Déclaration du LKP après la visite de Nicolas Sarkozy en
Guadeloupe: « Quand on ment, il n'y a plus de confiance »
Dimanche 9 Janvier, jour de carnaval, Nicolas Sarkozy
présente ses vœux aux colonies depuis la Guadeloupe. Le pays
est sous haute surveillance militaire, les lieux sont
aseptisés ; les invités sont triés sur le volet ; aucune
fausse note ne doit venir ternir ce triomphe. Même les
drapeaux des « mouvman kiltirèl – mas a po » (associations
qui défendent la culture et l’identité guadeloupéennes) sont
arrachés par la police. La veille, un salarié vêtu d’un
tee-shirt portant le logo de l’UGTG (Union Générale des
Travailleurs de Guadeloupe) a même été refoulé de
l’aéroport. Un autre arborant un tee-shirt à l’effigie du
Che a connu le même sort pour « port de tee-shirt non
républicain » sans doute. Nicolas Sarkozy déclarait lors des
vœux aux forces vives qu’il respectait les syndicalistes et
leurs convictions. C’est peut être le cas en France mais
visiblement pas dans les colonies. L’association des
cuisinières est réquisitionnée, comme à l’accoutumée, pour
donner l’illusion d’un accueil populaire.
Tout doit être propre pour masquer la réalité d’une
Guadeloupe gangrénée par la misère et le chômage, la
corruption, « l’aplaventrisme », la médiocrité et la lâcheté
mais cacher surtout la lutte d’un Peuple, jour après jour
contre le mépris, le racisme et l’exploitation. Tout va bien
Mme la Marquise, mais la réalité est là et bien là.
En décembre 2008, les Travailleurs et le Peuple de
Guadeloupe se soulevaient contre l’injustice, le mépris et
la misère pour exiger l’instauration de nouveaux rapports
sociaux, pour une société plus juste et plus équitable
débarrassée de la pwofitasyon.
Devant une salle acquise à sa cause, nourrie par des
salves d’applaudissement savamment organisées, il n’aura
jamais prononcé de vœux mais un discours de propagande
politique. Il réclama même la marseillaise à la fin son
intervention. Nous aurons tous compris que la visite de
Nicolas Sarkozy en Guadeloupe (accompagné de Jean-françois
Copé, patron de l’UMP) visait principalement cinq
objectifs :
Tenter une nouvelle fois d’imposer politiquement
Mme Marie Luce Penchard qui a échoué dans toutes ses
tentatives électorales ;
Tenter de réconforter une classe politique locale aux abois,
totalement discréditée aux yeux des Guadeloupéens tout en
mettant en exergue leur bêtise et leur irresponsabilité dans
la gestion quotidienne du pays sous, là encore, des salves
d’applaudissement - à ne rien y comprendre.
Tenter de procurer une nouvelle virginité à la droite
guadeloupéenne décimée et espérer un apport de voix pour
l’élection présidentielle de 2012 ; Réaffirmer que la
Guadeloupe est une colonie française et qu’elle le restera
tant qu’il sera président et par la même, renforcer la
mainmise de l’état colonial sur le Peuple de Guadeloupe y
compris les élus ;
Menacer, une fois de plus, cette « minorité » (100 000
personnes dans les rues) de Travailleurs, le valeureux
Peuple de Guadeloupe, toutes celles et tous ceux qui luttent
contre la pwofitasyon, qui luttent pour le respect et la
dignité jantiman (contrairement à ce qui se passe en France)
et allant jusqu’à demander aux Guadeloupéens de réussir
enfin à « digérer leur histoire ».
Incapable de régler les problèmes de la France, Nicolas
Sarkozy aura vainement tenté de nous faire croire qu’il
était là pour nous aider à régler les nôtres ; alors que la
politique menée en Guadeloupe par l’état français est la
principale source de tous nos maux.
La Guadeloupe demeure donc une colonie de la France,
territoire qui lui assure, avec ses autres possessions de
par le monde, sa puissance économique, son rayonnement et
son autorité vis à vis des autres nations.
Le développement économique institué ici, basé sur
l’import/distribution, la défiscalisation, les services, le
commerce et l’industrie du plaisir exclut les producteurs
réels, entretient le chômage, l’individualisme, les
déviances sociales, la magouille, la corruption et garantit
aux rentiers économiques et politiques, la pérennité de leur
pwofitasyon.
L’illettrisme, l’échec scolaire et le racisme à
l’embauche qui tuent notre jeunesse sont inhérents à ce
système. Le droit pour tout Guadeloupéen de travailler dans
son pays est pourtant un droit inaliénable tout comme le
droit pour le Peuple Guadeloupéen de disposer de lui-même.
Les réformes institutionnelles et/ou statutaires décidées
par l’Etat français n’ont pas pour objectif d’améliorer le
sort des Guadeloupéens, ni de s’opposer à la pwofitasyon
mais sont destinées à mettre en conformité l’organisation
territoriale de la France avec celle de l’Europe
et à préserver l’empire colonial français. La réforme dans
les colonies servant alors de « brouillons » afin de
préparer sa mise en œuvre en France pour 2014.
