25 avril 2006
Index AI : MDE 15/035/2006
DÉCLARATION PUBLIQUE
Amnesty International demande aux gouvernements des États qui sont
Hautes parties contractantes à la Quatrième Convention de Genève,
concernant la protection des civils en temps de guerre, d’agir
pour empêcher une aggravation tragique de la situation des droits
humains des Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Amnesty International craint que les récentes décisions de l’Union
européenne (UE) et des États-Unis de couper leur soutien financier
à l’Autorité palestinienne n’aient des conséquences très
graves sur la santé, l’éducation et autres droits sociaux et économiques
des Palestiniens vivant sous occupation israélienne. Selon une étude
de la Banque mondiale publiée le mois dernier, l’économie
palestinienne, déjà affaiblie à un point critique par des années
de conflit et un contrôle israélien permanent, devrait encore
subir une récession de 27 p. cent d’ici la fin de l’année
2006, en raison de l’arrêt des financements de l’UE et des États-Unis
à l’Autorité palestinienne.
Les États de l’UE et les États-Unis sont tous Hautes parties
contractantes aux Conventions de Genève et en tant que telles, sont
dans l’obligation de respecter et faire respecter ces Conventions
en toute occasion. Ces États ont également des responsabilités du
même ordre, définies par le droit international relatif aux droits
humains. Par conséquent, ils sont dans l’obligation d’assurer
la protection de la population palestinienne de la Cisjordanie et la
bande de Gaza, dont les conditions de vie devraient se dégrader de
manière importante, en raison de la décision de ces mêmes
gouvernements de cesser leurs financements à l’Autorité
palestinienne, actuellement sous une administration dirigée par le
Hamas.
Pendant plus d’une décennie, les financements de l’UE et des États-Unis
ont joué un rôle crucial pour permettre à l’Autorité
palestinienne d’assurer la santé, l’éducation et la plupart
des autres services essentiels à la population palestinienne de la
Cisjordanie et la bande de Gaza. Ces gouvernements assumaient leur
responsabilité devant le manque de volonté d’Israël même si,
en tant que puissance occupante, c’est ce pays qui a la
responsabilité première de répondre aux besoins fondamentaux de
la population des territoires occupés, aux termes du droit
international. Rappelant cet état de fait ce 11 avril, le Comité
international de la Croix Rouge (CICR) a prévenu qu’il ne fallait
pas s’illusionner sur la capacité des organisations humanitaires
à remplacer l’Autorité palestinienne dans son rôle de
fournisseur de services publics.
http://www.icrc.org/web/eng/siteeng0.nsf/html/israel-palestine-press-briefing-100406
De même, dans une récente évaluation des risques humanitaires à
venir dans les territoires palestiniens occupés, le Bureau des
Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA)
note qu’aux termes de la Quatrième Convention de Genève, Israël,
en tant que puissance occupante, porte la responsabilité du bien-être
de la population palestinienne. Ces dernières années, les
bailleurs de fonds internationaux et l’Autorité palestinienne,
ont, en pratique, joué ce rôle. Si l’Autorité palestinienne est
incapable de fournir des services élémentaires à la population
palestinienne et si les bailleurs de fonds retirent leur aide, il
faudra qu’Israël réassume ses obligations juridiques.
http://www.humanitarianinfo.org/opt/docs/UN/OCHA/Assessment%20of%20the%20future
%20humanitarian%20risks_oPt_En.pdf
Le fait qu’Israël soit finalement responsable du bien-être de la
population dans les territoires occupés ne signifie pas que la
communauté internationale n’a aucun rôle à jouer dans le
respect des droits humains en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Outre leur responsabilité de Hautes parties contractantes, qui
doivent faire en sorte qu’Israël respecte ses obligations définies
par les Conventions de Genève, les États ont également des
devoirs définis par le droit international relatif aux droits
humains.
Tous les États membres des Nations unies se sont engagés à « agir
tant conjointement que séparément » pour parvenir au « respect
universel et effectif des droits de l’homme et des libertés
fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de
langue ou de religion » et « chercher la solution
des problèmes internationaux dans les domaines économique, social,
de la santé publique et autres problèmes connexes ».
(Charte des Nations unies, articles 55 et 56).
En outre, tous les États parties au Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels se sont engagés à
prendre des mesures progressives, à titre individuel ou par
l’aide et la coopération internationales, en particulier dans le
domaine technique et économique, pour mettre en œuvre les DESC.
Les États qui sont en situation de fournir des ressources nécessaires
au maintien d’un niveau fondamental de santé, d’eau potable,
d’éducation, de nourriture et de logement, sont dans
l’obligation de le faire.
L’UE et les États-Unis doivent prendre des mesures pour
s’assurer que leur décision de cesser leurs financements n’aura
pas de conséquences négatives sur les droits humains. Ces États
doivent faire en sorte que l’aide d’urgence, essentielle à la réalisation
de droits humains fondamentaux, ne soit jamais utilisée comme outil
de marchandage dans un but politique.
Selon de nombreux rapports de la Banque mondiale et autres organes
des Nations unies, les restrictions sévères imposées par Israël
- pour raisons de sécurité - à la circulation des personnes et
des biens à l’intérieur des Territoires occupés et entre
ceux-ci, sont la cause principale de la hausse brutale du chômage
et de la pauvreté des Palestiniens ces dernières années. Ces
restrictions continuent à se renforcer en Cisjordanie, divisée de
fait en plusieurs parties - nord, centre et sud, est et ouest -
chacune séparée des autres, entre lesquelles les Palestiniens
n’ont pas le droit de se déplacer librement. Entre-temps, la
fermeture du point de passage de Karni par Israël, dans la bande de
Gaza, a gravement désorganisé la circulation des marchandises
palestiniennes, créant des difficultés économiques supplémentaires.
Amnesty International continue de demander aux autorités israéliennes
de respecter leurs obligations définies par le droit international
humanitaire et relatif aux droits humains, notamment en levant les
restrictions superflues, disproportionnées et arbitraires
actuellement imposées à la circulation des Palestiniens et des
biens dans les Territoires occupés.
Amnesty International renouvelle aussi son appel au Djihad islamique
et aux groupes armés palestiniens de cesser immédiatement les
attaques aveugles et délibérées visant les civils israéliens.
Ces attaques sont interdites en tous temps et en toutes
circonstances.
Amnesty International demande également à l’Autorité
palestinienne de prendre toutes les mesures possibles pour arrêter
et prévenir ces attaques de groupes armés palestiniens, d’enquêter
sur les attaques ou tentatives d’attaque pouvant survenir, et de
traduire en justice leurs responsables, y compris les responsables
d’attaques passées.
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