En direct de Gaza
La dégradation de la situation
économique
dans la bande de Gaza en 2015
Ziad Medoukh
Dimanche 7 février 2016
L’année 2015, dans la bande de Gaza, a
été marquée par le maintien du blocus
israélien inhumain imposé de façon
illégale par les forces de l’occupation
depuis plus de neuf ans, mais aussi,
notamment, par la poursuite des
agressions israéliennes contre cette
région isolée, sans oublier les
conséquences dramatiques de la dernière
offensive militaire israélienne de l’été
2014, la troisième offensive en cinq
ans, et la plus meurtrière. Une
offensive qui a détruit les
infrastructures civiles de toute une
région, ce qui aggrave une situation
déjà difficile pour toute la population
civile, dans tous les domaines.
Sur le plan
économique, la situation ne cesse de
s’aggraver, notamment à cause de
l’augmentation du chômage et du niveau
de pauvreté, sans oublier l’incapacité
de bâtir une véritable économie dans la
bande de Gaza.
Pour beaucoup
d’économistes locaux et internationaux,
l’année 2015 est considérée comme
la plus catastrophique pour l’économie
palestinienne depuis 20 ans.
L’économie de la
bande de Gaza souffre d’une crise très
grave due aux agressions israéliennes, à
la fermeture des passages commerciaux et
au blocus. Cette situation empêche tout
développement d'une économie en faillite
qui ne trouve pas les ressources
nécessaires pour sortir d'une crise
qui touche tous les secteurs.
La fermeture totale
des passages commerciaux qui relient la
bande de Gaza au monde extérieur depuis
2007, et son ouverture aléatoire,
sporadique, arbitraire et
partielle, ont rendu l’économie gazaouie
chaotique, sans aucun espoir de
redressement, tous les secteurs
économiques sont paralysés en raison de
l’arrêt complet de tous les projets en
cours.
La dégradation de
l’économie dans la bande de Gaza, et les
conséquences dramatiques de la dernière
offensive militaire pour toute une
population civile, ont même rendu les
projets de reconstruction très
difficiles, et ont paralysé l’économie
locale.
La situation
économique catastrophique dans la bande
de Gaza en 2015 se manifeste par :
- Un recul des
indicateurs de l’économie
palestinienne, car l’économie de la
bande de Gaza contribue pour 45% au PIB
palestinien. Cette situation a rendu
l’économie palestinienne dépendante de
l’économie israélienne et de l’aide
internationale. Le pouvoir d’achat est
devenu très faible pour les Palestiniens
de Gaza en 2015, ayant connu un recul de
9% selon le ministère palestinien de
l’économie dans son rapport annuel de
2015.
-
L’infrastructure civile : Selon le
Comité national de la reconstruction de
Gaza, 36% de l’infrastructure civile de
la bande de Gaza ont été détruits sans
aucun espoir de reconstruction
immédiate, notamment avec le retard dans
le début des projets de reconstruction
privé et public.
- Les pertes
financières directes ou indirectes
dues à cette dégradation dépassent les 4
milliards d’euros selon l’autorité des
finances dans les territoires
palestiniens, l ’équivalent de la Banque
Centrale.
- Le secteur
privé a été le secteur le plus
touché, d’après la Chambre de Commerce
et d’Industrie de Gaza, ce secteur qui
employait environ 50.000 personnes avant
2015, et qui représentait 40% du marché
de travail dans la bande de Gaza, est
actuellement paralysé. A cause de la
destruction de 90% des usines, des
entreprises privées et des ateliers,
avec l’interdiction d’entrée des
matières premières pour tous les projets
et plus de 700 installations
industrielles fermées sans réouverture,
avec la fermeture définitive en juillet
2014 de la seule zone industrielle
du nord de la bande de Gaza, après la
destruction de toutes ses usines, à
cause de tout cela, le secteur privé
emploie actuellement moins de 9.000
personnes.
- Le secteur de
l’agriculture qui employait 20.000
travailleurs a aussi été touché. Les
chiffres du Ministère palestinien de
l’Agriculture montrent qu’actuellement,
4200 personnes seulement travaillent,
avec une baisse permanente de revenu. Ce
secteur souffre, en dehors de la
destruction des terres agricoles et des
fermes, de l’interdiction israélienne
permanente d’exporter les produits
agricoles de Gaza, connus pour leur
qualité, notamment les fraises, les
roses, les tomates et les oranges, vers
les marchés extérieurs. Sans oublier la
diminution des terrains cultivables, des
espaces ayant été détruits par les
différentes incursions israéliennes sur
les différentes régions de la bande de
Gaza. La surface cultivée a diminué de
15% en 2015.
