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Palestine

L'affaire Elor Azaria

Yannis Arab

Samedi 25 mars 2017

Le 4 janvier 2017, le sergent Elor Azaria a été reconnu coupable d’homicide volontaire par un tribunal militaire israélien sur un assaillant palestinien, à Hébron, en mars 2016. Le 21 février 2017 ce même soldat a été condamné à une peine de 18 mois d’emprisonnement.

Avant tout début d’analyse revenons brièvement sur les faits. Le 24 mars 2016 à Hébron, ville palestinienne occupée située au sud-ouest de la Cisjordanie haut-lieu saint pour le Judaïsme et l’Islam, une patrouille israélienne est la cible d’attaques aux couteaux orchestrée par deux Palestiniens. Un soldat israélien est blessé tandis que les deux Palestiniens sont vite neutralisés. L’un d’entre eux est décédé sur place, le second gisant sur le sol semble comme l’indiquera plus tard la vidéo de l’exaction toujours en vie. Gisant sur le sol, étendu sur le dos, ce jeune Palestinien ne représentait alors aucune menace. Un membre de la soldatesque israélienne pensa autrement : il s’approcha du jeune Palestinien et l’abattu froidement d’une balle dans la tête.  Cet acte tragique aurait pu passer inaperçu et s’étouffer dans une centaine d’exactions commises par Tsahal impunis et quotidiennement dénoncées par de nombreuses organisations internationales. Mais hélas… pour le plus grand dam des autorités militaires israéliennes l’assassinat a été filmé par un militant palestinien membre de l’organisation israélienne des droits de l’homme B’Tselem créée à la fin des années 80 et particulièrement active dans les Territoires Occupés. Diffusée sur le net, la vidéo de l’assassinat avait en quelques heures fait l’effet d’une tâche d’huile et a été visionnée des centaines de milliers de fois. L’auteur de l’assassinat est sitôt révélé par un militant israélien Richard Silverstein créateur d’un blog Tikun Olam (en hébreu littéralement « la réparation du monde ») commentant régulièrement l’actualité israélo-palestinienne. Il s’agit d’Elor Azaria, un jeune caporal franco-israélien membre d’une unité paramédicale âgé de 20 ans durant les faits. Proche des milieux d’extrême droite en Israël, adhérant aux idées du mouvement religieux extrémiste et raciste Kach  ( pourtant interdit en Israël) supporter du club ultra-raciste « Beitar Jerusalem » comme l’indique son compte Facebook, le jeune franco-israélien aurait maintes fois dans ses publications appelé à « tuer tous les Palestiniens ».[1] Il aura l’occasion de mettre ses souhaits en action le 24 mars 2016 à Hébron.

Sitôt la vidéo publiée et visionnée, les hautes personnalités militaires au premier rang desquels Moshé Yaalon l’ancien Ministre de la Défense ainsi que Gadi Eizenkot chef d’état-major se sont désavoués de l’acte trahissant selon eux les codes moraux de Tsahal. Benyamin Netanyahu a dans un premier temps condamné l’acte puis a jugé préférable de soutenir le soldat au vue de son soutien considérable dans la société israélienne. Avis analogue pour Avigdor Lieberman estimant que le jeune soldat avait agi en état de légitime défense. L’actuel Ministre de la Défense avait même récemment dénoncé l’hypocrisie du haut-commissariat de l’ONU qui avait jugé vendredi 24 février 2017, insuffisante et « inacceptable » la condamnation à dix-huit mois de prison d’un soldat israélien, estimant qu’il s’agissait d’une « apparente exécution extrajudiciaire ». Pour Lieberman  « Une balle qu’a tirée Azaria sur un terroriste est plus grave que les millions de balles qui tuent des innocents en Syrie, en Libye, en Irak et au Yémen, a-t-il écrit sur sa page Facebook. «  Comme d’habitude il s’agit du Haut-Commissariat pour la haine d’Israël et pas du Haut-Commissariat aux droits humains. »[2]

