En direct de Gaza
L'année 2018 pour les Palestiniens de
Gaza
Une grande marche du retour
et une situation catastrophique !
Ziad Medoukh
Dimanche 20 janvier 2019
C'est difficile pour un palestinien de
Gaza de faire un bilan de l'année
précédente dans cette région enfermée et
isolée, une région laissée à son sort
depuis plus de treize ans.
Une nouvelle année qui s'écoule, et une
autre qui commence, mais pour toute une
population civile, une question qui se
répète au début de chaque nouvel an : Où
est le changement ?
Car depuis plus de
treize ans, et à la fin de chaque année,
les habitants de la bande de Gaza
espèrent un changement de leur situation
marquée par la souffrance, le maintien
du blocus israélien inhumain, la
poursuite des attaques israéliennes
contre leur prison à ciel ouvert, et
leur isolement dans une région
abandonnée.
A part un petit
espoir qui raccroche cette population à
la vie et à l'avenir, rien ne semble
avoir changé durant toute l'année 2018
pour plus de deux millions de citoyens,
au contraire, en cette dernière année,
tout est allé de pire en pire. Et je dis
ici un petit espoir, parce que le mot
espoir est devenu un luxe à Gaza.
Oui, c'est
inimaginable que l'on puisse acculer un
peuple tout un peuple à un tel
désespoir.
Le seul événement
en 2018 qui rend les citoyens de Gaza
fiers est la Grande Marche du retour
commencée le 30 mars 2018, et qui entre
dans son dixième mois, en ce mois de
janvier 2019. Une marche qui montre que
seule la mobilisation populaire pourra
défier les forces de l'occupation et
nous permettre d'obtenir nos droits.
Les habitants de la
bande de Gaza ont vécu une situation
dramatique voire chaotique dans leur
prison à tous les niveaux, surtout sur
le plan humanitaire.
Nous avons assisté
en 2018 à une détérioration des
conditions économiques, sociales et
sanitaires dans cette région en
souffrance permanente.
L’année 2018 a
connu la poursuite des événements
tragiques pour les habitants de cette
région enfermée et laissée à son sort,
une région abandonnée par une communauté
internationale officielle complice. Mais
surtout elle n’a connu aucun changement
sur le terrain,
L’année 2018 pour
les habitants de la bande de Gaza, a été
marquée par les événements suivants :
1- La détérioration
du niveau de vie pour les habitants, et
la baisse du pouvoir d'achat, sans
oublier une vraie crise humanitaire et
économique qui a touché tous les
secteurs. Une crise liée au recul
permanent du développement, et à
l'incapacité de l'autorité palestinienne
à payer totalement les salaires de ses
fonctionnaires dans la bande de Gaza.
Le produit
intérieur brut (PIB) a baissé de 1.3 %,
et la capacité de production de
l'économie a continué de s'éroder, avec
un faible taux d'activité.
On est passé, suite
à cette situation catastrophique dans la
bande de Gaza, d’une économie familiale
non-violente à une économie dépendante
de l'occupant, et des organisations
internationales.
2-Le maintien du
blocus israélien inhumain et mortel
imposé de façon illégale par les forces
de l’occupation depuis plus de douze
ans, et la fermeture totale des passages
qui relient la bande de Gaza à
l’extérieur.
Concernant les
passages commerciaux : Actuellement, par
jour, 270 à 320 camions entrent à Gaza
via le seul passage commercial
ouvert cinq jours par semaine. Ce
passage se situe au sud de la bande de
Gaza, mais la moitié de ces camions sont
pour les organisations internationales
et leurs projets de reconstruction
d'écoles et de stations d’eau.
Le problème est que
ce passage se ferme à n'importe quel
moment et sous n'importe quel prétexte,
par décision israélienne, sans prendre
en considération les besoins énormes
d'une population civile en augmentation
permanente.
Gaza n’a droit qu’à
160 produits au lieu de 970 avant le
blocus, quelques produits et médicaments
n’entrent pas, ce qui a aggravé la
situation déjà difficile. Selon les
estimations des organisations
internationales, la bande de Gaza a
besoin de plus de 1300 camions par jour
pour répondre aux besoins énormes de
cette population. Sans oublier la liste
de 120 produits toujours interdits
d’entrer par ordre militaire israélien.