Les pertes
agricoles quotidiennes, à cause de la
non exportation des produits agricoles
vers l’étranger, est de 50.000 euros par
jour. Conséquence grave : beaucoup
de personnes sont en train d’abandonner
leur terre agricole à cause de ces
pertes, cette terre étant remplacée par
des constructions et des bâtiments. Une
autre raison, la décision israélienne de
porter la profondeur des zones tampons,
au nord et au sud de la bande de Gaza,
à 500 mètres, ajoute à la détérioration
du secteur agricole. De plus, la mort de
nombreux animaux a rendu l’élevage très
difficile, et les prix ne cessent
d'augmenter. Les pertes du secteur
agricole ont dépassé 200 millions
d’euros en 2015.
Avant 2015, la zone
cultivée dans la bande de Gaza s'élevait
à 120 000 mètres carrés.
Actuellement, il est estimé que 50 % de
la zone cultivée, dont des vergers et
des serres, ont été gravement
affectés. Selon le rapport de la Chambre
de Commerce de Gaza, le coût de l'impact
sur les moyens de subsistance des
agriculteurs, combiné à celui des
mesures de nettoyage nécessaires,
s'élève à environ 12 millions d'euros.
- L’industrie
: 90% des usines existantes sont
fermées sans réouverture à cause de la
destruction de plus de 300 sites
industriels, et du manque de matières
premières, d’exportation comme
d’importation. La bande de Gaza est
connue pour ses industries de qualité,
notamment les vêtements, le tissu et le
bois, les pertes dans ce secteur, en
2015, sont de 7 millions d’euros par
mois selon le Programme des
Nations-Unies pour le Développement.
- Le secteur de
la pêche souffre énormément des
attaques permanentes de la marine
israélienne. Celle-ci interdit aux
pécheurs Gazaouis de s’éloigner de plus
de 500 mètres dans les eaux de Gaza. Ces
restrictions et ces limites ont
influencé ce secteur et plus de 700
pêcheurs, ont, soit changé d'activités,
soit continué à pêcher mais avec un
revenu minimum.
- Le chômage a
augmenté,. Le taux de chômage a dépassé
les 67% en novembre 2015. Mais le
phénomène le plus dangereux, selon
l’Organisation Mondiale du Travail, dans
son rapport sur Gaza en novembre 2015,
est la hausse du chômage chez les jeunes
et les diplômés de moins de 30 ans, qui
atteint 77%. Suite à la dernière
attaque israélienne, plus de 25.000
personnes e sont ajoutées aux chômeurs.
- La pauvreté :
67% de la population de Gaza vit en
dessous de seuil de pauvreté, depuis
Juillet 2014. Selon le bureau
palestinien des statistiques, le taux de
l’insécurité alimentaire dépasse les 73%
chez les familles.
- L’augmentation
du nombre de personnes qui dépendent des
organisations humanitaires. Selon
les sources du bureau des Nations-Unies
pour les réfugiés palestiniens - UNRWA -
dans la bande de Gaza, plus de 950.000
personnes ont bénéficié du programme de
l’aide alimentaire géré par le bureau.
Ce programme a élargi ses services pour
cibler les citoyens et non seulement les
réfugiés.
- Les passages
commerciaux : Actuellement, par
jour, 150 à 200 camions entrent à Gaza
via le seul passage commercial ouvert
cinq jours par semaine. Ce passage se
situe au sud de la bande de Gaza, mais
la moitié de ces camions sont pour les
organisations internationales et leurs
projets de reconstruction d'écoles et de
stations d’eau. Parmi ces camions, 5 ou
6 seulement contiennent des matériaux de
construction, notamment le ciment. Ce
passage se ferme sous n’importe quel
prétexte, par décision israélienne, sans
prendre en considération les besoins
énormes de la population civile.
D’après les
chiffres de nombreuses organisations
internationales qui travaillent dans la
bande de Gaza, ce passage a été fermé
pendant145 jours en 2015, ce qui
représente 34% des jours de l’année.
Gaza n’a droit qu’à
120 produits au lieu de 770 avant le
blocus. Certains produits et médicaments
n’entrent pas, ce qui a aggravé la
situation. Selon les estimations des
organisations internationales, la bande
de Gaza a besoin de 900 camions par jour
pour répondre aux besoins énormes d’une
population en augmentation permanente.