Ainsi entre le 24 mars 2016 et aujourd’hui l’affaire Elor Azaria a fait couler beaucoup d’encre. Dans le cadre de cet article, il ne s’agira pas de revenir sur les multiples réactions et indignations qu’à suscité l’affaire Azaria déjà commentées par de nombreux médias…mais plutôt sur ce qu’elle ne dit pas. Si bon nombre de médias mainstreams en France et ailleurs se font fait écho de l’affaire, peu pour ne pas dire aucun n’a remis en cause ou simplement questionner de manière légitime la présence de soldats franco-israéliens (donc français) dans les rangs d’une armée d’occupation étrangère : Tsahal. De plus il semble intéressant de noter que même si la condamnation d’Elor Azaria a provoqué l’ire d’une grande partie de la société israélienne, elle a permis aux tenants de la hasbara[3] en Israël et à l’étranger d’exalter le caractère « démocratique » et « juste » de l’Etat d’Israël  prétextant que seule une société « éclairée » « la plus grande du Moyen-Orient » peut permettre en son sein l’émergence de voix plurielles et dissidentes et l’ouverture d’une enquête contre ses propres soldats et voire même les condamner. Or si enquête il y a eu c’est pour la simple et bonne raison que l’assassinat a été filmé et a suscité l’émoi et l’indignation chez les Palestiniens et à l’international. Entre septembre 2015 et 24 mars 2016 date à laquelle Elor Azaria a abattu froidement ce jeune Palestinien c’est plus de 200 Palestiniens qui ont été tué par les autorités israéliennes. Parmi ces 200 victimes Palestiniens nombreuses ont été victimes de flagrantes exactions extrajudiciaires comme le confirme des organisations des droits de l’homme. Et pourtant au vue de ces preuves flagrantes aucune enquête n’avait au préalable été ouverte par les autorités militaires israéliennes.  La condamnation de ce jeune soldat franco-israélien aussi minime soit-t-elle aura permis et de façon hypocrite aux institutions militaires israéliennes d’envoyer ce message au monde : « Nous ne sommes pas ce que vous pensez : des institutions insensibles à la Justice et cruels.  Nous condamnons même les actes de nos soldats ».  Mais qu’en est-t-il des autres soldats ayant abattu des centaines de Palestiniens et cela en toute impunité ? En réalité la condamnation d’Azaria n’est qu’une mascarade d’Etat voulant nous présenter l’assassinat de ce jeune Palestinien par ce franco-israélien comme un « acte isolé » aux antipodes « des codes moraux de Tsahal » et par conséquent visant à procurer à ce dernier une virginité éthique, à oblitérer sa longue liste d’exactions extrajudiciaires commises quotidiennement dans les Territoires Occupés et jusque-là restées…. impunies.

Ce que l’affaire Azria ne dit pas.

