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Boycott

Tariq Ali :
« Pourquoi je ne participerai pas à la Foire du livre de Turin»


Tariq Ali

5 février 2008

Nous avons annoncé en décembre dernier le refus du poète Aharon Shabtai de participer au prochain Salon du Livre, qui se tiendra à Paris du 14 au 19 mars prochain, et qui a choisi Israël comme "invité d’honneur", à l’occasion de "l’anniversaire de ses 60 ans d’existence". Cette opération de propagande pour un pays qui multiplie les crimes de guerre, affame tout un peuple et le martyrise depuis des décennies, suscite un émoi apparemment plus important en Italie, où la même opération est programmée à Turin au printemps. Le boycott s’organise, et plusieurs personnalités de renommée internationale expliquent sa nécessité. Ci-dessous la position de l’écrivain britannique, Tariq Ali.

Quand j’ai donné mon accord pour participer à la Foire du Livre du Turin, ce que j’avais déjà fait dans le passé, je n‘imaginais pas que « l’invité d’honneur » serait Israël et son soixantième anniversaire. Mais c’est aussi le soixantième anniversaire de ce que les Palestiniens nomment la « Nakba », la castrophe, qui leur est tombée dessus cette année-là, quand ils ont été expulsés de leurs villages, que certains ont été tués, que des femmes ont été violées par les colons. Des faits que plus personne ne conteste.

Aussi pourquoi la Foire du Livre de Turin n’invite-t-elle pas 30 écrivains israéliens et 30 écrivains palestiniens - (et je vous assure qu’ils existent et qu’ils sont de très grands poètes et de très grands romanciers) ? Ceciaurait été compris comme un geste positif et pacifique, et un débat positif aurait pu y trouver sa place, un peu comme une version littéraire du « Diwan » (l’orchestre) de Daniel Barenboim, mi-israélien, mi palestinien.

Un geste de ce type aurait rapproché les peuple. Mais non, les commissaires culturels savent mieux. Il m’est arrivé en d’autres occasions de discuter âprement avec des écrivains israéliens qui visitaient la foire et je l’aurais fait avec plaisir une fois encore si les conditions avaient été différentes.

Ce qu’ils ont décidé de faire est une provocation ignoble.

Il apparaît que la culture est de plus en plus liée aux priorités politiques du réseau Etats-Unis/Union européenne. L’Occident est aveugle aux souffrances palestiniennes. La guerre israélienne contre le Liban, les rapports quotidiens en provenance du ghetto de Gaza n’émeuvent pas l’Europe des fonctionnaires. En France, nous le savons, il est pratiquement impossible de critiquer Israël. En Allemagne aussi, pour des raisons particulières. Ce serait triste si l’Italie prenait le même chemin. Combien de fois avons-nous souligné que critiquer la politique coloniale d’Israël n’a rien d’antisémite.

Accepter cela signifierait devenir les victimes consentantes du chantage que l’establishment israélien utilise pour réduire au silence les critiques. Il y a de courageux critiques israéliens comme Aharon Shabtai, Amira Hass, Yitzhak Laor et d’autres, qui ne permettront pas que leurs voix soient étouffées de cette manière. Shabtai a refusé d’assister à cette foire.

Comment pourrai-je faire autrement ?

C’est une chose que de soutenir le droit d’Israël à l’existence, ce que je fais et que j’ai toujours fait. Mais de là à extrapoler que ce droit à exister signifie qu’Israël est doté d’un chèque en blanc pour faire ce qu’ils veut à ceux qu’il a expulsés et qu’il traite comme des sous-hommes, c’est inacceptable.

Personnellement je suis pour un seul Israël/Palestine dans lequel tous les citoyens sont égaux. On me dit que c’est une utopie. Peut-être, mais c’est la seule solution à long terme. En raison des thèmes de mes romans on m’a souvent demandé (et plus récemment à Madison, dans le Wisconsin) s’il serait possible de recréer la meilleure époque, (celle) d’Al-Andalus et Sicile (NdT : (Al-Andalus : l’ensemble des terres de la Péninsule Ibérique sous domination musulmanes au Moyen-Âge) quand trois cultures avaient longtemps coexisté. Ma réponses est toujours la même : le seul endroit aujourd’hui où cela pourrait se recréer c’est en Israël/Palestine.

Nous vivons dans le monde du deux poids deux mesures, mais on n’est pas obligé de l’accepter. On voit parfois des cas où des individus et des groupes auxquels on a fait du mal font du mal en retour. Mais ceci ne justifie pas cela. C’est l’antisémitisme européen qui a toléré le judéocide de la seconde guerre mondiale, et ce sont maintenant les Palestiniens qui en sont devenus les victimes.

Un certain nombre d’Israéliens en sont conscients mais préfèrent ne pas y penser. Beaucoup d’Européens considèrent aujourd’hui les Palestiniens et les Musulmans comme ils regardaient les Juifs dans le passé. Ironie visible dans les commentaires de presse et les reportages télé. Dans pratiquement tous les pays européens. Quel dommage que la bureaucratie de la Foire du Livre de Turin ait décidé de soutenir les nouveaux préjugés qui balaient le continent ! Espérons que cet exemple ne sera pas suivi ailleurs.

Tariq Ali

http://www.counterpunch.org/tariq02052008.html

Traduit par Carole SANDREL
CAPJPO-EuroPalestine



Source : CAPJPO-EuroPalestine
http://www.europalestine.com/...


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