France-Irak
Actualité
Crise des « migrants » ou «crise des
guerres » (Afghanistan, Irak, Libye,
Syrie)?
Xaviere Jardez
Samedi 5 septembre 2015
Le billet
d’humeur de Xaviere Jardez
Il y a juste un peu plus d’un mois,
un enfant palestinien de dix-huit mois
était brûlé vif, avec sa famille-
son père est lui aussi mort- par
des colons juifs, dans leur maison du
village de Douma, en Cisjordanie
occupée. Depuis, rien n’est arrivé, pas
d’enquête donc pas d’inculpation, les
criminels vaquent tranquillement à leurs
occupations (de terroristes
pyromanes ?). Depuis, le village
vit dans la peur, la terreur, barricadé
derrière les grilles qui protègent les
fenêtres des maisons, préférant l’étage
au rez-de-chaussée, des jeunes
patrouillent les rues du village de 22
heures à 5 heures du matin (RFI,
30/08/2015).
L’Occident, indifférent depuis 70 ans
au sort des Palestiniens, mais dédié à
la préservation d’Israël, s’est ému
épidermiquement de cet acte ignominieux,
puis, comme un soufflé, tout est
retombé. Il ne faut pas se nourrir de
sentiments antisémites, n’est-ce pas ?
D’ailleurs, Tel-Aviv sur Plage
est venu remettre tout cela en ordre !
Aujourd’hui, même sursaut épidermique
de cette même opinion publique, et même
retombée dans quelques jours, devant la
photo d’un tout petit enfant syrien,
mort sur une plage de Turquie, venu avec
les siens, cherché refuge loin des
bruits et des horreurs de la guerre chez
eux et du chaos engendré. Etait-il
migrant ou réfugié ou économiquement
défavorisé par l’exploitation
impérialiste des ressources de son pays
?
Revenons à ce terme de « migrant
» qui, de par sa connotation
péjorative et son appel d’air à la haine
et au racisme, n’a décemment plus sa
place, dans la presse britannique et
Al Jazeera, tout comme le mot
«terroriste » qui n’a jamais reçu
de définition par les instances
internationales, y compris l’ONU. «
Migrant » fait penser à la
migration des oiseaux- cigognes, canards
sauvages, oies, etc - qui, l’hiver,
partent vers les régions chaudes et
retournent en été dans leur région de
départ. Et, qui ne se posent,
définitivement, nulle part.
Comme ceux que nous voulons tenir
loin de nos côtes et que nous voulons
priver du préfixe « im » qui
veut « dans ». Ceux - Polonais,
Italiens, Espagnols, Arabes, Africains,
selon les vagues qui, en immigrant, en
France, pour ne parler que d’elle, ont
contribué- et continuent- à sa
croissance, à son expansion, à sa
grandeur comme on disait auparavant et
obtenaient par leur travail, droits et
devoirs. On établit un distinguo
juridique entre « réfugiés avec
droit d’asile » couverts par les
conventions internationales, ou «
réfugiés » et «migrants »
tout court ou « migrants économiques
» sous-entendu, le plus souvent, en
« maraude », donc sans droits,
pour n’accueillir qu’un nombre restreint
des premiers – un quota-. Le
reste de ces errants sera rejeté,
l’automatisation à outrance, dans les
années à venir, des moyens de production
entraînant une surabondance, inutile, de
main d’œuvre.
Mais pourquoi ces « déplacés »,
toutes origines confondues,
s’exilent-ils ? Les chiffres sont si
vertigineux qu’ils ne peuvent être la
seule recherche d’une meilleure vie
économique. 300 000 l’an dernier, 350
000 depuis le début 2015 dont 170 000
Syriens. Et « cette crise » (sic)
a commencé dès la première guerre du
Golfe en Irak et l’embargo, avec le
départ massif des Chrétiens,
principalement, aidés en cela par les
organisations caritatives chrétiennes.
Pas de passeurs. Puis, la guerre en
Afghanistan, ensuite, l’invasion
militaire de 2003 en Irak, toutes deux
concoctées par les Etats-Unis,
déclenchant la fuite en avant des
Irakiens et des Palestiniens en Syrie et
en Jordanie ou en Irak même.
Il y a, à l’heure actuelle, 30% de la
population syrienne en Turquie, en
Jordanie, au Liban soit quelque 5
millions de personnes. La Syrie
avait-t-elle vu un tel exode de la part
de sa population sous Bachar al-Assad
lorsque le pays était en paix? L’Europe
avait-elle été confrontée à une arrivée
massive de Syriens dans les décennies
précédant la guerre. La dictature
avait-elle vidé le pays de son peuple ou
avait-elle réussi d’une manière ou d’une
autre à lui offrir ce qu’il cherchait,
même si tout était loin d’être parfait
comme ailleurs ? La riche Libye
n’offrait-elle pas une ouverture
économique aux populations
subsahariennes comme on l’a vu lorsque
la guerre occidentale, menée par la
France et la Grande-Bretagne et soutenue
en sous-main par les Etats-Unis, en a
chassé les travailleurs africains,
victimes ensuite des mauvais traitements
des « vainqueurs » du
changement de régime. Car, il s’est bien
agi, dans les trois cas, de changements
de régime voulu par les Occidentaux,
causant misère et horreurs pour les
peuples de la région. Et, cet Occident
voudrait s’exonérer de toute
responsabilité, verser des larmes de
crocodiles sur les « victimes des
passeurs » et pointer du doigt la
responsabilité de ces derniers.
Si les « passeurs » ne sont,
certes, pas des anges gardiens ou des
dames de charité, ils ne font que mettre
à profit le système hérité des guerres
des puissances occidentales en Irak, en
Libye, en Afghanistan, au Mali, ou de
l’aggravation d’une situation politique
très mal gérée en Syrie, par
l’introduction des djihadistes,
résultant du chaos en Libye pour
accélérer la chute d’Assad. De la même
manière que certains ont accusé la SNCF
d’avoir participé au génocide des juifs
pendant la période de l’Etat français.
Il est tellement facile de se défausser
sur les autres.
Il ne faut pas se voiler la face :
l’Occident est à l’origine de cette
crise qui est plus véritablement une
« crise de guerres » de toutes
natures, pour la protection de ses
intérêts. Et si ces ingérences armées et
leurs dommages collatéraux, pour
reprendre l’expression préférée des
Américains, dans le développement des
peuples ne tombent pas dans un cadre
légal de crimes contre l’humanité, ils
n’en demeurent pas moins tels en morale,
et non seulement sur le plan de ces
droits de l’homme sans cesse brandis et
sans cesse bafoués ou remis à l’ordre du
jour selon l’agenda politique. A moins
que « ces migrants », ainsi
désignés, ne trahissent la pérennité
« d’une vision du monde dépassée
directement reliée à l’idéologie
suprémaciste » comme l’écrit le
Guardian.
Photo : Une famille
syrienne passant le « mur
anti-migrants » de la frontière
serbo-hongroise
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 5 septembre 2015 avec
l'aimable autorisation de Gilles Munier
Le sommaire de Gilles Munier
Les dernières mises à jour
|