Entre le moment de la publication de la vidéo le 24 mars 2016 avec son lot de réactions et jusqu’au moment de la condamnation du soldat le 21 février 2016, le cas Azaria n’a eu de cesse de susciter les passions. L’affaire a fait couler beaucoup d’encre et a joué le rôle de révélateur et de catalyseur de la société israélienne: celle-ci de plus en plus radicalisée a dans sa grande majorité soutenue le soldat israélien prétextant qu’il avait agi en tout état de « légitime défense » contre un « terroriste Palestinien muni d’une ceinture d’explosifs » reprenant alors à son compte la version tronquée du soldat et démentie par le tribunal militaire israélien. Si la plupart des médias mainstreams en France se sont fait l’écho de cette affaire qui selon eux a pu révéler les fractures de la société israélienne, jamais dans leurs tribunes ceux-ci n’ont questionné de manière légitime la présence de soldats français et en nombre dans les rangs de Tsahal. Et pourtant, le jeune soldat ayant abattu de sang-froid ce jeune Palestinien désarmé et hors état de nuire à Hébron ville occupé depuis 1967 n’est pas un sabra (un sioniste né en Palestine-Israël), un colon né dans une colonie à Jérusalem ou un israélien né dans un quartier à Tel-Aviv, mais il est français. Cette oblitération consciente de cette question cruciale semble d’autant plus grave dans la mesure où la plupart des médias ont précisé dans leurs tribunes que le soldat était franco-israélien. Ainsi les médias ont inconsciemment (ou sciemment ?) voulu normaliser un fait qui en réalité ne l’est pas. Car le fait qu’il soit français, au-delà du caractère meurtrier de son acte dont tout le monde devrait se sentir concerné, aurait dû entrainer des réactions vives au sein de la classe politique française et une remise en question de ses politiques étrangères : comment se fait-il que de jeunes français puissent intégrer les rangs d’une armée d’occupation étrangère et participer activement à ses crimes à l’égard des Palestiniens comme l’illustre l’affaire Azarya ? Cette question légitime n’a pourtant jamais été mise en avant par les médias. Cette question et plus particulièrement son oblitération consciente par les médias mainstreams et les autorités françaises illustre parfaitement l’hypocrisie et le « deux poids deux mesures » du gouvernement Hollande et sans doute du prochain en matière de politique extérieure au Moyen-Orient. Pourtant si prompt à condamner et à juste titre l’émigration de jeunes français en Syrie dans les rangs de Daesh ou autres groupes terroristes prétendument islamiques, la classe politique française par la voix de ses hauts dirigeants, ne s’est jamais indigné de la « montée » l’aliyah de jeunes français en « Terre d’Israël » au détriment de sa population autochtone et plus particulièrement leur présence en nombre dans une armée d’occupation commettant comme l’illustre « l’affaire Elor Azria » des crimes de guerre à l’égard des Palestiniens. Par ailleurs notons ici que cette double oblitération, médiatique et politique, prouve encore une fois la connivence et les liens étroits qu’entretiennent les deux institutions.

Au lendemain des attentats de Paris de novembre 2015 qui ont bouleversé la France, le gouvernement français par la voix de son Président François Hollande a émis l’idée controversée - finalement abandonné - que les bi-nationaux responsables d’attentats terroristes ou de retour de leur « djihad » en Syrie seraient destitués de leur nationalité française. Cette proposition avait alors provoqué la joie du Front National et de nombreux partis à droite sur l’échiquier politique français tandis que d’autres estimaient que cette proposition n’allait en rien démotiver les terroristes. Le 16 novembre 2016, François Hollande sous l’émotion des Attentats de Paris et de Saint-Denis, devant le Parlement réuni à Versailles déclara : « Nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, même s'il est né Français » avant de préciser : « Je dis bien même s'il est né Français, dès lors qu'il bénéficie d'une autre nationalité", car, a ajouté le président, cette déchéance ne doit "pas avoir pour résultat de rendre quelqu'un apatride ».  Pour Meyer Habib lui-même franco-israélien, ayant servi dans Tsahal et grand ami de Netanyahu depuis 1992 “ Des individus qui vomissent la France ne peuvent rester français. » Des individus qui commettent des crimes dans les territoires occupés peuvent-ils rester français Mr Habib ? [4]

