P.A.S.
Nouveau départ pour la Turquie d’Erdogan
Yahia Gouasmi
Mardi 9 août 2016
Alors
que le putsch avorté du 15 juillet
dernier visant à renverser le président
turc Recep Tayyip Erdogan n’a pas encore
livré tous ses secrets, il apparaît
clair qu’il aura des conséquences
importantes, tant sur le plan interne,
qu’en termes de politique étrangère, qui
risquent de bouleverser la donne au sein
de la société turque, comme au
Moyen-Orient.
Signe de ces changements qui
s’annoncent, quelques jours après le
coup d’État manqué, le président Erdogan
a confirmé à son homologue iranien,
Hassan Rohani, lors d’un appel
téléphonique, que son pays était prêt à
collaborer avec l’Iran et la Russie pour
la stabilité de la région.
Plusieurs observateurs y voient
là un début de rapprochement du régime
turc avec le pouvoir légitime syrien,
après plusieurs années de soutien aux
terroristes des différents groupes,
n’ayant produit que destruction et
instabilité dans la région et dans son
propre pays.
Concernant le coup
d’État, les deux principales
analyses oscillent entre un
« false-flag » organisé par Erdogan
lui-même afin d’asseoir un peu plus
son autorité et éliminer ses
opposants, et une tentative avortée
des puissances occidentales pour se
débarrasser d’un allié
insuffisamment fiable à leur goût.
Les autorités turques
soutiennent cette seconde théorie, en
accusant Fethullah Gulen, installé aux
USA depuis 1999 et très lié aux services
secrets américains, d’être l’instigateur
de ce coup d’État, et en y voyant la
main des services de renseignements
occidentaux voulant évincer le président
Erdogan de la scène politique turque et
régionale.
Ainsi, suite à l’échec de la
tentative de renversement du président,
d’immenses purges ont frappé tous les
secteurs de l’État et de la société
turque. Outre 10 000 militaires, près de
3000 magistrats ont rapidement été
arrêtés, parmi lesquels plusieurs
dizaines de juges et de procureurs du
Conseil d’État et de la Cour de
cassation, sans oublier deux membres de
la Cour constitutionnelle.
Ces arrestations
n’ont été que le début d’une immense
purge qui est à l’œuvre pour
transformer l’État et la société
turcs, afin de les « nettoyer » de
tous les partisans de Gulen, qui
avaient infiltré tous les rouages du
pays.
Ainsi, plusieurs dizaines de
milliers de fonctionnaires ont été
suspendus de leurs fonctions, pour leurs
supposés liens avec le mouvement de
Gulen, alors que les secteurs de
l’Éducation nationale et de
l’enseignement supérieur ont été très
touchés par cette épuration.
Derrière cela,
l’occasion semble aussi très belle
pour Erdogan, d’accélérer le
processus de « dé-laïcisation
» du pays, afin de rompre
définitivement avec l’héritage de
Mustafa Kemal (Atatürk).
Ainsi, le président turc et son
parti l’AKP se trouvent être les grands
gagnants de ce coup d’État raté, dont
les instigateurs avaient sous-estimé la
popularité indéniable d’Erdogan.
En effet, c’est en grande
partie grâce au soutien d’une grande
frange de la population, qui n’a pas
hésité à répondre à l’appel de son
leader en descendant dans la rue pour
manifester son soutien, que cette
tentative a été mise en échec. Ce que
n’avaient pas prévu les observateurs (ou
instigateurs ?) « démocrates »
occidentaux, pris de court par ce
renversement de situation.
D’un autre côté, la grande
question est de savoir jusqu’à quel
point la tentative de putsch aurait été
motivée par la politique étrangère d’Erdogan,
car elle coïncide avec une réorientation
naissante de politique étrangère, dans
le sens d’un rapprochement avec la
Russie et d’un éventuel démantèlement
des politiques interventionnistes
d’Ankara en Syrie.
En effet, quelques jours avant
le putsch, Ankara et Moscou avaient
restauré leurs relations, endommagées en
novembre dernier par l’affaire du SU-24
russe, abattu sur la frontière syrienne.
