Lundi 8 février 2010
Amnesty International demande au président afghan Hamid
Karzaï et au Parlement afghan de suspendre immédiatement la
loi controversée qui accordera l’immunité judiciaire aux
auteurs de graves atteintes aux droits humains, y compris de
crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, commises au
cours des 30 dernières années.
Ce projet de loi sur la réconciliation nationale et la
stabilité a été adopté par les deux chambres du Parlement
afghan début 2007 et publié au Bulletin officiel en novembre
2008. Toutefois, chose surprenante, il a fallu attendre
janvier 2010 pour qu’il soit révélé publiquement.
Amnesty International et d’autres organisations de défense
des droits humains, dont la Commission indépendante des
droits de l'homme en Afghanistan, estiment que cette loi
relève d’une volonté d’offrir une couverture légale à
l’impunité dont jouissent les auteurs présumés d’atteintes
aux droits humains, y compris les talibans.
« Les partisans de cette " loi de l’impunité " doivent
comprendre qu’ils ne peuvent pas simplement effacer à coups
de textes de loi les violations flagrantes des libertés
fondamentales et les crimes de guerre dont l’Afghanistan a
été le théâtre ces 30 dernières années. Ils ne peuvent pas
non plus passer sous silence les demandes persistantes du
peuple afghan en faveur de la justice et de l’obligation de
rendre des comptes, a indiqué Sam Zarifi, directeur du
programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.
« De réels doutes planent sur la validité juridique de cette
" loi de l’impunité ", car aucun texte de loi national ne
peut accorder l’impunité aux auteurs de crimes relevant du
droit international. En outre, le président Hamid Karzaï ne
l’a jamais signée et la population n’a appris son existence
que près de deux ans après son adoption par le Parlement. »
Aux termes de cette loi, les personnes ayant perpétré de
graves atteintes aux droits humains et violations des lois
de la guerre, notamment des massacres, des disparitions
forcées généralisées et des actes de torture, des viols, des
exécutions publiques et d’autres formes de mauvais
traitements systématiques, seraient exemptées de poursuites
pénales si elles s’engageaient à coopérer avec le
gouvernement afghan.
« Le bilan des huit dernières années est limpide : les
tentatives visant à s’arranger avec les auteurs de
violations des droits humains n’ont fait que détériorer
davantage la situation en matière de sécurité et saper la
légitimité du gouvernement. Nombre des personnes accusées
d’avoir bafoué les droits fondamentaux par le passé occupent
aujourd’hui de hautes fonctions au sein du gouvernement et
sont confrontées à de nouvelles inculpations pour avoir
foulé aux pieds les droits humains », a déclaré Sam Zarifi.
Aux termes de cette loi, les chefs talibans qui acceptent de
coopérer avec le gouvernement afghan seraient eux aussi
exemptés de toute poursuite. Le gouvernement afghan et ses
soutiens internationaux ont fait de la réconciliation avec
les talibans une priorité lors de la conférence de Londres
en janvier 2010.
« Les considérations à court terme visant la réconciliation
avec les talibans ne doivent pas l’emporter sur les droits
des Afghans, et notamment des femmes et des jeunes filles,
qui ont beaucoup souffert sous le régime restrictif et
répressif des talibans. Leur bilan en matière de droits
humains est consternant, non seulement lorsqu’ils détenaient
les rênes du pouvoir en Afghanistan, mais aussi dans les
régions qu’ils contrôlent actuellement. Ils doivent répondre
de leurs actes, au lieu de se voir accorder l’impunité, a
conclu Sam Zarifi.
« Le peuple afghan a fait savoir à de multiples reprises
qu’il appelle de ses vœux un gouvernement capable de
protéger ses droits fondamentaux et de faire respecter
l’état de droit. Cette loi se résume à une tentative
d’entraver le cours de la justice, sous le faux prétexte
d’apporter la sécurité. »
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