Cette question est d’autant plus légitime qu’Elor Azaria n’est pas le seul binational à servir dans Tsahal. Loin de là. Selon un article du Nouvel Observateur publié fin novembre 2014 c’est plus de 500 franco-israéliens qui servent actuellement dans Tsahal[5]. Sur ces 500 soldats et soldates plus de 400 ont acquis la nationalité israélienne dans le cadre de leur aliyah et sont ainsi devenus binationaux : le reste sont des volontaires  français non-israéliens qui ont toutefois la possibilité de servir Tsahal à travers divers programmes de volontariat (Mahal) mais à la condition expresse qu’ils soient Juifs (descendants de grands-parents Juifs) et qu’ils aient entre 18 et 23 ans. Toujours selon le Nouvel Observateur le nombre de Juifs français ayant intégré les rangs de Tsahal n’a fait qu’augmenter ces dernières années même s’il est « difficile de vérifier les chiffres ».  Cette augmentation coïncidant avec la montée de l’aliyah juive française  en Israël s’explique principalement par le sentiment de peur et de crainte au sein de la communauté juive française qui s’est installé suite aux attentats de Toulouse en mars 2012 par Mohamed Merah, et qui a atteint son triste paroxysme au lendemain des attentats de Paris en janvier 2015.  Elle s’explique aussi par les nombreux coups de marketing des autorités militaires israéliennes et ses relais en France. Ainsi le 26 mai 2014 quelques semaines avant l’Opération Bordure Protectrice ayant couté la vie à plus de 2200 Palestiniens dont plus de 500 enfants, un officier de Tsahal invité par l’Ambassade d’Israël en France a donné une conférence sur la politique de recrutement de l’armée israélienne à la grande synagogue de la Victoire, dans le 9ième arrondissement de Paris[6].  Notons que l’ambassade d’Israël en France a organisé cette conférence non pas en son sein, mais dans une synagogue. Par conséquent dans un lieu de culte français. Cette initiative est en soi pas étrangère à la stratégie israélienne visant à prendre en otage toute une communauté juive résidant en France, à l’associer à ses politiques et en l’assimilant à ses crimes à l’égard des Palestiniens. Cette ingérence d’Israël  en France est d’autant plus hypocrite que ses fervents partisans ici et ailleurs s’insurgent contre les événements et conférences en soutien à la cause palestinienne en France prétextant qu’il serait alors dangereux d’y « importer le conflit israélo-palestinien ». Or il y a une grande différence entre des manifestations pacifiques de divers organisations pro-palestiniennes appelant à une solution  juste et durable du conflit selon les termes du consensus international et des conférences officielles de Tsahal organisées par l’Ambassade d’Israël  dans des lieux de cultes en France visant à alimenter les rangs d’une armée d’occupation étrangère et par conséquent pérenniser une occupation illégale qui apparait pour de nombreuses  organisations - israéliennes d’ailleurs - comme un obstacle à la paix entre israéliens et palestiniens. Cette ingérence israélienne en France illustre aussi l’hypocrisie de la classe politique française si réactive à condamner les prêches d’imams étrangers dans certaines mosquées en France en vue d’inciter les jeunes à accomplir le « djihad saint contre les mécréants »  mais faisant silence de ces conférences officielles de Tsahal fraichement organisées par l’Ambassade d’Israël en France, au su et au vu de tout le monde, dans des synagogues françaises. Pouvons-nous imaginer une seule seconde le scandale si un officiel algérien venait recruter à Paris de jeunes franco-algériens en vue d’alimenter les rangs de l’armée algérienne ? Certains hommes et femmes politiques - on imagine bien lesquels- criaient à la double allégeance, à la trahison….ces jeunes franco-algériens inspirés par l’antipatriote ‘Karim Benzema” “haïssant” leur pays d’accueil - alors que la plupart sont nés en France - au profit de leur pays d’origine ! Et pourtant même dans le cadre de cette improbable hypothèse, il est important de noter que l’armée algérienne contrairement à Tsahal ne soumet pas un peuple à un régime institutionnalisé de domination considéré comme apartheid en vertu du droit international, elle n’a pas expulsée 800 000 personnes manu-militari entre 1947 et 1949 et plus de 14 000 entre 1967 et aujourd’hui à Jérusalem-Est (selon l’organisation juridique israélienne Hamoked), démolie plus de 48 000 maisons palestiniennes durant la même période selon le comité israélien contre les démolitions de maisons[7], elle ne s’est pas engagée ces dix dernières années dans quatre grandes opérations d’envergures au Liban et à Gaza ayant conduit à la mort de milliers d’innocents ; elle n’est pas non plus le bras répressif d’un pouvoir ayant procédé ces 50 dernières années à la déportation de plus de 600 000 de ses citoyens sur des territoires qu’il  occupe au détriment de sa population autochtone et à l’emprisonnement de plus de 800 000 Palestiniens dans les geôles israéliennes durant cette même période; elle n’est pas non plus responsable d’assassinat ciblés et d’exactions extra-judiciaires commis quotidiennement, documentés et dénoncés par divers organisations israéliennes et internationales. Le cas Elor Azaria en est la preuve.  Qu’attendent donc les autorités françaises au premier rang desquels François Hollande pour s’indigner contre une telle ingérence et à fortiori contre des crimes de ressortissants français dans un pays étranger ? Silence Silence….au nom de quoi ? De la Justice ? De la « morale républicaine » ? De la « lutte contre l’antisémitisme » ? Ou au nom de leurs hypocrisies ?

