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Palestine - Solidarité

 

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COLLECTIF DE MILITANTS DU MOUVEMENT DE SOLIDARITE
AVEC LE PEUPLE PALESTINE
(Liège)

Deux Etats ou un Etat en Palestine ?

Contribution au débat au sein du mouvement de solidarité

Liège, septembre 2008

Premières conclusions

Résumons en le complétant ce qui ressort de la critique des arguments des tenants de la solution à deux Etats.

Premièrement, cette solution ne résout fondamentalement aucun des problèmes créés par l’entreprise sioniste de colonisation de la Palestine : racisme et discrimination à l’intérieur de l’Etat sioniste ; occupation en Cisjordanie et à Gaz ; réfugiés un peu partout. Signalons au passage qu’elle ne résout pas non plus les problèmes que cette même entreprise a créé côté juif : entretien du sentiment de supériorité raciale, cruauté morale à l’égard des Palestiniens, guerre perpétuelle pour maintenir par la force la survie du projet sioniste et intégration forcée au projet impérialiste d’hégémonie dans la région : tous éléments qui entretiennent l’animosité envers les Juifs sans distinction – ce qui est assurément à l’opposé du « lieu sûr pour les Juifs » que le sionisme leur avait vendu.

Deuxièmement, les promoteurs de la solution à deux Etats font entièrement dépendre le sort du peuple palestinien de la bonne volonté de ceux qui l’oppriment et de leurs alliés. Tous leurs efforts intellectuels se réduisent aux spéculations sur les résultats des élections aux Etats-Unis, en « Israël », en Grande Bretagne ou en France – parce que leur mince marge de manœuvre dépend de tels résultats. Prisonniers de ce cadre, ils en viennent à considérer comme un perturbateur à réprimer quiconque (utilisant des formes directes de lutte) conforterait la mauvaise volonté de ceux dont dépend la solution à deux Etats (l’Europe et les Etats-Unis). L’exemple qui suit montre parfaitement à la fois l’impuissance de ces dirigeants face aux occupants et leur dépendance à l’égard du gouvernement des Etats-Unis. Fin juillet 2008, le gouvernement sioniste a donné son accord pour la construction d’une nouvelle colonie en Cisjordanie. En réaction, Saeb Erekat, le principal négociateur palestinien, a déclaré : « Cette décision détruit le processus de la solution de deux Etats. J’espère que les Américains obtiendront des Israéliens qu’ils reviennent sur cette décision. » [souligné par nous] [1] 

Troisièmement, corollaire du point précédent, les promoteurs de la solution à deux Etats ont en fait renoncé à lutter concrètement pour la libération de la Palestine historique. Les militants sont devenus des fonctionnaires privilégiés, les éléments armés sont devenus une police répressive exclusivement dirigée contre les Palestiniens, les organisations de base qui devraient soutenir l’effort de résistance sont devenues des ONG tenues en laisse par les financements européens, américains ou des régimes arabes alliés.

Quatrièmement, la solution à deux Etats n’est pas en phase avec ce qui se passe sur le terrain, avec la conjoncture politique dont voici en bref les principaux aspects :

 

Côté résistance

 

La longue résistance - tantôt en profondeur, tantôt directe - du peuple palestinien à sa spoliation n’a jamais cessé. Quelques moments forts : 

- avant 1948 : la grande révolte de 1920 orientée aussi bien contre l’avancée des sionistes que contre l’occupation britannique ; la révolte paysanne de 1935, la grève générale de 1936 (d'avril à octobre) ; le grand soulèvement populaire et armé de 1936-39 (dont la répression terrible a été menée conjointement par l'armée britannique et les milices sionistes) ; la grève générale de décembre 1947 et la résistance armée à l’expulsion dans les années suivantes.

- Depuis 1948 : les activités de résistance variées surtout à partir de 1964 (sabotages, actions de commandos contre des colonies ou des soldats, détournements d'avion…) ; Le soulèvement armé à Gaza en 1971 (réprimé avec une férocité inouïe par Sharon, alors chef d'Etat-major) ; le soulèvement général de Gaza en mai-juin 1979 ; la grève générale et les grandes manifestations de mars-avril 1982 ; la première intifada de 1987 à 1993 ; la deuxième intifada en 2000…

C’est grâce à cette résistance - c'est un élément qu'il ne faut jamais oublier - que le peuple palestinien a recommencé à exister comme tel, qu'il a suscité la sympathie et la solidarité croissante des autres peuples, qu'il s’est relativement libéré de la tutelle des régimes arabes,  que la cohésion interne des sionistes a commencé à s’effriter et que le soutien extérieur des puissances occidentales à ces derniers a commencé à perdre un peu de son caractère inconditionnel.

 

Côté domination sioniste.

 

En 1947, les sionistes ne possédaient que 6% des terres de la Palestine. Grâce au Partage de l’ONU, ils en obtiennent plus de 55%. Par la force des armes, ils vont finir par mettre la main sur plus de 78% durant les deux années suivantes. En 1967, ils s’emparent du reste de la Palestine, occupent le Sinaï égyptien et conquièrent le Golan syrien qu’ils annexent sans autre forme de procès. En 1982, ils envahissent le Liban et s’emparent d’une frange du Sud. Ils sont alors au sommet de leur puissance militaire (armée sur-équipée et performante, arme atomique) et de leur puissance politique (ferme soutien américain et européen, bonne cohésion interne).

