2 août 2006 Amnesty International
est très préoccupée par l¹incapacité du Conseil de sécurité
à faire cesser les violations flagrantes du droit international
humanitaire commises par les deux parties au conflit libano-israélien.
Ce conflit fait payer un lourd tribut à de nombreux civils des deux
côtés de la
frontière. Le Conseil doit immédiatement prendre des mesures pour
protéger les populations civiles de ces deux pays.
L¹attaque dévastatrice lancée sur Cana (Sud-Liban) le 30 juillet
2006, et dont les victimes étaient en majorité des enfants, est
caractéristique de la manière dont ce conflit a été mené pour l¹heure.
Israël n¹a pas pris les mesures nécessaires à la protection des
civils. Ce pays a lancé des attaques disproportionnées qui ont
fait de nombreux morts et blessés parmi la population civile. Par
ailleurs, l¹armée israélienne a directement visé des objectifs
civils (routes, ponts et centrales
électriques). Concernant l¹attaque de Cana, les autorités israéliennes
ont déclaré que le Hezbollah avait utilisé des civils comme
boucliers humains.
Cette tactique est expressément interdite par le droit
international humanitaire. Toutefois, Israël n¹a pas fourni d¹éléments
susceptibles d¹étayer ces allégations. En outre, une telle
violation du droit international humanitaire par le Hezbollah n¹aurait
pas dispensé le gouvernement israélien de ses obligations légales
en matière de protection des civils, ces obligations passant par
une observation stricte du principe de proportionnalité pour le
recours à la force. De son côté, le Hezbollah tire des roquettes
contre les villes et autres agglomérations d¹Israël, et bafoue
ainsi l¹interdiction concernant les attaques directes contre les
populations civiles.
Dans ce contexte où les crimes de guerre deviennent chaque jour de
plus en plus manifestes, Amnesty International soutient la position
du Haut-Commissariat aux droits de l¹homme, qui indique que le
droit international est indissociable de l¹obligation de rendre des
comptes et
prévoit l¹application de la responsabilité pénale individuelle,
notamment pour les personnes en position de direction et de
commandement. Amnesty International trouve particulièrement
troublant que le projet de résolution circulant parmi les membres
du Conseil ne mentionne pas la nécessité qu¹ont les deux parties
au conflit de respecter leurs devoirs au regard du droit
international, ni le caractère impératif de l¹obligation de
rendre des comptes. Ces points doivent apparaître dans la résolution
que le Conseil se prépare à adopter. Le Conseil doit également
exiger que les deux parties au conflit prennent immédiatement
toutes les mesures qui s¹imposent pour protéger efficacement les
populations et les infrastructures civiles, en respectant intégralement
les principes d¹immunité des civils, de distinction et de
proportionnalité dans le recours à la force.
Amnesty International prend acte des déclarations d¹Israël, qui a
annoncé des enquêtes sur les morts de civils imputables aux forces
israéliennes à Cana. Nous trouvons en revanche très décevant qu¹aucune
enquête n¹ait été annoncée concernant les autres opérations
ayant fait des victimes civiles. Amnesty International demande qu¹une
enquête approfondie, indépendante et
impartiale soit menée pour clarifier les faits relatifs à toutes
les graves allégations de violations du droit international
humanitaire commises par Israël et le Hezbollah dans ce conflit. La
Commission internationale humanitaire d'établissement des faits, établie
en vertu de l¹article 90 du protocole additionnel I aux Conventions
de Genève de 1949, pourrait être chargée d¹une telle enquête.
En adoptant la résolution A/RES/55/148, l¹Assemblée générale a
souligné « qu¹en cas de conflit armé, il peut être fait appel
à la Commission internationale d¹établissement des faits en
application de l¹article 90 du Protocole I » et rappelé que « s¹il
y a lieu, la Commission peut faciliter, en prêtant ses bons
offices, le retour à l¹observation des dispositions des
Conventions de Genève et du Protocole ». Amnesty International se
félicite que le projet de résolution prévoie un appel à une
cessation immédiate des hostilités et reconnaisse la nécessité
de créer les conditions requises pour un cessez-le-feu permanent et
une solution durable à la crise actuelle. Notre organisation
demande pour sa part un cessez-le-feu immédiat, complet et
effectif, afin de protéger les civils des deux côtés du conflit.
Amnesty International exhorte le Conseil de sécurité a retenir des
dispositions très fermes à cette fin dans la résolution qui sera
adoptée. Par ailleurs, notre organisation demande au Conseil de sécurité
d¹adopter sans retard une résolution qui :
· appelle les parties au conflit à
respecter immédiatement leurs obligations au regard du droit
international humanitaire, ainsi que les principes de la distinction
et de la proportionnalité dans le recours à la force ;
· appelle Israël et le Liban a
reconnaître immédiatement la compétence de la Commission
internationale humanitaire d'établissement des faits, établie en
vertu de l¹article 90 du protocole I aux Conventions de Genève,
pour mener des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales
sur les graves allégations de violations du droit international
humanitaire, comme à Cana, et à inviter cette Commission sur leurs
territoires ;
· appeler tous les États à exercer
leur juridiction sur les personnes soupçonnées, dans le conflit
visé, de crimes de guerre et d¹autres crimes au regard du droit
international, afin de garantir l¹obligation individuelle de rendre
des comptes ;
· appeler les parties au conflit à
autoriser un accès humanitaire immédiat et sans restriction aux
civils, et à garantir que ces derniers puissent quitter sans risque
et librement les zones d¹opérations militaires. La communauté
internationale doit par ailleurs aider les Nations unies à
créer les conditions permettant de protéger et d¹aider toutes les
personnes déplacées par le conflit.
Amnesty International vous remercie de l¹attention que vous prêterez
à ces questions.
Je vous prie d¹agréer l¹assurance de ma très haute considération.
Irene Khan
Secrétaire générale
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