La réactivité de
la diplomatie russe, qui a fermement
condamné la tentative de putsch,
entraîne aujourd’hui une nette
amélioration dans les relations
bilatérales, comme c’est aussi le
cas avec le voisin iranien.
En revanche, les pressions
européennes face à la répression d’Erdogan,
l’attitude plutôt ambiguë des États-Unis
face au putsch et à la question de
l’extradition du prédicateur Fethullah
Gülen, ont détérioré les relations entre
Ankara et ses principaux alliés
stratégiques occidentaux.
Ainsi, alors que les rapports
avec Washington ont toujours été teintés
de méfiance en raison des sympathies
américaines en faveur des revendications
politiques kurdes, cette fois, le ton
des autorités turques vis-à-vis des
États-Unis a complètement changé, pour
devenir presque menaçant. Erdogan
exigeant l’extradition de Gulen, qu’il a
peu de chances d’obtenir, ce qui
signifierait une rupture avec l’oncle
Sam, ou du moins des relations
sérieusement endommagées.
Du côté de
l’Europe, les déclarations de
leaders européens invoquant les
droits de l’homme pour condamner la
purge ont probablement été perçues
par les autorités turques comme
source d’ingérence dans la politique
intérieure et un nouveau prétexte
visant à bloquer les négociations
d’adhésion. D’où la réaction
provocatrice d’Erdogan qui a affirmé
son intention d’examiner la question
du rétablissement de la peine de
mort, proposée par son Premier
ministre, qui signifierait la fin de
la volonté turque d’adhérer à l’UE,
prélude à un retrait de l’OTAN ?
Cet assombrissement des
relations turco-occidentales va-t-il dès
lors favoriser la nouvelle proximité
russo-turque et relancer l’idée d’une
convergence stratégique eurasiatique
avec la Russie, conçue par Ankara comme
une alternative à son intégration à l’UE
?
Moscou fait ainsi remarquer que
la normalisation avec la Turquie
pourrait avoir des retombées positives
sur la situation syrienne. Ankara a
également fait allusion à une volonté de
rétablir les liens avec la Syrie. De
même, de manière significative, le
ministre iranien des affaires étrangères
Mohammad Zarif a utilisé un langage
exceptionnellement fort pour condamner
la tentative de coup d’État en Turquie −
avant même qu’il ait définitivement
échoué.
Un éventuel
changement de la politique étrangère
Turque est anticipé à Moscou et à
Téhéran comme un événement
géopolitique aux conséquences
capitales pour le réalignement de la
politique au Moyen-Orient et de
l’équilibre global des forces.
Jusqu’à maintenant, l’alliance
de la Turquie avec l’Occident restait
l’axe structurant de la politique
étrangère turque, mais l’expérience que
vient de vivre le président Erdogan va
certainement l’amener à revoir
considérablement sa relation avec les
pays occidentaux. Cependant, même si le
pouvoir du président se trouve désormais
largement renforcé, la situation de la
Turquie reste néanmoins fragile. En
effet, l’une des principales
conséquences du coup d’État avorté
pourrait être la désorganisation de
l’armée, compte tenu des purges qui ont
lieu, et qui pourrait considérablement
affaiblir le pays au moment où celui-ci
est pris dans la tourmente de la
situation explosive moyen-orientale,
doublée d’un contexte interne
bouillonnant.
Le Parti Anti Sioniste
espère qu’à la lumière des
évènements dramatiques récents qui
ont touché la Turquie, le président
Erdogan, qui a probablement compris
que l’empire n’avait pas d’alliés
parmi les musulmans mais seulement
des vassaux, mènera une politique
étrangère indépendante, loin des
intérêts occidentalo-sionistes.
Il est temps que ce
grand pays musulman cesse son
alliance avec les puissances
criminelles occidentales et retrouve
un rang digne de ce nom, en
empruntant la noble voie de la
résistance au projet impérialo-sioniste.
C’est un nouveau départ
que l’Histoire offre au président
Erdogan, il doit le saisir afin
d’être à la hauteur de cette seconde
chance et des espoirs que les
musulmans antisionistes placent en
lui.
Yahia Gouasmi
Président du Parti Anti Sioniste
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