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mars 2006
Index AI : MDE 15/022/2006
DÉCLARATION PUBLIQUE
Amnesty International appelle les autorités israéliennes à
veiller à ce que tous les Palestiniens détenus après l’assaut
israélien contre la prison de Jéricho, le 14 mars, aient la
possibilité de consulter immédiatement un avocat, de contacter
leurs familles et de recevoir des soins médicaux si leur état le
nécessite ; l’organisation demande également aux autorités
israéliennes de veiller à ce qu’ils soient à l’abri de tout
acte de torture ou mauvais traitement. Les personnes détenues
devraient pouvoir bénéficier des garanties d’une procédure régulière
- en particulier, toute personne qui n’est pas inculpée d’une
infraction dûment reconnue par la loi et jugée dans un délai
raisonnable doit être remise en liberté ; toute personne
inculpée doit être jugée dans un délai raisonnable, dans le
cadre d’une procédure pleinement conforme aux normes
internationales d’équité des procès.
Selon l’armée israélienne, quelque deux cents détenus
palestiniens se trouvaient dans la prison de la ville
cisjordanienne de Jéricho, sous administration de l’Autorité
palestinienne, lorsque les forces israéliennes ont lancé
l’assaut, après le départ des observateurs américains et
britanniques ; aucune vérification indépendante n’a
toutefois pu être effectuée concernant le nombre des détenus.
L’armée a indiqué qu’elle maintiendrait en détention les
prisonniers « recherchés » et libèrerait les
autres.
Parmi les hommes détenus par l’armée israélienne se trouvent
six prisonniers qui étaient, de sources officielles israéliennes,
les cibles de l’opération. Il s’agit de Ahmad Saadat, chef du
Front Populaire de libération de la Palestine (FPLP) et de
quatre membres du FPLP (Majid al Rimawi, Hamdi Qaran, Ahmed Abu
Ghalmiyeh et Basel al Asma), ainsi que d’un responsable du Fatah,
Fouad Choubaki. Tous les six étaient détenus arbitrairement
par l’Autorité palestinienne depuis 2002 et placés sous la
surveillance d’observateurs américains et britanniques.
Ahmad Saadat et ses quatre co-détenus avaient été arrêtés par
l’Autorité palestinienne à la demande d’Israël début 2002,
après le meurtre de l’ancien ministre israélien du tourisme,
Rehevam Zeevi, en octobre 2001. Le FPLP avait revendiqué le
meurtre et déclaré l’avoir commis pour venger l’assassinat,
par les forces israéliennes, du dirigeant du FPLP Abou Ali
Mustafa en août 2001. Fouad Choubaki, arrêté par l’Autorité
palestinienne début 2002, était accusé d’être impliqué dans
un transfert illégal d’armes à destination de la bande de
Gaza, en janvier 2002, l’affaire « Karine A ».
Ahmad Saadat et Fouad Choubaki n’ont été inculpés ni l’un
ni l’autre, à aucun moment, d’une quelconque infraction par
l’Autorité palestinienne, ni l’un ni l’autre n’a été
jugé. En 2003, la Cour suprême palestinienne avait ordonné leur
remise en liberté, mais l’Autorité palestinienne avait choisi
d’ignorer la décision et les avait maintenus en détention sans
inculpation ni jugement. Les quatre membres du FPLP avaient, eux,
été jugés par un tribunal militaire spécial , convoqué à la
hâte en 2002 par le président Yasser Arafat, décédé depuis ;
les bureaux de la présidence palestinienne étaient alors assiégés
par l’armée israélienne. Les quatre hommes avaient été déclarés
coupables de participation au meurtre de Rehavam Zeevi et condamnés
à des peines allant de un à dix-huit ans d’emprisonnement.
Le procès de ces quatre hommes, mené en violation des
dispositions les plus élémentaires des normes internationalement
reconnues d’équité des procès, s’inscrivait dans le cadre
d’un arrangement politique visant à obtenir la fin du siège
des bureaux du défunt président Arafat par l’armée israélienne.
Un accord fut conclu entre l’Autorité palestinienne, Israël,
le Royaume-Uni et les Etats-Unis, aux termes duquel les six hommes
seraient détenus à la prison de l’Autorité palestinienne à Jéricho
sous la surveillance d’observateurs américains et britanniques.