L’affaire Elor Azaria : du pain béni pour les tenants de la Hasbara

Au lendemain de la publication de la vidéo de l’assassinat, la majorité de la société israélienne a pris fait et cause pour le jeune soldat israélien. Selon un sondage réalisé par Haaretz un quotidien israélien, 57 °/° du public israélien estimait que le soldat n’aurait pas dû être placé en détention et 68 °/° jugeait que l’Etat-major a eu tort de condamner publiquement son geste.[8] Selon un autre sondage réalise au lendemain de sa condamnation 70 °/° de la société israélienne estimait, au lendemain de la condamnation du soldat, que ce dernier devait être gracié.[9]  

Cette affaire a joué le rôle de révélateur de la société israélienne : celle-ci majoritairement soutient de manière inconditionnelle son armée et son gouvernement. Même si la condamnation de 18 mois du jeune soldat - jugée trop clémente par la porte-parole du Haut-Commissariat, Ravina Shamdasani - a provoqué l’ire de la société israélienne et des hautes personnalités israéliennes au premier rang desquels Naftali Benett ministre de l’Education ou encore Benyamin Netanyahu l’actuel Premier Ministre etc..qui ont durant des mois défendu le jeune soldat affirmant qu’il avait agi en « état de légitime défense » contre un « terroriste palestinien », elle a paradoxalement permit aux défenseurs d’Israël et de son image à l’étranger d’exalter son caractère prétendument “démocratique” et “juste” prétextant que seule une « société éclairée » la plus « éclairée du Moyen-Orient » aurait pu voir émerger en son sein des voix « critiques » et « plurielles ».

