Les États-uniens
vont-ils reconquérir leur liberté ?
Trump : le 11-Septembre, ça suffit !
Thierry Meyssan
Mardi 24 janvier 2017
Donald Trump a refusé d’endosser les
habits présidentiels de ses
prédécesseurs et a consacré son discours
d’investiture à brocarder le Système et
à annoncer un changement de paradigme.
Il a constitué son équipe de Sécurité
autour de deux thèmes : l’éradication de
Daesh et l’opposition au 11-Septembre ;
deux caractéristiques qui visent à
mettre un terme au processus de
globalisation.
Le président Donald Trump a été investi,
le 20 janvier 2017. Alors qu’il venait
juste de prêter serment et n’a donc pas
pu faire quoi que ce soit de bien ou de
mal, les sponsors d’Hillary Clinton ont
organisé le lendemain une gigantesque
manifestation contre lui à Washington.
Preuve que ce qui est en jeu ne concerne
pas uniquement les États-Unis, des
manifestations identiques ont eu lieu
dans de nombreux pays, notamment au
Royaume-Uni. Bien sûr, les manifestants
ne réagissent à aucun acte en
particulier, mais se contentent
d’exprimer leur angoisse. Beaucoup
portaient des pancartes : « Je suis
terrifié ».
Donald Trump, que ses adversaires
présentent comme un personnage
fantasque, dépourvu de ligne de
conduite, a indiqué depuis longtemps ce
qu’il compte faire. Il l’a d’abord
montré, puis l’a dit, de manière à la
fois allusive et claire : il entend
restituer au Peuple états-unien le
Pouvoir qui lui a été confisqué le 11
septembre 2001 [1].
Avant même de se lancer dans la
compétition électorale, Donald Trump a
tenté d’ouvrir le dossier de ce Pouvoir
usurpé en sponsorisant le mouvement pour
la vérité sur la naissance du président
Barack Obama [2]
Il a montré, en s’appuyant sur le
témoignage de la grand-mère du
président, puis sur l’absence
d’enregistrement dans les registres
d’Hawaï, puis encore sur les
irrégularités du certificat officiel,
que celui-ci est né sujet de la Couronne
britannique au Kenya.
Pourtant, au cours de la campagne
électorale, lorsqu’il a acquis
l’impression qu’il pouvait la gagner, il
a clos ce dossier et s’est abstenu de
toute provocation à l’égard du
président. Il a cessé toute allusion à
la dyarchie du Pouvoir. Il a par contre
concentré son message sur l’usurpation
du Pouvoir réel par une coterie dont
Hillary Clinton est la porte-parole
visible.
Ses prises de position qui n’ont aucun
sens au regard des clivages
traditionnels, que ce soit en matière de
politique extérieure —est-il
interventionniste ou isolationniste ?—
ou d’économie —est-il libre-échangiste
ou protectionniste ?—, sont au contraire
limpides pour ceux qui souffrent de
l’usurpation du Pouvoir [3].
Il n’a cessé de répéter, de manière
assez claire pour être soutenu par ses
concitoyens, mais de manière assez
allusive pour éviter le choc frontal,
que toutes les décisions prises depuis
le 11-Septembre étaient illégitimes. Ce
qui n’a rien à voir avec l’antagonisme
entre Républicains et Démocrates,
puisque ces décisions ont été avalisées
par le Républicain Bush Jr. et le
Démocrate Obama. Au contraire, cela à
voir avec un clivage civilisationnel
ancien entre la caste qui a fermé les
yeux sur le 11-Septembre et ceux qui
s’en sont trouvés écrasés, entre les
adeptes du Puritanisme du Mayflower
et ceux de la Liberté [4].
Contrairement à ses prédécesseurs, il a
écrit lui même son discours
d’investiture et l’a centré sur ceci :
« La cérémonie d’aujourd’hui a un sens
très particulier, car il ne s’agit pas
seulement de transférer le pouvoir d’une
administration à une autre ou d’un parti
à un autre. (…) Ce qui compte vraiment,
ce n’est pas qui détient le pouvoir au
gouvernement, mais le fait que le
gouvernement est entre les mains du
peuple américain » [5].
