris pour les
obligations relevant du droit
international humanitaire.
Dans ce conflit qui
dure depuis des décennies, les deux
camps ne font guère preuve de
considération pour les civils. Les
groupes armés palestiniens ont tiré sans
discrimination des roquettes sur Israël,
stocké des armes dans des écoles et tiré
des roquettes à proximité d’habitations
civiles. Jusqu’à présent, rien n’indique
que les violations des droits humains
commises par les deux camps ont permis
de garantir la sécurité de leur
population.
Le conflit de l’été
2014 a été le troisième conflit majeur à
Gaza depuis 2008. Le monde est bien trop
habitué aux images de cadavres
d’habitants de Gaza extirpés des
décombres et de civils israéliens
courant vers des abris antibombes.
Les blessures ont à
peine le temps de se refermer que de
nouveaux combats éclatent.
Pourtant, ni les
autorités palestiniennes ni Israël n’ont
mené d’investigations indépendantes et
impartiales sur les allégations de
crimes de guerre commis par le passé.
Pour en finir avec
ces terribles dévastations et
destructions, il faut briser le cycle de
l’impunité. Il faut mener des enquêtes
indépendantes et impartiales sur les
graves violations des droits humains et
du droit international humanitaire et
traduire en justice les responsables
présumés de ces agissements.
Israël doit lever
le siège de Gaza et cesser de mettre en
œuvre des tactiques qui bafouent les
fondamentaux du droit international
humanitaire. Quant au Hamas et aux
groupes armés palestiniens, ils doivent
mettre un terme aux attaques délibérées
menées sans discrimination contre les
civils.
Aujourd’hui, les
espoirs de justice semblent bien
faibles. Israël a annoncé une série
d’enquêtes qui ne respectent pas les
normes internationales et ne permettront
pas de rendre justice et réparation aux
victimes. Ni le Hamas ni les autorités
palestiniennes ne semblent disposés à
faire mieux. Israël a refusé de coopérer
avec la Commission de l’ONU chargée
d’enquêter sur les atteintes aux droits
humains présumées commises pendant le
dernier conflit, et refuse toujours
d’autoriser Amnesty International et
Human Rights Watch à se rendre à Gaza.
La Cour pénale
internationale (CPI) a un rôle crucial à
jouer s’agissant de traduire en justice
les responsables de crimes relevant du
droit international dans les conflits
israélo-palestiniens passés et présents.
Les autorités israéliennes et
palestiniennes, et la communauté
internationale, doivent prendre toutes
les mesures afin de conférer au
procureur de la CPI le pouvoir de faire
ce que les autorités nationales se
refusent à faire : mener une enquête
indépendante et impartiale sur les
crimes commis par toutes les parties.
La communauté
internationale ne doit pas décevoir les
victimes une fois de plus. Ceux qui
ordonnent ou commettent des crimes
doivent comparaître en justice ; dans le
cas contraire, les civils risquent fort
de payer un tribut encore plus lourd
lors du prochain conflit.
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