Écoutes
téléphoniques ukrainiennes
Les desseins machiavéliques de
Catherine Ashton et Victoria Nuland
Wayne Madsen

Mercredi 12 mars 2014
C’est devenu un rituel qui fonctionne à
chaque fois : lorsque Washington tente
de changer un régime, de mystérieux
snipers font leur apparition qui tuent à
la fois des forces gouvernementales et
des manifestants de son opposition. Puis
ils disparaissent et ne sont en principe
jamais retrouvés. C’est le cas
aujourd’hui en Syrie, en Ukraine et au
Venezuela. En Syrie, les événements de
Deraa ont dressé, durant une année, une
partie de la population contre son
gouvernement. Au Venezuela, les légistes
ont prouvé que les tireurs étaient les
mêmes des deux côtés et la contestation
s’essouffle. En Ukraine, des
interceptions téléphoniques et les
réactions qu’elles suscitent ne laissent
guère de doutes, observe Wayne Madsen.
Après la
révélation au grand public des
conversations téléphoniques
interceptées, le voile est levé sur
les desseins secrets pour l’Ukraine
des deux va-t-en guerre de la gent
féminine qui servent de figures de
proue à la politique étrangère de
l’Occident : Victoria Nuland,
secrétaire d’État adjointe des USA,
déléguée aux Affaires européennes et
eurasiennes, et Catherine Ashton,
Représentante officielle de l’Union
européenne et autrefois
propagandiste de premier plan de la
Campagne pour le Désarmement
nucléaire menée en Grande-Bretagne.
Catherine Ashton, dont la
conversation téléphonique avec Urmas
Paet, le ministre estonien des
Affaires étrangères, fut la seconde
à être divulguée, détient depuis le
premier décembre 2009 le titre
ronflant de Haut-Représentant pour
les Affaires étrangères et la
Politique de sécurité de l’Union
européenne, et, depuis 1999, date de
son accession à la chambre des
Lords, le dérisoire et très féodal
titre de baronne Ashton de Upholland.
Ceux qui soutiennent Catherine
Ashton surestiment ses mérites. On
peut la voir dans l’exercice de ses
fonctions de ministre des Affaires
étrangères de l’Union européenne,
dans une vidéo filmée au siège de
l’UE à Bruxelles, complètement
affolée : ni elle, ni Robert Cooper,
son envoyé britannique dans les
Balkans, n’avaient la moindre idée
de ce à quoi pouvait ressembler
omislav Nikolic le président de la
Serbie, quelques minutes à peine
avant de l’accueillir à la cérémonie
de bienvenue organisée à son
intention. Catherine Ashton est
mariée à Peter Kellner, un ancien
journaliste britannique. Peter
Kellner appartient au cercle des
dirigeants de l’institut de sondages
YouGov. Cette société ne vit pas
seulement des sondages politiques et
électoraux, elle tient en haleine
les médias de l’info-spectacle avec
des enquêtes d’opinion visant à
pronostiquer lequel des favoris
deviendra la nouvelle idole à chaque
étape des concours que proposent des
programmes TV aussi ineptes que
Pop Idol et X-Factor.
Dans son entretien téléphonique
du 26 février avec la baronne
Ashton, le ministre estonien des
Affaires étrangères, Urmas Paet, lui
révèle que, selon une source
crédible, les manifestants et les
policiers ukrainiens ont été tués
par les mêmes tireurs embusqués [1].
Paet était présent à Kiev le 25
février, durant les violents
affrontements qui ont opposé les
manifestants aux policiers sur
l’EuroMaidan. Il est maintenant
flagrant que les violences ont été
attisées par des tireurs embusqués
et d’autres provocateurs, y compris
des bandes de néonazis et des
mercenaires étrangers, commandités
par l’opposition politique
Ukrainienne .
Au cours de la discussion, Paet
révèle à Ashton qu’un médecin
ukrainien, le docteur Olga
Bogomolets, une figure importante de
la société civile, l’a convaincu,
lors de sa visite à Kiev, que les
balles qui se sont abattues sur les
manifestants et les policiers
provenaient des mêmes armes, et que
l’opposition couvrait les
meurtriers. Le docteur Bogomolets ne
fait pas partie de la cour de
Ianoukovytch, le président en exil.
Elle était le médecin personnel de
Victor Iouchenko, le président
installé par la « révolution
orange ». Elle a perçu des subsides
de Radio-Liberté que financent
Georges Soros et la CIA .Elle a par
ailleurs encouragé ses étudiants en
médecine à participer aux
manifestations de l’EuroMaidan à
Kiev. Bogomolets a convaincu Paet
que les balles qui ont frappé
indistinctement les manifestants et
les policiers avaient été tirées par
les mêmes armes à feu, et que
l’opposition était derrière les
attaques. On relèvera avec intérêt
que Bogomolets a déclaré avoir
décliné l’offre —des dirigeants de
l’opposition— de participer au
nouveau gouvernement comme ministre
déléguée auprès du Premier ministre
pour les Affaires humanitaires.