Sans oublier la liste des 120 produits
toujours interdits d’entrer par ordre
militaire israélien.
Cette fermeture a
empêché la libre circulation des
importations et des exportations des
biens et produits de Gaza, en
particulier les matières premières et
les produits semi-finis.
- L’électricité :
La seule centrale électrique de la Bande
de Gaza - qui a été bombardée lors de la
dernière agression - fonctionne à
seulement 30% de sa capacité. Beaucoup
d’usines sont fermées à cause du manque
de courant électrique et de carburant.
- L’eau :
Les dommages causés aux canalisations
d’eau et d’assainissement ont été
immenses. En octobre 2015, plus de la
moitié des Gazaouis n’avait plus aucun
accès à l’eau potable.
- Les projets de
reconstruction de Gaza : Après
dix-sept mois de la fin de la dernière
offensive israélienne de l’été 2014,
aucun projet de reconstruction n’a
commencé.
Tout ce qui a été
réalisé était une réparation partielle
de quelques maisons et habitations dans
le cadre des projets de secours aux
sans-abri.
Actuellement, il y
a plus de 7000 personnes qui vivent
toujours soit dans des caravanes
inhabitables, soit à côté des ruines de
leurs maisons détruites.
L’organisation
britannique Oksfam, a déclaré que si ce
rythme de reconstruction en cours devait
continuer, Gaza aurait besoin de 100 ans
pour être reconstruite à nouveau.
Le gouvernement
israélien refuse l’ouverture des
passages et maintient son blocus sur
Gaza. Les organisations internationales
n’arrivent pas à faire pression sur ce
gouvernement, et les Palestiniens de
Gaza sont dans l’attente.
Seulement 10% de
l’argent promis lors de la conférence
sur la reconstruction de la bande de
Gaza, les 11 et 12 octobre 2014 au
Caire. - 5.6 milliards de dollars promis
- est versé, soit directement à
l’autorité palestinienne, qui se heurte
à d’énormes difficultés pour mener
des projets de reconstruction, à cause
des mesures israéliennes d’une part et
des divergences politiques entre les
différents partis palestiniens d’autre
part, soit aux organisations
internationales qui s’intéressent
surtout à distribuer des aides
alimentaires aux sans-abri plutôt que de
commencer la reconstruction des maisons
détruites.
Les conséquences de
la dernière offensive et cette
situation marquée par des difficultés
économiques, obligent de nombreux
habitants à aller récupérer des
matériaux dans les zones tampons, au
nord et au sud de la bande de Gaza, des
zones dangereuses contrôlées par l’armée
de l’occupation israélienne qui n’hésite
pas à tirer, causant en 2015 la mort de
plusieurs personnes.
On est passé, suite
à cette situation catastrophique dans la
bande de Gaza, d’une économie familiale
non-violente à une économie dépendante
d’Israël et des organisations
internationales.
Ces conséquences
économiques sur la population montrent
une fois de plus que le véritable
objectif de cette politique israélienne
étouffant la bande de Gaza, dans le
silence complice de la communauté
internationale officielle, est de casser
la volonté remarquable et la patience
extraordinaire de cette population, en
pleine résistance malgré un blocus qui
dure et qui dure, et malgré différentes
agressions israéliennes.
Le problème est,
qu’au début de 2016, il n’y a aucun
indicateur d’une amélioration immédiate
dans la situation économique pour la
bande de Gaza, surtout avec le maintien
du blocus israélien et le retard dans
les projets de reconstruction, sans
oublier les menaces israéliennes contre
cette région de plus en plus laissée à
son sort.
Les questions qui
se posent au début de cette nouvelle
année :
Quand la
reconstruction de Gaza
commencera-t-elle ?
Jusqu’à quand la
dégradation de la situation économique
dans la bande de Gaza ?
Jusqu’à quand ce
blocus israélien inhumain contre la
population civile de la bande de Gaza ?
Jusqu’à quand la
souffrance des Palestiniens de Gaza ?
Jusqu’à quand cette
impunité d’Israël ?
Et jusqu’à quand
le silence complice de cette communauté
internationale officielle ?
Les analyses et poèmes de Ziad Medoukh
Le
centre de la paix
Le sommaire des messages d'Al-Aqsa
Le dossier soulèvement octobre 2015
Les dernières mises à jour
|