Après l’annonce de cet accord, des délégués d’Amnesty
International s’étaient rendus à la prison de Jéricho fin
avril 2002 pour rencontrer les détenus. L’organisation a fait
part à de nombreuses reprises à l’Autorité palestinienne de
sa préoccupation face à ces détentions arbitraires, demandant
que Ahmad Saadat et Fouad Choubaki soient jugés dans les
meilleurs délais ou remis en liberté et que les quatre autres
prisonniers membres du FPLP soient re-jugés, lors de procès
pleinement conformes aux normes internationales d’équité des
procès. Des responsables palestiniens ont déclaré à Amnesty
International, en réponse à ses appels, qu’ils étaient obligés
de maintenir les six hommes en détention, Israël ayant juré de
les assassiner s’ils étaient remis en liberté.
Amnesty International a également fait part de ses préoccupations
aux gouvernements britannique et américain concernant leur rôle
de surveillance vis-à-vis de prisonniers maintenus en détention
en dehors de tout cadre légal, en violation des dispositions des
traités internationaux relatifs aux droits humains ratifiés par
le Royaume-Uni et les Etats-Unis - notamment les articles 9 et 14
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(PIDCP) garantissant les droits à la liberté et à un procès équitable
et interdisant la détention arbitraire.
Après avoir contribué, quatre années durant, à perpétrer ces
violations, le Royaume-Uni et les États-Unis ont retiré leurs
observateurs de la prison de Jéricho le 14 mars au matin,
quelques minutes avant l’assaut israélien. Amnesty
International demande aujourd’hui instamment aux gouvernements
britannique et américain de veiller à ce que les autorités israéliennes
respectent les droits de tous les prisonniers capturés à la
prison de Jéricho par l’armée israélienne ;
l’organisation leur demande également instamment de s’assurer
que les personnes inculpées d’une infraction dûment reconnue
par la loi seront jugées dans des délais raisonnables, dans le
cadre d’une procédure pleinement conforme aux normes
internationales d’équité des procès, et de veiller à ce que
les autres personnes soient remises en liberté sans plus
attendre.
Amnesty International est également très préoccupée par
l’enlèvement, par des groupes armés palestiniens, d’une
dizaine de journalistes et travailleurs humanitaires étrangers
dans différentes zones de Cisjordanie et de la bande de Gaza le
14 mars.
Les groupes armés, notamment la branche armée du FPLP, ont accusé
le Royaume-Uni et les Etats-Unis d’avoir coordonné leur action
avec les forces israéliennes en retirant leurs observateurs de la
prison de Jéricho quelques minutes avant l’assaut des forces
israéliennes ; ils ont averti tous les ressortissants
britanniques et américains de quitter la zone ou de prendre le
risque de représailles. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont réfuté
ces allégations.
Parmi les personnes enlevées figuraient des ressortissants d’Australie,
du Canada, de Corée, des États-Unis, de France, de Pologne et de
Suisse. Tous ont été libérés sains et saufs quelques heures
après leur enlèvement ou le lendemain.
Au cours de l’année passée, des groupes armés palestiniens
ont enlevé de très nombreuses personnes, des Palestiniens pour
la plupart, apparemment dans le but d’attirer l’attention de
l’Autorité palestinienne sur leurs exigences disparates, allant
de la demande d’emploi à la demande de remise en liberté de
parents ou d’amis détenus. Toutes les personnes enlevées ont
été relâchées saines et sauves quelques heures ou quelques
jours après leur enlèvement.
Des groupes armés palestiniens, notamment ceux liés au parti du Fatah,
ont aussi enlevé d’autres Palestiniens, supposés avoir « collaboré »
avec les forces israéliennes et aidé à l’assassinat ou à la
capture d’autres Palestiniens par Israël. Certains de ces
otages ont été tués, d’autres ont été torturés, maltraités
et menacés de mort.
Amnesty International condamne sans réserve de telles pratiques
et renouvelle son appel aux groupes armés palestiniens pour
qu’ils mettent immédiatement un terme aux enlèvements et
attentats contre des civils. L’organisation appelle une nouvelle
fois l’Autorité palestinienne à prendre toutes les mesures
possibles pour faire cesser et empêcher les enlèvements et
autres attaques délibérées de civils par des groupes armés.
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