Si l’on en croit l’appel
téléphonique enregistré, dit-on, par
des agents des services de sécurité
ukrainiens (SB) restés fidèles à
Ianoukovytch, Ashton feint d’être
ébahie lorsque Paet lui annonce que,
selon toute vraisemblance,
l’opposition ukrainienne a massacré
plus de soixante-dix de ses propres
partisans, auxquels il faut encore
ajouter les policiers. La série
d’attaques des tireurs embusqués
n’est rien d’autre qu’une opération
sous faux drapeau, pilotée par
l’opposition et ses soutiens de
l’Occident, destinée à susciter la
sympathie et le soutien de l’opinion
publique.
Paet : « Toutes
les preuves montrent que les
personnes des deux camps abattues
par les tireurs embusqués, les
policiers et les gens qui étaient là
dans la rue, c’étaient les mêmes
tireurs embusqués qui les tuaient,
dans les deux camps… Elle m’a aussi
montré des photos. Elle m’a dit
qu’en sa qualité de médecin, elle
pouvait dire que c’était la même
signature, le même type de balles…
et il est très inquiétant que,
maintenant, ceux de la nouvelle
coalition, ils ne veulent pas
enquêter sur ce qui s’est passé
exactement. Donc, à présent, il est
de plus en plus évident pour tout le
monde que ce n’est pas Ianoukovytch
qui était derrière les tireurs
embusqués sur les toits, c’était
quelqu’un de la nouvelle coalition.
»
Ashton : « Je
pense que nous avons effectivement
besoin d’enquêter. Je veux dire… Je
n’ai pas eu vent de cette histoire.
C’est intéressant ; çà alors ! … »
Paet : « C’était
donc très préoccupant de voir tout
ça circuler et prendre de l’ampleur.
Cela discrédite déjà la nouvelle
Coalition. »
Répondant à Paet, Ashton
s’emploie ensuite à jeter le doute
sur les informations que Bogomolets
et lui ont collectées, qui montrent
que l’opposition était derrière le
mitraillage des manifestants et des
policiers. Ashton défend les
parlementaires de l’opposition
engagés dans le mouvement de
protestation, contre les médecins,
et déclare, en parlant des
dirigeants de la contestation : « Ils
doivent s’occuper de cela aussi mais
leur tâche est d’exiger la mise en
œuvre de changements profonds et de
faire fonctionner le parlement
[Rada]. Si le parlement ne
fonctionne pas, c’est le chaos total
qui vous attend. Donc, on peut
penser qu’un manifestant, qu’un
médecin, c’est quelqu’un qui compte,
qui compte beaucoup, mais ce ne sont
pas des responsables politiques, et,
d’une façon ou d’une autre, ces gens
vont devoir s’accommoder de la
situation durant les prochaines
semaines. »
En substance, Ashton dit à Paet
que Bogomolets, comme militante et
comme médecin, n’a pas à se mêler de
critiquer les décisions politiques
machiavéliques de l’opposition
parlementaire ukrainienne que pilote
le trio Vitali Klitschko – Arsenly
Yatsenyuk – Oleh Tyahnybok (le
boxeur, le vétéran de la Banque
mondiale, et le chef des néonazis du
parti Svoboda). En d’autres termes,
Ashton sous-entend qu’un boxeur, un
technocrate de la Banque mondiale et
une brute nazie sont davantage
qualifiés pour se prononcer sur
l’avenir de l’Ukraine qu’une femme
soucieuse de faire la lumière sur le
rôle de l’opposition dans le
massacre des manifestants de son
propre camp, utilisés comme de la
chair à canon, doublé du massacre
des policiers qui s’efforçaient de
restaurer l’ordre public.
Aussitôt que cette conversation
entre Ashton et Paet a été révélée
au grand jour, les grands médias qui
contrôlent l’information en Occident
ont émis des doutes sur son
authenticité. Ils ont dégainé et
agité dans tous les sens leurs
sarcasmes et leurs slogans
anticonspirationnistes habituels.
Toutefois, les services du ministre
estonien des Affaires étrangères ont
confirmé l’authenticité de
l’enregistrement dans un communiqué
à la presse indiquant que : « La
conversation entre le ministre des
Affaires étrangères, Urmas Paet, et
la responsable des Affaires
étrangères de l’Union européenne,
Catherine Ashton, mise en ligne ce
jour sur internet, est authentique.
