26 juillet 2006
Lettre ouverte
MDE 02/001/2006
Monsieur le Ministre,
Je vous adresse ce
courrier à l¹occasion de la réunion des ministres des Affaires étrangères
convoquée ce mercredi 26 juillet à Rome pour réagir au conflit
actuel impliquant Israël et le Liban.
Les civils des deux côtés
de la frontière entre Israël et le Liban ont payé un lourd tribut
dans ce conflit. En Israël, au moins 17 civils ont été tués et
des centaines d¹autres blessés par des tirs de roquettes du
Hezbollah sur des zones civiles israéliennes, tandis qu¹au Liban
les raids aériens et bombardements israéliens ont tué plus de 300
civils, dont plus d¹un tiers étaient des enfants et ont blessé
des milliers de personnes. Plus d¹un demi million de Libanais ont
été déplacés du fait des menaces et des bombardements israéliens.
Israël impose un blocus
naval et aérien du Liban. L¹armée israélienne a attaqué l¹aéroport
de Beyrouth et bombardé la route principale menant vers la Syrie
ainsi que des dizaines d¹autres routes, des ponts et d¹autres
infrastructures ; des zones résidentielles ont également été
touchées. La situation humanitaire pour les civils restant dans le
sud s¹aggrave de jour en jour, notamment dans la ville portuaire de
Tyr, qui doit en plus faire face à un afflux de personnes déplacées
venant de villages situés dans le sud du pays. La destruction par
Israël de centrales électriques et d¹autres infrastructures a
privé les hôpitaux, les cliniques et autres centres de santé des
ressources et de l¹approvisionnement nécessaires à un moment où
ils sont confrontés à une augmentation massive de leur activité.
Des ambulances et des équipes d¹urgence auraient été attaqués
par les forces israéliennes alors qu¹elles tentaient de porter
secours à des victimes des bombardements.
Les ressortissants étrangers
pris dans le conflit ont été évacués grâce à l¹intervention
de leurs gouvernements respectifs mais, comme l¹ont souligné les
organisations internationales d¹aide humanitaire, la population
civile du Liban se trouve à présent face à un désastre
humanitaire.
La communauté
internationale doit veiller à ce que le Hezbollah et Israël
respectent le droit international humanitaire. Tout indique jusqu¹à
présent, qu¹il s¹agisse de la fréquence des attaques, du nombre
de civils touchés ou des déclarations des différentes parties au
conflit, que de graves violations des lois de la guerre ont été
commises et continuent d¹être commises par les deux parties.
Diriger intentionnellement des attaques contre des civils ou des
biens de caractère civil et lancer des attaques disproportionnées
sans discrimination sont des crimes de guerre.
Tous les États ont l¹obligation de veiller à ce que les allégations
de crimes de guerre fassent l¹objet d¹enquêtes dans les meilleurs
délais. Les auteurs de tels actes doivent être poursuivis en
justice et les victimes et leurs familles doivent obtenir réparation.
Cela relève de la responsabilité de tous les États parties aux
Conventions de Genève, pas seulement des parties au conflit.
L¹évacuation des
ressortissants étrangers, qui a été menée de manière rapide et
efficace, contraste fortement avec la lenteur avec laquelle la
communauté internationale commence à s¹intéresser à la crise.
Lors de la réunion de Rome, les gouvernements des pays les plus
influents devront faire pression avec plus de détermination sur les
parties au conflit pour qu¹elles mettent un terme aux attaques
dirigées contre des civils et veillent au respect du droit
international humanitaire.
Amnesty International
demande notamment à votre gouvernement de :
*
signifier clairement à toutes les parties au conflit, au plus haut
niveau, que prendre pour cible des civils ou des biens de caractère
civil et mener des attaques disproportionnées sans discrimination
constituent des crimes de guerre ; qu¹elles sont dans l¹obligation
de poursuivre toute personne soupçonnée de violations graves du
droit international humanitaire durant le conflit ;
*
faire pression sur les parties au conflit pour qu¹elles mettent immédiatement
en place des corridors humanitaires dont elles garantiront la sécurité,
afin de permettre l¹acheminement d¹aide humanitaire d¹urgence aux
civils affectés par le conflit et de fournir un passage sûr aux
travailleurs humanitaires ;
*
demander l¹envoi de toute urgence de la Commission internationale
humanitaire d¹établissement des faits, créée au titre de l¹article
90 du Protocole I relatif à la Protection des victimes de conflits
armés internationaux (Protocole I), pour enquêter sur les allégations
de violations graves des Conventions de Genève et du Protocole. Les
observations de la Commission internationale humanitaire d¹établissement
des faits seront essentielles pour que les faits soient établis de
manière indépendante par un organisme faisant autorité. La
Commission pourrait également avoir un effet dissuasif face à d¹autres
exactions qui pourraient être commises par les parties au conflit.
*
en attendant la mise en place d¹un tel mécanisme, de faire en
sorte que la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL)
dispose des moyens nécessaires pour mener à bien sa mission d¹observation,
établir des rapports et rassembler des preuves des violations
commises tant par le Hezbollah que par Israël ;
*
demander que se réunissent les Hautes Parties contractantes aux
Conventions de Genève pour décider des mesures à prendre afin de
s¹assurer que les différentes parties respectent le droit
international humanitaire ;
*
suspendre toute vente ou transfert d¹armes et d¹équipement
militaire aux parties au conflit et veiller à ce que des
dispositions appropriées de surveillance soient mises en place pour
prévenir de tels transferts ; soutenir un embargo du Conseil de sécurité
des Nations unies sur les armes.
Nous vous demandons d¹agir
avec diligence pour faire en sorte que la protection des civils au
Liban et en Israël soit assurée, pour contraindre les parties à
respecter le droit international humanitaire et pour veiller à ce
que les auteurs de crimes de guerre dans ce conflit ne bénéficient
d¹aucune impunité.
Veuillez agréer,
Monsieur le Ministre,, l¹assurance de ma très haute considération
Irene Khan Secrétaire générale
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