En direct de Gaza
Une journée ordinaire sans eau
et
sans électricité à Gaza
Ziad Medoukh
Lundi 31 juillet 2017
C'est difficile pour moi citoyen
palestinien de Gaza de décrire en deux
ou trois pages la situation actuelle
dans notre région abandonnée. Une
situation catastrophique à tous les
niveaux qui s’est aggravée récemment,
notamment, avec la crise de
l’électricité et ses conséquences dans
tous les secteurs vitaux dans cette
région sous blocus israélien depuis plus
de dix ans.
Mais je vais essayer le plus
succinctement possible de narrer une
partie de mon vécu pendant des jours et
des jours où Gaza était dans le noire
total.
Actuellement, nous
avons le droit à trois ou quatre heures
d’électricité par jour, c’est
insuffisant, mais on n' a pas le choix,
on s’adapte avec cette situation même
insupportable .
Je ne vous cache
pas que, je me demande toujours, ainsi
que tous les Palestiniens de Gaza:
nous sommes nous un peuple anormal pour
supporter cette situation inacceptable
et cette souffrance qui dure et qui dure
, et je me pose souvent les même
questions : pourquoi nous à Gaza ?
Pourquoi le monde officiel ne bouge-t-il
pas? Et jusqu’à quand durera notre
souffrance ?
Nous avons vécu des
journées terribles dans la moitié du
mois de juillet 2017, avec seulement une
ou deux heures d'électricité par jour,
et quelques fois, deux ou trois jours
sans électricité et sans eau.
La crise a commencé
en avril dernier, avec la décision
israélienne de réduire la quantité
d'électricité qui entre la bande de
Gaza. Nous sommes passés de huit heures
à quatre heures par jour, puis deux
heures dès le début du mois de juillet.
Cette crise nous
rappelle les événements tragiques de
l'été 2014 vécus par la population
civile de Gaza, même sans bombardements
et sans bombes.
Ce qui aggrave
notre souffrance c'est ce silence
complice du monde officiel , la chape de
silence que les médias entretiennent, et
l'indifférence totale des organisations
des droits de l'homme qui n'arrivent pas
à condamner cette ignominie.
C'est vrai, notre
volonté remarquable et notre patience
extraordinaire, mais surtout notre
adaptation avec ce contexte très
difficile est un aspect très positif qui
nous aide à supporter cette souffrance.
Mais notre situation est de plus en plus
délicate dans la bande de Gaza, une
région occultée et laissée à son sort
par une communauté internationale
officielle sourde à nos souffrances!
Pour moi, dans ce
contexte particulier, et comme deux
millions de Palestiniens, nous avons
vécu des jours et des jours très longs
sans eau et sans électricité. J’essaie
de faire mon devoir, d’envoyer des
nouvelles au monde francophone, je
résiste par les témoignages et le
partage de notre vécu, même si difficile
de répondre à tous les messages qui
proviennent de beaucoup d'amis et de
solidaires, car je tiens beaucoup à la
solidarité internationale et le soutien
indéfectible de ces solidaires de bonne
volonté.
Pendant ces jours
terribles, nous étions tous à Gaza sous
pression, personnellement, je passais
davantage de temps à mon travail à
l’université. Car elle dispose d’un
générateur, et durant ce temps, j’étais
obligé de faire toutes les tâches de mon
travail ,car chez moi, la batterie
rechargeable a besoin de huit heures
minimum par jour pour fonctionner. Mais
avec deux heures, elle tombe souvent en
panne, et pour la réparer ou en acheter
une autre, qu'il faut charger, on a
besoin de huit heures par jour.
Parmi les
conséquences graves de cette crise,
c’est le secteur de l’eau qui a été le
plus touché. Ici tous les puits d'eau
ont besoin d'un courant électrique pour
remplir nos réservoirs qui se trouvent
sur le toit de nos maisons. Pour que
l'eau arrive dans les robinets à partir
des réservoirs, on a besoin
d'électricité. Le problème étant que
parfois, même pendant le retour du
courant électrique, l’eau était coupée!
Il nous est arrivé
de rester plus de trois jours sans eau,
inimaginable! Dans ce cas, on était
obligé d'acheter de l’eau potable pour
l’utilisation quotidienne. Auparavant,
on achetait l’eau potable pour boire,
car l’eau du robinet dans tous les
foyers de Gaza n’est pas potable
On est obligé à
s'adapter avec cette nouvelle situation,
et il y a eu un changement dans les
habitudes: par exemple on achète la
nourriture au jour le jour, et on ne met
rien dans les réfrigérateurs , souvent
vides, on a envie de boire de l'eau
fraîche avec cette vague de
chaleur......mais en vain!