Il s’agit d’un échange téléphonique.
Ces paroles ont été échangées par
Urmas Paet et Catherine Ashton le 26
février, à l’issue du déplacement en
Ukraine du ministre estonien des
Affaires étrangères, immédiatement
après l’interruption des violences.
Le ministre des Affaires étrangères,
Urmas Paet, rapporte les
commentaires qu’il a faits sur les
réunions du jour précédent et
exprime ses préoccupations à propos
de la situation en cours. Monsieur
Paet a confié qu’il estimait "tout à
fait regrettable qu’une telle
interception [de son entretien
téléphonique] ait pu advenir" ».
Il est manifeste, depuis le début,
que les évènements survenus en
Ukraine ont été planifiés par des
provocateurs, des agitateurs, des
experts en « révolutions colorées »,
sortis des tiroirs du département
d’État US, de la CIA, du MI6
britannique et de l’Union
européenne. Le plan de route de
Catherine Ashton vient compléter
celui de Victoria Nuland, éventé lui
aussi malencontreusement par une
autre écoute téléphonique en janvier
dernier [2].
L’échange téléphonique entre
Geoffrey Pyatt, l’ambassadeur des
États Unis en Ukraine, et Victoria
Nuland, a révélé que
l’administration Obama était déjà en
train de sélectionner les
récipiendaires des portefeuilles du
futur gouvernement ukrainien alors
même que Catherine Ashton et Jeffrey
Feltman, son duplicata idéologique,
sous-secrétaire général de la
Commission des Affaires étrangères
de l’ONU, faisaient mine de
s’intéresser à la recherche d’une
solution négociée à la crise, avec
Ianoukovytch, le président élu
démocratiquement. Nuland, qui
exprimait son soutien à l’accession
de Iatsenyouk à la tête de l’État
ukrainien, avait manifesté tout
l’intérêt qu’elle porte à la
coopération avec ses homologues
européens en se fendant d’un « Que
l’Union européenne aille se faire
enculer ! « Elle venait de dire
à Pyatt que les États Unis
réaliseraient leurs objectifs
politiques avec le soutien
préalablement négocié et réglé de la
délégation de l’ONU. Feltman, qui
conduisait cette délégation,
emmenait dans son sillage son
patron, le secrétaire général Ban
Ki-moon, connu des journalistes de
son pays comme « l’insaisissable
anguille », un souvenir
évocateur du temps de ses anciennes
fonctions de ministre des Affaires
étrangères de la Corée du Sud, et le
diplomate Robert Serry, envoyé
spécial du secrétaire général de
l’ONU en Ukraine. Dans la même
conversation, Victoria Nuland
exprime aussi sa grande confiance en
Robert Serry, l’ancien ambassadeur
du Danemark en Ukraine, né à
Calcutta, avec un nom plutôt
inhabituel pour un Danois. Lorsqu’il
exerçait en tant que coordonnateur
spécial des Nations unies pour le
processus de paix au Proche-Orient,
Serry avait déploré les attitudes
partiales et discriminatoires envers
Israël dans l’enceinte des Nations
unies. Pareil langage ne pouvait
manquer de lui gagner les faveurs de
Nuland et Feltman, tous deux étant
connus pour leur double allégeance,
plaçant les intérêts d’Israël sur le
même plan que ceux des États-Unis.
Il est clair que ni l’échange
téléphonique de Catherine Ashton, ni
celui de Victoria Nuland, ne
devaient parvenir jusqu’aux oreilles
des masses. Pourtant, ne leur en
déplaise, grâce à des agents des
services de sécurité ukrainiens
loyaux et compétents, le monde
entier n’ignore plus rien de la
perfidie de ces deux femmes badinant
plaisamment sur la voie la plus sûre
pour précipiter l’Europe —voire le
reste de la planète— dans un
embrasement épouvantable.
Traduction
Gérard Jeannesson
Source
Strategic Culture Foundation
[1]
« La
propagande anti-ukrainienne et les
mystérieux snipers », Réseau
Voltaire, 6 mars 2014.
[2]
« Conversation
entre l’assistante du secrétaire d’État
et l’ambassadeur US en Ukraine »,
Oriental Review/Réseau Voltaire, 7
février 2014.
Article sous licence creative commons
Vous pouvez reproduire librement les
articles du Réseau Voltaire à condition
de citer la source et de ne pas les
modifier ni les utiliser à des fins
commerciales (licence
CC BY-NC-ND).
Le sommaire du Réseau Voltaire
Le dossier
Ukraine
Les dernières mises à jour

|