Mais c’est aussi à partir de cette période que commencent les reculs. Le recul territorial d'abord : évacuation du Sinaï en 1978, évacuation du Sud Liban en 2000, évacuation des colonies de Gaza en 2005.

Le recul du soutien extérieur ensuite : c'est après 1982 qu'ont commencé les réticences, très limitées mais manifestes, des gouvernements européens. On en a eu des exemples récents dans le vote des 25 pays européens de la résolution contre la construction du « Mur » en juillet 2004, dans la suppression des exemptions douanières pour les produits « israéliens » venant de Cisjordanie ou de Gaza. D’autre part, et surtout, le soutien, jusqu’il y a peu inconditionnel des Etats-Unis, a commencé à être nuancé. On l’a vu en particulier quand ils n’ont pas utilisé le veto pour s’opposer à la résolution du Conseil de sécurité condamnant les exactions de l’armée sioniste à Rafah en 2004 ou récemment dans leur embarras par rapport à la poursuite de la construction des colonies en Cisjordanie. Parallèlement, les sionistes ont très largement perdu le soutien de larges franges de l’opinion « occidentale » de plus en plus sensible à la souffrance du peuple palestinien et de moins en moins intimidée par le chantage à l’anti-sémitisme : manifestations massives de soutien dans les capitales européennes, missions civiles internationales, rapports très critiques des ONG sur le terrain, etc... Résultat : jamais l’Etat sioniste n’a été aussi discrédité.

Le recul de la cohésion interne enfin. Cette cohésion a commencé à s'éffriter : apparition au sein de l'entité sioniste de segments qui ont commencé à se détacher du projet sioniste, principalement sous la forme de la revendication de plus en plus insistante de l’évacuation des territoires occupés et de l’exigence d’égalité ; au sein de l'armée, mouvements de dissidence (objection de conscience et refus de servir dans les territoires occupés, désertions) ; chez les civils, la multiplication des associations opposées à l’occupation (Comité des Juifs contre les démolitions de maisons palestiniennes, Bloc de la Paix, Rabbins pour les droits de l’homme, l’ONG B’Tselem, les comités de surveillance des soldats aux barrages de contrôle, le Centre d’Information Alternative, etc…) ; développement parallèle, entre Juifs et non-Juifs, de formes partagées de lutte et de solidarité, comme les associations militantes communes, les manifestations contre les destructions de maisons ou la poursuite de la construction du « Mur », etc… - et ce qui compte ce n’est pas tant leur force ou leur impact actuels que leur émergence même[2] .

 

Au lieu d'offrir des perspectives à ces nouvelles tendances (développement de la résistance de masse palestinienne et luttes communes entre Palestiniens et Juifs), la solution à deux Etats leur tourne le dos ; au lieu d'aller dans le sens de l'égalité entre tous les habitants pour une Palestine nouvelle, elle revient à une sorte de « nettoyage ethnique mutuel » ; au lieu d'approfondir l'isolement et l'affaiblissement politique du sionisme, elle lui donne l'occasion d'obtenir un répit, de trouver une issue provisoire à sa crise.

Pour finir, dégageons brièvement la signification politique de la solution à deux Etats. Dans le contexte actuel de la lutte pour la libération de la Palestine, cette solution reflète en effet un positionnement particulier par rapport à cette lutte.

Pour une partie des dirigeants palestiniens, il s’agit fondamentalement de trouver une voie qui évite la mobilisation des masses palestiniennes et permette par des négociations en coulisses la satisfaction des aspirations économiques de l’élite sociale dont une partie des intérêts peut s’accommoder de la domination sioniste.  

Pour une frange des militants du mouvement de solidarité, il s’agit principalement de contenir ce mouvement dans un cadre qui permette la survie d’Israël comme « Etat juif ». Ils sont d’ailleurs souvent liés à des partis qui ne remettent pas en question la légitimité du sionisme, qui ne voient pas son caractère oppressif non seulement pour les Palestiniens, mais aussi pour les Juifs.

 

[1] Voir Le Soir  du 25 juillet 2008.

 

[2]  Sur un exemple de luttes communes, celles suscitées par la résistance à la construction du Mur dans les villages de Mas'ha, Budrus, Biddu..., on lira avec intérêt les pp. 193- 239 de Tanya Reinhart, L'héritage de Sharon. Détruire la Palestine, suite, Paris, La Fabrique, 2006. Voir en particulier les pages consacréés à la lutte - longue, tenace et partiellement victorieuse - autour des villageois de Bil’in « nettoyés » par le Mur (qui les sépare de leurs champs et vergers). Il est important de signaler ici qu'aucune de ces luttes n'a reçu le moindre soutien de « l'Autorité palestienne ». L'une des raisons les plus interpellantes : le « premier ministre » palestinien de l'époque était également propriétaire de cimenteries que les commandes de la construction du Mur faisaient prospérer.

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Source : Anne-Marie El Najjar-Ghizzi


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