Dès le premier jour, et contrairement
à la tradition US, il a mis en place une
équipe de Sécurité nationale composée de
grands soldats : les généraux James
Mattis, John Kelly et Michaël Flynn.
Alors que la presse la présente comme un
ramassis incohérent de personnalités
choisies indépendamment les unes des
autres, il l’a au contraire composée
pour reprendre le Pouvoir confisqué par
une faction du complexe
militaro-industriel.
Le nouveau secrétaire à la Défense,
le général James Mattis, a été confirmé
par le Sénat et a prêté serment. Il est
considéré par ses pairs comme un érudit
et un des meilleurs stratèges de sa
génération. Durant la campagne
électorale, il avait été sollicité pour
se présenter au nom du Parti républicain
contre Trump. Il avait un instant
hésité, avait découvert les dessous de
la politique à Washington, puis s’était
retiré de la compétition sans
explications [6].
Son retour a été chaleureusement
accueilli au sein des armées, d’autant
que les militaires ont voté aux
deux-tiers pour Donald Trump. Durant les
deux dernières années, Mattis était
chercheur à la Hoover Institution (think-tank
républicain basé à l’université de
Stanford). Il y a poursuivi une étude
sur les relations entre civils et
militaires qui atteste de sa volonté de
remettre les armées au service du
Peuple.
À son arrivée au Pentagone, Mattis a
diffusé un court Mémorandum dans
lequel il affirme que « les militaires
et les agences de Renseignement sont les
sentinelles et les gardiens de la
Nation » ; une phrase qui vise à la fois
à apaiser le conflit qui a opposé Trump
à propos de la Russie au directeur
sortant de la CIA, John O. Brennan, et à
réorienter le travail des forces de
sécurité vers la défense de la Nation
plutôt que la poursuite de la chimère
impériale ou la protection des intérêts
des multinationales [7].
Le directeur de la CIA, Mike Pompeo,
étant toujours en attente de sa
confirmation par le Congrès, le
président Trump s’est lui-même déplacé à
la CIA. Tout en parlant de choses et
d’autres, il a clairement fixé le cap :
« éradiquer le terrorisme islamique de
la surface de la Terre » [8].
Il a semblé connaître les débats qui ont
agité l’Agence depuis quatre ans sur la
folie de soutenir Daesh ; des débats qui
valurent à son conseiller de Sécurité
nationale, le général Michaël Flynn, son
poste de directeur du Renseignement
militaire. Trump n’a pas fait mention de
la polémique sur une éventuelle
ingérence russe dans la campagne
électorale états-unienne et encore moins
sur le rôle d’« agents russes » que la
presse a attribué à son ancien directeur
de campagne, Paul Manafort, et à deux
autres de ses conseillers, Carter Page
et Roger Stone.
En l’absence de Pompeo, le président n’a
pas abordé la question de la réforme
structurelle de la CIA. Le Mémorandum
du général Mattis, la présence du
général Flynn aux côtés de Trump et la
manière dont ce dernier a fait l’éloge
de Pompeo —brillant élève de l’académie
militaire de West Point—, donnent
l’impression que cette nouvelle équipe
entend placer la CIA dans l’orbite du
Pentagone plutôt que dans celle du
secrétariat d’État ; une option qui vise
à couper les moyens d’intervention
d’Hillary Clinton, toujours influente
dans son ancien secrétariat.
Donald Trump a demandé à une
cinquantaine de membres de
l’administration Obama de rester à leur
poste. Parmi eux :
Brett
McGurk, l’envoyé spécial auprès de la
Coalition anti-Daesh ;
Adam
Szubin, le sous-secrétaire au Trésor
chargé de lutter contre le financement
du terrorisme ;
Nicholas
J. Rasmussen, le directeur du Centre
national anti-terroriste ;
Dab
Kern, chef de l’état-major particulier
de la Maison-Blanche.
Il semble donc que la Maison-Blanche
tienne à disposer immédiatement d’une
équipe en capacité de lutter contre
Daesh.