On ne dort pas
assez, il fait très chaud, les
ventilateurs et les climatiseurs ont
besoin d’électricité pour fonctionner,
tout est paralysé à Gaza.
Vous n'imaginez pas
la joie de toute la famille, quand
revient le courant électrique à
n’importe quel moment du jour ou de la
nuit. A n'importe quel moment, le retour
du courant est une fête, tout le monde
se réveille, soit pour faire fonctionner
les appareils électroménagers, pour
charger les portables, soit suivre
les nouvelles, utiliser internet et les
réseau sociaux! Dans notre contexte
d’isolement, nous voulons garder
le contact avec le monde!
Quand le courant
électrique revient, à n’importe quel
moment de la journée, le matin, le soir,
à l’aube, même à 2h ou 3h du matin, un
état d’urgence est décrété chez moi:
personne dans la maison n’a le droit de
me parler ou de me demander quoi que ce
soit. La priorité est d’envoyer les
nouvelles de Gaza aux amis solidaires et
aux associations de soutien à la cause
palestinienne. J’ai dû laissé
tomber beaucoup d’obligations
familiales, car je suis convaincu de
l’importance de cette solidarité
internationale. Je veux informer sur
notre quotidien ,je n’avais pas le temps
de m’occuper de mes enfants et de ma
famille, ils n'osent pas me parler quand
l'électricité revient!
J'ai de la peine
pour mes enfants, les pauvres, ils ne
vivent pas une vie normale. Pas de
loisir, pas de vacances, ni de plage. La
plupart des journées, ils sont dans
leurs maisons ou devant leurs immeubles
pour jouer et passer le temps. Bien que
leur vacances scolaires aient commencé
depuis deux mois, nous n'avons passé
aucun jour sur la plage à cause de la
pollution de la mer à Gaza.
Un aspect
remarquable, est la solidarité familiale
et sociale, les voisins s'entraident
énormément pour fournir de l'eau, ou
recharger les lampes pour les autres.
Le problème dans ce
contexte : vous ne pouvez rien faire
devant cette injustice, notre
impuissance devant de telles
souffrances, nous n’avons pas d’autre
choix que de supporter et de résister en
attendant un changement.
Le sentiment de
l'enfermement et de l’isolement est un
sentiment terrible! Et les Palestiniens
de Gaza sont les mieux placés pour
sentir ce sentiment , eux les enfermés
dans leur prison à ciel ouvert depuis
plusieurs années.
Le seul responsable
de notre souffrance est l’occupation
israélienne qui vise à briser la volonté
remarquable et la patience
extraordinaire de cette population
civile de Gaza! Une population
résistante et attachée à sa terre malgré
toutes les mesures atroces de
l’occupation contre la bande de Gaza.
On ne peut pas
accuser les dirigeants palestiniens de
Gaza ou de Ramallah d’avoir un rôle de
responsabilité dans cette crise
d’électricité, même si la division est
une honte, car les deux sont impuissants
et leur pouvoir sous occupation est
illusoire.
Notre contexte est
comme un verre où l’eau se mélange au
sel comme pour donner un sens encore à
l’espérance, qui nous rend forts comme
le roc sur cette terre aux mille et une
meurtrissures.
Les Palestiniens de
Gaza sont privés de liberté sauf de leur
liberté de penser. Leur seul droit est
de respirer l'air souvent pollué par
l'odeur des bombes de l'occupant.
En dépit de notre
vécu tragique pendant cette période où
Gaza a supporté l’insupportable, ce qui
nous soulage est cette mobilisation et
cette solidarité civile et populaire
partout dans le monde avec la population
de Gaza contre le blocus israélien. Nous
sommes quasiment la seule région
dans le monde en souffrance permanente;
pour laquelle les solidaires organisent
des manifestations et des rassemblements
de soutien, ça calme notre colère.
On peut dire
qu’aucun objectif israélien de cette
punition collective n' a été réalisé,
notre population digne est toujours
débout.
Après tout, malgré
toute cette souffrance, mon message est
toujours simple : c’est un message
d’espoir au cœur de la douleur.
Je suis plus que
jamais déterminé à continuer ma
résistance quotidienne dans la bande de
Gaza, comme ma population civile, à
travers l’éducation et le travail avec
mes jeunes pour une ouverture sur le
monde. Avec le soutien des solidaires de
notre cause juste, pour une Palestine de
liberté et de paix durable, une paix qui
passera avant tout par la justice.
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