Cette fermeture a
empêché la libre circulation des
importations et des exportations des
biens et produits de Gaza, en
particulier les matières premières et
les produits semi-finis.
Le gouvernement
israélien refuse toujours l’ouverture de
cinq passages qui relient la bande de
Gaza à l'extérieur, et maintient son
blocus sur Gaza.
Concernant les
passages pour la circulation des
personnes, les deux passages qui relient
la bande de Gaza à l'extérieur sont: le
passage de Rafah au sud de la bande de
Gaza, et le passage d’Eretz au nord de
la bande de Gaza, ont connu une faible
ouverture partielle durant l'année 2018,
ce qu'a rendu le déplacement des
palestiniens de Gaza très limité. Le
passage de Rafah a ouvert ses portes
seulement 4 heures par jour en 2018,
tandis que le passage d’Eretz contrôlé
par l’armée israélienne n’est autorisé
qu’à 4 % de la population, surtout les
malades, les hommes d’affaires et
quelques cas humanitaires.
3-La dégradation de
la situation économique et sociale, le
taux de chômage dépasse les 69% de la
population civile selon le bureau
palestinien des statistiques, mais le
phénomène le plus dangereux est la
hausse du chômage chez les jeunes de
moins de 28 ans, qui atteint 77%, en
2018, plus de 60.000 personnes se sont
ajoutées au chômage.
- La pauvreté. 75%
de la population de Gaza vit en dessous
de seuil de pauvreté
-L’augmentation du
nombre de personnes qui dépendent des
organisations humanitaires. 83% des
Palestiniens de Gaza vivent grâce aux
aides alimentaires. Selon les sources du
bureau des Nations-Unies pour les
réfugiés palestiniens –UNRWA- dans la
bande de Gaza, plus de 1.300.000
personnes ont bénéficié du programme de
l’aide alimentaire géré par le bureau en
2018, ce programme a élargi ses services
pour cibler les citoyens et non
seulement les réfugiés.
Sur le plan
économique, la situation ne cesse de
s’aggraver avec les conséquences
dramatiques du blocus et de différentes
agressions qui ont causé l’augmentation
du chômage, et du niveau de pauvreté,
sans oublier l’incapacité de bâtir une
véritable économie dans la bande de
Gaza.
Cette situation
empêche tout développement d'une
économie en faillite qui ne trouve pas
les ressources nécessaires pour sortir
d'une crise qui touche tous les
secteurs.
Pour beaucoup
d’économistes, l’année 2018 est
considérée comme la plus catastrophique
pour l’économie palestinienne depuis 20
ans.
4-La poursuite des
incursions, bombardements et attaques de
l'armée israélienne contre la bande de
Gaza. On compte plus de trois cents
violations israéliennes en 2018 : 150
bombardements, 95 incursions dans
différentes zones frontalières au sud,
au centre, et au nord de la bande de
Gaza, 110 attaques contre les pêcheurs
et leurs bateaux de pêche. Plus de 300
palestiniens ont trouvé la mort à Gaza
suite à ces attaques et bombardements.
5-L'absence d'une
unité nationale et l’échec des efforts
de réconciliation inter palestinienne,
malgré la signature d’un accord qui a
mis fin de la division entre les deux
partis rivaux : le Fatah et le Hamas, ce
qui a aggravé la souffrance des
habitants de la bande de Gaza.
6- La crise
financière grave qui a touché l’UNRWA,
l’agence des Nations-Unies chargée des
réfugiés palestiniens, qui ne parvient
pas à payer ni ses fonctionnaires,
ni continuer à s'occuper de 65% de la
population de Gaza. Cette situation
résulte de la réduction des aides
américaines en premier lieu, après les
menaces du président Trump contre les
Palestiniens.
Cette crise a été
dépassée seulement fin 2018, après des
engagements de quelques pays à continuer
à financer cette organisation
internationale.
7- La pénurie de
l'électricité partout dans la bande de
Gaza, durant toute l'année 2018 , chaque
foyer à Gaza avait droit à 4 à 6 heures
de courant électrique par jour.
Les forces
d’occupation israélienne ont décidé de
réduire la fourniture d’électricité à
cette région sous blocus, afin de faire
pression sur la population civile pour
qu'elle arrête la Marche du retour.