Répondant à un article de Libération intitulé « En Israël, un soldat meurtrier s’en tire avec les honneurs » publié le 21 février 2017 et écrit par Nissim Behar correspondant à Tel-Aviv,  Sacha Ghozlan président de l’Union des Etudiants Juifs de France dans une lettre ouverte adressée à Laurent Joffrin directeur de la rédaction de Libération le 28 février 2017[10] estimait que l’affaire Elor Azaria puis sa condamnation est la preuve qu’Israël est une « démocratie » puisqu’on y « respecte scrupuleusement la séparation des pouvoirs » [...] «  ses juges – et d'un tribunal militaire de surcroît - sont capables d'exercer leur autorité en toute indépendance et ce, malgré des pressions politiques explicites et une opinion publique majoritairement défavorable à la décision prise ». Elle illustre aussi selon Sacha Ghozlan « l’honneur » de la société israélienne « capable de s’interroger et de se mobiliser sur une question éthique, morale et juridique : un soldat qui tire une balle dans la tête d’un terroriste alors qu’il est au sol peut-il invoquer l’excuse de légitime défense ? » L’honneur revient aussi selon le président de l’Union des Etudiants Juifs de France...à « une justice indépendante, preuve supplémentaire qu’Israël est bien la seule démocratie du Proche-Orient ». Pour Ghozlan l’affaire Azria a « secoué et divisé la société israélienne ». Tout d’abord à cette dernière allégation notons que l’affaire Elor Azria n’a pas « divisé » la société israélienne : elle a au contraire, comme mentionné précédemment, joué le rôle de révélateur et de catalyseur d’une société prenant fait et cause pour le soldat et dans une large mesure pour son armée. Selon un sondage israélien réalisé au lendemain de sa condamnation plus de deux tiers (70 %) des Israéliens étaient favorables à ce qu’Elor Azaria soit gracié. 5 °/° de la société israélienne estimait que l’acte du soldat était un « meurtre »[11]. 70 pourcent contre 5 pourcent : peut-on parler de “division” ? Ou plutôt d’un troublant consensus de la société israélienne à l’égard des méfaits de son armée ?  De plus Sacha Ghozlan affirme que l’affaire Elor Azaria, ses péripéties et son aboutissement (la condamnation) a montré encore une fois le caractère éthique et juste des institutions militaires d’Israël. L’auteur oublie sciemment de mentionner qu’Elor Azaria est le seule soldat à avoir été condamné par les tribunaux militaires israéliens depuis 2005. Or entre 2005 et aujourd’hui le nombre d’assassinats de Tsahal au Liban en 2006, à Gaza à trois reprises ces 10 dernières années et les divers opérations de Tsahal en Cisjordanie considérés comme « crimes de guerres » par divers organisations internationales n’ont jamais conduit à de sérieuses enquêtes internes et à fortiori des condamnations. Entre le 1er octobre 2015 et le 24 mars 2016 date à laquelle le soldat Elor Azaria a abattu ce jeune Palestinien, c’est plus de 200 Palestiniens qui sont tombés sous les balles de Tsahal selon l’organisation des droits de l’homme Al Haq. L’organisation - preuves à l’appui -  affirme que l’exécution extra-judiciaire de ce jeune Palestinien n’est pas un cas isolé mais semble chose courante dans Tsahal. Al Haq dresse une liste exhaustive d’exécutions sommaires commises par l’armée israélienne dans les Territoires Palestiniens occupés les mois précédant le meurtre d’Azaria. Par exemple le 22 septembre 2015, Hadeel al-Hashlamoun une jeune Palestinienne elle aussi originaire d’Hébron a été froidement abattu par une patrouille de l’armée israélienne. Munie d’un couteau, elle ne représentait devant l’armada militaire de Tsahal aucune menace. Neutralisée, la jeune Palestinienne couchée sur le sol à continuer à recevoir un flot incessant de balles sur le torse. Scénario analogue le 4 octobre 2015 : Fadi Alloun originaire d’Isawiyah, était également couché sur le sol, après avoir poignardé un israélien dans le quartier Musrara de Jérusalem. Un policier israélien l’a alors criblé de balles après que de nombreux passant l’y aient encouragé. De nombreux témoins ont filmé la scène mais les autorités israéliennes ont jugé que ce n’était «  pas assez pour que de quelconques mesures soient prises » contre le policier. Même chose le 2 juin 2016 Ansar Hirsheh alors qu’elle tenta de traverser le poste de contrôle d’Anabta - située à l’est de Tulkarem au sud-est de la Cisjordanie - elle fut froidement abattu par quatre soldats de Tsahal. Ceux-ci ont affirmé après coup que la jeune Palestinienne avait un couteau dans son sac. [12] Etait-ce une raison valable pour la tuer ?

Notons aussi que l’impunité dont jouissent les soldats israéliens semble aussi la même pour les colons israéliens. Selon un récent rapport publié par l’organisation israélienne Yesh Din (en hébreu “il y a une loi) 85 °/° des plaintes déposées par des Palestiniens - ou organisations israéliennes - suite à des actes violents de colons, sont classés sans suite, faute d’enquête policière sérieuse. L’ONG israélienne estime qu’une plainte déposée par un Palestinien en Cisjordanie a 1,9 °/° de chance d’aboutir à une enquête effective avec des suspects identifiés, poursuivis et condamnées. Est-ce dont cela la « justice indépendante et exemplaire » dont parlait Sacha Ghozlan ? Etrange « justice ». Cette hypocrisie est d’autant plus grave que la violence des colons sous l’œil complice de Tsahal a considérablement augmenté ces dernières années. Selon les Nations Unies, les attaques de colons ont pratiquement quadruplé entre 2006 et 2014. Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a enregistré plus de 2300 attaques de colons israéliens sur des Palestiniens ou leurs biens durant cette même période.[13]

Pour Zehava Galon, célèbre politique israélienne présidente du parti Meretz l’assassinat de ce jeune Palestinien désarmé par Elor Azaria «  reflète le vrai visage de l’occupation ». Elle affirme : « voilà des années que Netanyahou et consorts nous abrutissent de beaux discours sur les valeurs de l’armée et sur le dialogue de terrain entre Israéliens et Palestiniens, mais c’est du pipeau, car l’occupation nous pourrit l’esprit. Des valeurs morales, nous en avons peut-être eu il y a longtemps, mais elles se sont dissoutes avec le temps.»[14]  

