Index AI : MDE 15/042/2006
DÉCLARATION PUBLIQUE
La décision par la Haute cour
de justice israélienne, ce dimanche 14 mai, de confirmer
un texte de loi qui nie explicitement les droits familiaux pour des
raisons d’ethnicité et d’origine nationale, constitue une avancée
supplémentaire dans l’institutionnalisation de la discrimination
raciale en Israël.
La Loi sur la citoyenneté et l’entrée en Israël
interdit la réunification familiale pour les Israéliens mariés à
des Palestiniens des Territoires occupés. Ce texte vise spécifiquement
les Arabes israéliens (les citoyens palestiniens d’Israël), qui
constituent un cinquième de la population israélienne, et les
habitants palestiniens de Jérsualem1, car ce sont eux qui épousent
des Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza.
Les Palestiniens restés en Israël après la création
de cet État, en 1948, sont devenus citoyens israéliens, tandis que
les habitants palestiniens de Jérusalem ont reçu un statut spécial
de résidents permanents, après l’occupation par Israël de Jérusalem
Est en 1967, et l’annexion qui a suivi. Aujourd’hui, environ 230
000 Palestiniens sont résidents permanents de Jérusalem.
Des milliers de couples sont concernés par ce texte
de loi discriminatoire, qui force les Arabes israéliens mariés à
des Palestiniens à quitter leur pays ou à être séparés de leurs
conjoints et leurs enfants. Le Code de justice militaire israélien
interdit aux Israéliens de pénétrer dans les principaux centres
de population des Territoires occupés, et les citoyens israéliens
ne peuvent y rejoindre leurs conjoints palestiniens ; parallèlement,
les conjoints palestiniens résidant en Israël sans permis courent
le risque permanent d’être expulsés et séparés de leurs
familles. Ainsi, les couples israélo-palestiniens seraient
finalement obligés de s’installer dans un autre pays pour vivre
ensemble - choix ni possible ni désirable pour les personnes
concernées. En outre, les habitants palestiniens de Jérusalem
perdraient leur statut de résident et tout droit à retourner à Jérusalem
s’ils quittaient la ville.
Cinq des 11 juges de la Haute cour de justice qui se
sont prononcés sur cette loi le 14 mai, dont le président de la
Cour, ont voté contre ce texte, reconnaissant qu’il viole les
droits humains. Le président de la Cour, Aharon
Barak, a déclaré que cette loi violait le droit des
Arabes israéliens à l’égalité.
En effet, cette loi viole l’interdiction absolue
de toute discrimination, figurant dans le droit international
relatif aux droits humains, notamment plusieurs traités qu’Israël
a ratifiés et qu’il est obligé de respecter, y compris la
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination raciale, le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques (PIDCP), le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), et la Convention
relative aux droits de l’enfant .
La disposition de cette loi permettant l’octroi
discrétionnaire de permis de résidence temporaires aux
Palestiniens mariés âgés de plus de trente-cinq ans et aux
Palestiniennes mariées de plus vingt-cinq ans, reste de nature
arbitraire et ne modifie pas le caractère discriminatoire de la
loi. La majorité des couples israélo-palestiniens, qui se marient
plus jeunes, n’en bénéficieront pas non plus. En outre, les
demandes de permis de conjoints satisfaisant aux critères d’âge
peuvent être rejetées parce qu’un membre de leur famille étendue
est considéré comme un « risque de sécurité » par
les services de sécurité d’Israël. Des milliers de Palestiniens
cherchant à réunifier leur famille avant le vote de cette loi ont
été rejetés pour des raisons de « sécurité » non précisées,
dans des circonstances où le manque de détails fournis pour chaque
refus ne permettait pas aux personnes rejetées de remettre réellement
en cause cette décision sur le plan juridique.
Les autorités israéliennes ont tenté de justifier
cette loi pour des raisons de sécurité, mais n’ont produit aucun
élément convainquant à l’appui de leurs dires. Selon certaines
déclarations, quelque 25 personnes, dont certaines sont nées de
parents israéliens et ne vivaient pas en Israël en résultat
d’une réunification familiale, ont été impliquées dans des
attaques lors d’infractions liées à la sécurité ;
pourtant, même ces déclarations ne justifient pas le refus de réunification
familiale opposé à tous les Palestiniens. Ce refus,
discriminatoire et disproportionné, constituerait une forme de châtiment
collectif, interdit par le droit international. En outre, des déclarations
de responsables et législateurs israéliens partisans de cette
nouvelle loi indiquent que celle-ci est tout d’abord motivée par
des considérations démographiques plutôt que sécuritaires -
c’est-à-dire par la volonté de diminuer le pourcentage d’Arabes
israéliens dans la population d’Israël.
L’interdiction de la réunification familiale pour
les couples israélo-palestiniens, introduite au départ par une décision
administrative du ministère de l’Intérieur en 2002, et transformée
en loi par la Knesset israélienne en juillet 2003, doit être révisée
par cette assemblée en juillet prochain. Amnesty International
renouvelle sa demande au gouvernement israélien et aux membres de
la Knesset en faveur de l’abrogation de cette loi ; en outre,
toute mesure prise en lien avec la sécurité, notamment toute
modification des textes de loi relatifs à la citoyenneté, doit
respecter le droit international relatif aux droits humains - en
particulier le principe de non-discrimination.