Cette décision
aggrave la crise humanitaire dans une
région en souffrance permanente, et met
en danger les infrastructures sanitaires
et en particulier les hôpitaux.
Cette pénurie
d’électricité avait des conséquences
grave sur tous les secteurs vitaux dans
cette région. Beaucoup d’usines ont été
fermées
Outre ces coupures,
à Gaza, c'est la pénurie d’eau. Tous les
puits municipaux qui approvisionnent les
habitants fonctionnent à partir du
courant électrique.
8-Concernant
l’eau : En 2018, à peine 3% des puits
d'eau potable de Gaza sont propres à la
consommation humaine. Les bombardements
israéliens ont encore touché les
infrastructures comme les aqueducs et
les systèmes d'égout. Sans oublier un
aquifère de qualité médiocre qui fait
que 97% des puits d'eau potable à Gaza
sont en dessous des normes minimales de
santé pour la consommation humaine.
L'eau
à Gaza est devenue rare et contaminée.
Et avoir une eau potable saine et propre
est devenue rare pour les habitants.
Les dommages causés
aux canalisations d’eau et
d’assainissement ont été immenses En
décembre 2018, plus de la moitié des
palestiniens de Gaza n’avait plus aucun
accès à l’eau.
Cette catastrophe
de l'eau et du traitement des eaux usées
a causé une forte augmentation de
maladies d'origine hydrique et
alimentaire.
Une étude récente
en 2018 a révélé que la mauvaise qualité
de l'eau était une des principales
causes de mortalité infantile à Gaza.
9- Le déclenchement
de la Grande Marche du retour : un
soulèvement populaire, pacifique et
non-violent commencé le 30 mars 2018 sur
les frontières de la bande de Gaza pour
défier les soldats israéliens qui se
trouvent d'une façon illégale dans des
zones appartenant aux palestiniens.
Une marche initiée
par la société civile, qui se poursuit
jusqu'à nos jours avec une détermination
pour la levée du blocus israélien, et
cela malgré un bilan très lourd côté
palestinien : plus de 270 morts dont 50
enfants moins de 16 ans, et plus de
25.000 blessés parmi eux 150 amputés.
A part cette grande
Marche du retour, il n'a eu aucun
changement dans le quotidien de plus de
deux millions de citoyens, rien ne
change, rien ne bouge, la vie est
presque paralysée pour cette population
civile. Et cela dure depuis longtemps,
sans aucune réaction nationale,
régionale ou internationale. Les
habitants de Gaza vivent le jour au
jour, ils essayent de s’adapter, de
tenir bon, mais surtout d’exister.
L’aspect le plus
grave de toute cette situation difficile
des habitants de la bande de Gaza et qui
marque l’esprit de la majorité des
habitants, c’est l’absence de
perspectives pour ces gens qui ne voient
aucun changement, qui constatent que les
choses n’avancent pas, ne bougent pas, à
tous les niveaux : réconciliation, fin
de division, amélioration de leur
condition de vie, ouverture des
passages, levée du blocus, fin
d’occupation ; sentiment horrible qui va
influencer l’avenir de cette génération,
surtout celle des jeunes, qui commencent
à perdre espoir en un avenir immédiat
meilleur.
Au début de cette
nouvelle année, des questions qui se
posent :
Jusqu’à quand ce
blocus israélien inhumain contre la
population civile de la bande de Gaza ?
Jusqu’à quand la
souffrance des Palestiniens de Gaza ?
Jusqu’à quand
l'impunité de cet état d'apartheid ?
Jusqu’à
quand le silence international
officiel ?
Et jusqu’à quand
cette injustice ?
La population
civile se bat quotidiennement pour
survivre, digne sur sa terre.
La situation
stagne, rien ne bouge et les gens, sur
place, attendent et attendent. Ils
attendent une ouverture, ils attendent
la levée de ce blocus inhumain, ils
attendent une vraie réaction
internationale afin de mettre fin à
l’impunité de cette occupation illégale,
ils n’ont pas d'autre choix que
d’attendre, ils attendent avec un
courage et une volonté remarquable. Mais
surtout avec un message simple et
clair : ici notre terre, nous ne
partirons pas.
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