Par ailleurs notons que si Azaria a été jugé c’est pour la simple et  « bonne » raison que son acte a été filmé et visionné des centaines de milliers de fois à travers le monde.  Pour ne pas alimenter la colère des Palestiniens et par conséquent entrainer une  pérennisation et  voire même une militarisation de l’intifada qui avait déjà embrasé de nombreuses villes palestiniennes, les autorités militaires israéliennes ont voulu se dissocier de l’acte tout en rappelant son caractère isolé et anecdotique remis en cause par de nombreuses organisations des droits de l’homme affirmant au contraire que l’affaire Azaria est l’arbre qui cache la forêt et s’inscrit au  milieu d'exactions extrajudiciaires quotidiennes commises par l'armée israélienne et régulièrement dénoncées. Amira Hass célèbre auteure israélienne, commentant l’affaire Azaria affirme : « Depuis un an et demi, des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants palestiniens ont été tués, bien qu’ils eussent pu être maîtrisés quand ils étaient encore en vie. La différence entre eux et Azaria [qui a assassiné d’une balle dans la tête un assaillant Palestinien gisant à terre] est qu’il a été filmé. »  Pour Amira Hass, décriée comme « traitre » au sein de la société israélienne en raison de soutien pour les droits des Palestiniens, les autorités militaires israéliennes à travers la condamnation du soldat franco-israélien ont voulu envoyé ce message suivant aux soldats et policiers israéliens : « Prenez garde à ne pas être filmés lorsque vous passez à l’acte. Nous savons comment remettre en cause la valeur des photographies prises par les caméras de sécurité palestiniennes, et nous savons enterrer le témoignage des témoins oculaires palestiniens. Mais nous n’avons toujours pas trouvé de solution face à des séquences vidéo nettes et professionnelles. »[15] 

[1] http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/moi-elor-azarya-assassin-de-tsahal-179521)
[2] http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/02/24/une-peine-insuffisante-contre-le-soldat-israelien-elor-azaria-juge-l-onu_5085158_3218.html#ljlcG3X06DEwxTy4.99
[3] Mot en hébreu signifiant littéralement « explication » ou « éclaircissement ». Ce terme est utilisé par Israël et les groupes pro-israéliens pour désigner des opérations de communication et de propagande qui cherchent à défendre le point de vue et la politique de l’Etat d’Israël auprès de l’opinion publique internationale.
[4] http://www.leparisien.fr/espace-premium/actu/parlementaire-et-binational-pas-si-facile-11-01-2016-5438257.php
[5] http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20141128.OBS6494/israel-ces-francais-qui-s-engagent-dans-tsahal.html
[6] https://blogs.mediapart.fr/jean-claude-meyer/blog/260514/apres-la-tuerie-de-bruxelles-rassemblement-silencieux-strasbourg-ce-lundi-26-mai-2014
[7] Chiffres disponible sur son site The Israeli Commitee Against House Demolitions
[8] http://www.lefigaro.fr/international/2017/01/04/01003-20170104ARTFIG00137-le-soldat-franco-israelien-elor-azria-reconnu-coupable-d-homicide.php)
[9] http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/02/21/israel-elor-azaria-condamne-a-dix-huit-mois-de-prison-pour-la-mort-d-un-palestinien_5083016_3218.html)
[10] Lettre ouverte disponible sur le Facebook de Sacha Ghozlan.
[11] https://www.youtube.com/watch?v=gB5EWNF71ug
[12] http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/le-soldat-franco-israelien-elor-188256
[13] https://oumma.com/la-violence-des-colons-en-cisjordanie-dont-jerusalem-est-un-terrorisme-impuni/ )
[14] http://www.liberation.fr/planete/2016/03/25/l-execution-d-un-palestinien-indigne-la-classe-politique-israelienne_1442157
[15] http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/le-soldat-franco-israelien-elor-188256

 

 

   

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