Communiqué
d'Amnesty International
Se battre pour survivre après la
démolition d'une maison dans la vallée
du Jourdain
Nancy Hawker
Lundi 3 février 2014
« Attention !
Les bulldozers et les jeeps arrivent. »
Shirin Salamein
a entendu les cris d’alarme d’un de ses
voisins au moment où elle terminait la
traite de ses brebis et de ses chèvres,
tout près de chez elle. Elle habite le
village de Hadidiya, derrière la colonie
israélienne illégale de Ro’i, en
Cisjordanie occupée.
« J’allais me
mettre à faire du fromage, et on n’avait
plus le temps de tout mettre à l’abri,
nous a-t-elle raconté. Les enfants,
le bétail, les provisions : nous
n’avions pas le temps. Les moutons
étaient éparpillés partout. Nous avons
dû tout reconstruire. Dieu merci, nous
avons survécu. »
Le village de
Hadidiya, dans le nord de la vallée du
Jourdain, compte environ 150 habitants.
Sur cette terre rocailleuse et
rougeâtre, les bergers vivent dans des
tentes et des baraques.
La famille de
Shirin a pris l’habitude des
démolitions. Deux fois au cours de l’été
2013, et quatre fois auparavant, l’armée
israélienne a détruit leurs maisons et
les autres bâtiments.
La jeune mère m’a
invitée sous sa tente pour y rencontrer
sa famille. Des cordes chargées de linge
propre et humide traversaient la
« pièce ». Par terre, il y avait un
matelas, et là, sous une épaisse
couverture, deux petits enfants.
Elle a eu bien des
difficultés à prendre soin de ses
enfants, surtout lorsque leur maison a
été détruite dans la chaleur de l’été.
Hadidiya se trouve
en zone C, ce qui représente 60 % de la
Cisjordanie.
Selon l’armée
israélienne, les baraques, les tentes et
les enclos pour le bétail sont illégaux
parce qu’ils ne se conforment pas aux
plans israéliens pour cette zone, sous
contrôle total de l’armée.
Les Palestiniens
qui vivent là n’ont pas leur mot à dire
sur les décisions d’aménagement prises
pour la zone C et favorables aux seules
colonies juives. À ce jour, en 2014, le
gouvernement israélien a lancé des
appels d’offres concernant plus de 1 000
nouveaux logements.
Selon le Bureau de
la coordination des affaires
humanitaires des Nations unies, 565
constructions ont été démolies ici en
2013. Plus de 800 personnes ont perdu
leur foyer.
L’une des
démolitions les plus récentes a eu lieu
le 3 décembre, trois jours avant notre
venue.
De leur côté, les
colonies israéliennes voisines de
Hadidiya sont dotées de maisons d’hôtes,
de terres agricoles étendues et de
villas aux toits de tuiles.
Malgré toutes les
actions israéliennes visant à éliminer
son lieu de vie, Shirin reste attachée à
sa façon de vivre. Les femmes du village
ont un rôle essentiel dans son économie,
centrée sur la production de produits
laitiers et de viande. Ces denrées sont
vendues au marché de la ville la plus
proche, Naplouse, à une vingtaine de
kilomètres de là.
Pour subsister, les
habitants ont besoin d’utiliser les
pâturages des collines de Hadidiya.
C’est pourquoi la population reste là,
malgré les violations des droits humains
commises par les autorités israéliennes,
qui rendent difficiles l’accès des
habitants aux services de santé
courants.
Le deuxième enfant
de Shirin est atteint d’infirmité
motrice cérébrale - il faut veiller sur
lui lors des démolitions effectuées
pendant les mois les plus chauds et, en
ce moment, sa mère cherche à le tenir au
chaud lorsque tombent les pluies
d’hiver. Il est né dans un hôpital de
Jérusalem, les voisins étant parvenus à
obtenir qu’une ambulance militaire y
emmène Shirin.
Mais, depuis son
accouchement, elle n’a pas pu avoir
l’autorisation de déplacement nécessaire
pour que son fils puisse recevoir le
traitement dont il a besoin.
« Mon fils n’a
plus reçu aucun traitement depuis sa
naissance ; il est entre les mains de
Dieu », dit-elle.
Shirin a aussi subi
les conséquences des interdictions de
circuler lors de la naissance de son
troisième enfant. Sa famille a dû alors
négocier avec l’armée israélienne pour
qu’une ambulance soit autorisée à
l’emmener à l’hôpital, dans la ville
proche de Naplouse. L’ambulance
palestinienne n’a pu la prendre à son
bord qu’à condition d’être escortée par
l’armée israélienne.
Janvier, à Hadidiya,
c’est la saison où les collines sont
vertes et où les animaux produisent le
plus de lait. Mais c’est aussi la
« saison des démolitions ». Tous les
bâtiments des habitants sont en danger
et chaque jour est un combat.
« Chaque jour,
je trais les animaux à l’aube, je
commence à faire le fromage, puis je
prépare le petit déjeuner, puis je fais
la lessive et le ménage. Et tout ce
temps-là, je guette pour voir s’il y a
une démolition qui se prépare. C’est le
plus grand problème, ici, les
démolitions », explique-t-elle.
En vertu du droit
international, les colonies israéliennes
dans les territoires palestiniens
occupés sont illégales, et la démolition
de biens palestiniens est strictement
interdite sauf si des opérations
militaires l’imposent de façon
impérative.
Mais, à Hadidiya,
les autorités israéliennes utilisent des
bulldozers pour détruire les
habitations, au mépris du droit
international.
Nancy Hawker, chargée
de campagne pour le programme
Moyen-Orient et Afrique du Nord
d’Amnesty International
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