Au passage, Nicolas Sarkozy n’aura pas manqué l’occasion
de rappeler le respect de la constitution française
notamment aux élus qui lui avaient demandé 18 mois pour
élaborer un projet qui n’aura jamais vu le jour. En
annonçant l’année 2011, année des outre mers, nous nous
situons bien dans la droite ligne des expositions coloniales
et du fameux discours de Dakar. Il s’agit en fait
« d’exhiber » la grandeur de l’empire colonial et les
bienfaits de la colonisation, véritable viol camouflé en
mariage forcé.
L’indigène n’est pas un être conscient ni équilibré et
doit donc être éduqué, formaté par la mère patrie pour en
faire un homme. C’est le sens même de « la mission
civilisatrice de la France » justifiant l’esclavage, la
traite négrière, la colonisation, le pillage de l’Afrique,
….
Toutes ces mesures et annonces (états généraux, comité
interministériel de l’outre-mer, année des outre-mers, …) ne
sont que de la poudre aux yeux pour poursuivre l’aliénation
et l’asservissement du Peuple Guadeloupéen ; donc notre
disparition pure et simple.
En vérité, l’éducation, la formation, l’insertion,
l’emploi, la santé, le développement économique et social,
le transport, la gestion de l’eau, l’aménagement du
territoire, l’environnement, …… ne sont pas la priorité des
autorités. Seule compte la disparation du LKP et de toute
contestation ; pour une paix sociale artificielle retrouvée.
La mort de cinq personnes durant les dernières pluies est
révélatrice de la situation qui prévaut en Guadeloupe.
Malgré l’annonce faite par la météo, malgré la montée
visible des eaux, aucune mesure spécifique de prévention et
d’alerte (fermeture anticipée des écoles, déviation,
fermeture de routes, etc…) n’a été mise en œuvre par la
préfecture laissant ainsi des milliers de personnes se
« débrouiller » elles-mêmes face aux pluies diluviennes ; et
en définitive les rendant responsables de leur sort et de
leur propre mort (comme l’a affirmé ce mercredi 5 janvier le
préfet).
Un tel drame résultant de l’incurie et de la carence des
autorités aurait immédiatement entraîné la mise en œuvre
d’une commission d’enquête et un rappel à l’ordre voire la
révocation du préfet fautif. Mais nous sommes en Guadeloupe
et sous les cocotiers …… D’ailleurs, un récent rapport a
classé la préfecture de Guadeloupe bonne dernière en termes
de performance administrative.
Depuis notre fière et large mobilisation de janvier,
février mars 2009, nos dizaines d’heures de négociation et
de confrontation avec les pwofitan, nous avons
définitivement compris qu’il nous était possible de
construire un autre pays, une autre société ; qu’il nous
était possible de penser à notre développement économique,
social et culturel selon nos propres ressources, avec la
compétence de nos cadres et le dynamisme de notre jeunesse ;
que notre culture constitue un liant fondateur avec lequel
l’homme et la femme de Guadeloupe peuvent évoluer sans
complexes.
Cette Guadeloupe nouvelle est aujourd’hui en mouvement.
Nous n’avons plus peur de l’autre. Travailleurs et Peuple de
Guadeloupe savent dorénavant qu’ils peuvent se lever,
dénoncer, réclamer et s’opposer kont tout pwofitasyon. Nous
disposons d’une vision plus claire de ce qu’il convient de
faire, d’élaborer et de construire pour que nous cessions
d’être des colonisés, des assimilés, des domiens, des
ultramarins, des rupiens, des ultrapériphériques et ce, même
si aujourd’hui encore nous nous interrogeons sur les voies
et moyens pour y parvenir.
Aussi, après les deux jours de mobilisation des 14 et 15
décembre et l’allocution de Nicolas Sarkozy :
Le LKP prend bien acte du refus de l’Etat français de
respecter ses engagements relatifs à l’application pleine et
entière des Accords du 26 février 2009 (Bino) et du 04 mars
2009.
En refusant cyniquement tout dialogue, l’Etat français
réaffirme ainsi d’une part qu’il ne négocie que dans le
cadre du rapport de forces et d’autre part confirme son
soutien indéfectible au système de pwofitasyon que ses
politiques successives ont engendré.
Une telle attitude ne peut que nous rappeler qu’un Etat
colonial, en l’occurrence l’Etat français, dispose de quatre
points d’appui : l’aliénation, la dépendance économique, la
soumission de la classe politique locale et la répression
des opposants politiques, des avocats, des journalistes et
des syndicalistes pour assoir sa domination.
Le LKP prend surtout acte du renforcement de la
détermination des Travailleurs, de leurs organisations et du
Peuple de Guadeloupe pour le respect de leurs droits
fondamentaux et la poursuite de la lutte.
Par le refus de la discussion, par le mépris constamment
affirmé pour les légitimes préoccupations des larges masses,
l’Etat colonial ne peut provoquer que colère, révolte et la
poursuite de la fière et large mobilisation populaire.
En conséquence, le LKP, les organisations qui la
composent, les Travailleurs et le Peuple de Guadeloupe
s’organisent et se placent résolument dans la perspective
d’un nouveau mouvement, beaucoup plus ample qu’en janvier
2009 et d’une portée décisive, mouvement renforcé par
l’expérience acquise de nos deux années de lutte.
Il s’agit pour l’Autorité LKP de construire, d’engager et
de développer ‘’l’opÉrasyon dÉchoukaj a pwofitasyon’’.
Pour le Collectif LIYANNAJ KONT PWOFITASYON
Elie DOMOTA -Pointe-à-Pitre, le 09 Janvier 2011