Réseau Voltaire
Détruire Daesh ?
Thierry Meyssan
Mercredi 29 mars 2017
Alors que Washington multiplie les
signaux confirmant son intention de
détruire Daesh, les Britanniques et les
Français, suivis par l’ensemble des
Européens, envisagent de faire bande à
part. Londres et Paris auraient
coordonné l’attaque de Damas et d’Hama
pour contraindre l’armée arabe syrienne
d’aller les défendre et de la sorte pour
affaiblir sa présence autour de Rakka.
Les Européens espèrent organiser la
fuite des jihadistes vers la frontière
turque.
La réunion de la
Coalition anti-Daesh à Washington, les
22-23 mars, s’est très mal passée. Si en
apparence les 68 membres ont réaffirmé
leur volonté de lutter contre cette
organisation, ils ont en réalité étalé
leurs divisions.
Le secrétaire d’État états-unien, Rex
Tillerson a rappelé l’engagement du
président Trump devant le Congrès de
détruire Daesh et non plus de le réduire
comme l’affirmait l’administration Obama.
Ce faisant, il a placé sans débat les
membres de la Coalition devant le fait
accompli.
Premier problème : comment les
Européens en général et les Britanniques
en particulier pourront-ils sauver leurs
jihadistes, s’il ne s’agit plus de les
déplacer, mais de les supprimer ?
Rex Tillerson, et le Premier ministre
irakien, Haïder al-Abadi, ont rendu
compte de la bataille de Mossoul. Malgré
les satisfecit, il est évident
pour tous les experts militaires qu’elle
ne sera pas terminée avant de très longs
mois. Car à Mossoul, chaque famille ou
presque a un de ses membres engagé dans
Daesh.
Au plan militaire, la situation de
Rakka est beaucoup plus simple. Les
jihadistes y sont des étrangers. Il
convient donc prioritairement de couper
leur approvisionnement, puis de les
séparer de la population syrienne.
Deuxième problème : l’armée des
États-Unis doit préalablement obtenir
l’autorisation du Congrès, puis de
Damas, pour se déployer en territoire
syrien. Les généraux James Mattis
(secrétaire à la Défense) et John
Dunford (chef d’état major interarmées)
ont tenté de convaincre les
parlementaires, mais ce n’est pas gagné.
Il faudra alors négocier avec Damas et
donc clarifier ce qui doit l’être.
À la question des Européens sur ce
que Washington ferait de Rakka libérée,
Rex Tillerson a étrangement répondu
qu’il y ferait revenir la population
déplacée ou réfugiée. Les Européens en
ont conclu que cette population étant
massivement favorable à Damas,
Washington a l’intention de restituer ce
territoire à la République arabe
syrienne.
Prenant la parole, le ministre des
Affaires étrangères portugais, Augusto
Santos Silva, a souligné que cette
proposition allait à l’encontre de ce
qui avait été décidé précédemment. Les
Européens ont le devoir moral, a-t-il
souligné, de poursuivre leur effort de
protection envers les réfugiés qui ont
fui la « dictature sanguinaire ». Or,
même libérée, Rakka ne sera pas une zone
sûre, du fait de l’armée arabe syrienne
qui serait pire que Daesh.
Le choix par les Européens de confier
cette intervention au Portugal n’est pas
neutre. L’ancien Premier ministre
portugais dont Santos Silva a été
ministre, António Guterres, est l’ancien
haut-commissaire pour les Réfugiés et
l’actuel secrétaire-général de l’Onu. Il
avait été aussi président de
l’Internationale socialiste, une
organisation entièrement contrôlée par
Hillary Clinton et Madeleine Albright.
Bref, il est aujourd’hui le paravent de
Jeffrey Feltman à l’Onu et du clan
belliciste.
Troisième problème : libérer Rakka de
Daesh, certes, mais, selon les
Européens, pas pour la restituer à
Damas. D’où la surenchère française.
Immédiatement, on a vu les jihadistes
de Jobar attaquer le centre de la
capitale et ceux d’Hama attaquer des
villages isolés. Peut-être s’agit-il
pour eux d’une tentative désespérée afin
d’obtenir un lot de consolation à Astana
ou à Genève avant la fin de la partie.
Peut-être s’agit-il d’une stratégie
coordonnée par Londres avec Paris.
Dans ce cas, on devrait s’attendre à
une vaste opération des puissances
coloniales à Rakka. Londres et Paris
pourraient attaquer la ville avant
qu’elle ne soit encerclée de manière à
contraindre Daesh à se déplacer et ainsi
le sauver. Daesh pourrait se replier à
la frontière turque, voire en Turquie
même. L’organisation deviendrait alors
le liquidateur des kurdes pour le compte
de Recep Tayyip Erdoğan.
Thierry Meyssan
Consultant
politique, président-fondateur du
Réseau Voltaire et de la conférence
Axis for Peace. Dernier ouvrage en
français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007). Compte
Twitter officiel.
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