Le chef d’état-major interarmées, le
général Joe Dunford, a annoncé qu’il se
tenait prêt pour présenter au président
Trump diverses options d’attaque de
Daesh. L’une d’entre elles consiste à
prendre Rakka avec 23 000 mercenaires
arabes, déjà formés par le Pentagone.
Dunford était à Paris, le 16 janvier, où
il a présidé une réunion des chefs
d’état-major de la Coalition.
Quoi que décide Donald Trump, il lui
faudra tenir compte du fait que le
Califat a été lourdement armé par
l’administration Obama. Daesh dispose en
outre d’une expérience du combat dont
les nouveaux mercenaires du Pentagone
sont dépourvus. En outre, avant
d’attaquer Rakka, il devra décider quel
avenir il entend favoriser en Irak et en
Syrie.
Le président Trump a nommé son
secrétaire à la Sécurité de la Patrie,
le général John Kelly, qui a été
confirmé par le Sénat et a pris ses
fonctions. Selon la presse US —une
source dans l’ensemble peu fiable et à
prendre avec grande précaution— cet
ancien patron du SouthCom aurait été
choisi en raison de sa connaissance de
la frontière mexicaine et des enjeux qui
s’y rapportent. Peut-être.
Cependant il pourrait y avoir une
autre raison : Kelly était l’adjoint de
Mattis en Irak. En 2003, tous deux sont
entrés en conflit avec Paul Bremer III,
le patron de l’Autorité provisoire de
la Coalition —qui, contrairement à
ce que laisse supposer son appellation
ne dépendait pas de la Coalition, mais
des hommes qui organisèrent le
11-Septembre [9]—.
Ils se sont également opposés à la
guerre civile que John Negroponte avait
décidé d’organiser pour détourner la
Résistance irakienne de la lutte contre
l’Occupant en créant l’Émirat islamique
en Irak (futur Daesh). Au contraire,
Mattis & Kelly ont tenté d’honorer les
chefs des tribus du centre de l’Irak
afin de ne plus être perçus comme des
occupants. Ils se sont alors appuyés sur
le chef du renseignement militaire US en
Irak, Michaël Flynn. Les trois hommes
s’étaient finalement inclinés devant les
ordres de la Maison-Blanche.
Le général Michaël Flynn a été nommé
conseiller de Sécurité nationale de
Donald Trump. Ce poste n’ayant pas à
être approuvé par le Sénat, il est
immédiatement entré en fonctions. Nous
l’avons déjà présenté à nos lecteurs
comme le défenseur des États-Unis en
tant que Nation, et à ce titre, comme le
principal opposant à l’usage du
terrorisme islamique par la CIA [10].
Cherchant par tous les moyens à
diminuer son autorité, Hillary Clinton
et son directeur de campagne John
Podesta ont fait courir le bruit que lui
ou son fils, Michaël Flynn Jr., ne
sauraient pas tenir leur langue et nous
auraient aidés à rédiger un article sur
la réforme du Renseignement [11].
Au cas où cette imputation gratuite ne
suffirait pas, ils ont utilisé un tweet
de Michaël Jr. renvoyant à un de nos
articles pour accuser les deux hommes de
« conspirationnisme » —c’est-à-dire de
vouloir faire la lumière sur les
évènements du 11-Septembre— [12].
Contrairement à ce que prétend la
presse états-unienne, les généraux
Flynn, Mattis & Kelly se connaissent
depuis longtemps et servent le même
objectif —ce qui ne veut pas dire que
les relations seront toujours faciles
entre eux—. Seuls des officiers
supérieurs de cette envergure sont
capables d’aider le président Donald
Trump à reprendre le Pouvoir usurpé
depuis le 11 septembre 2001. Pour
réussir, il leur faudra nettoyer le
Pentagone et les institutions
internationales qui ont été noyautées,
l’Otan, l’Union européenne et l’Onu.
Les millions de gens qui ont
manifesté contre le président Donald
Trump ont eu raison de dire leur
frayeur. Non pas que le nouvel hôte de
la Maison-Blanche soit misogyne, raciste
et homophobe —ce qu’il n’est pas—, mais
parce que nous arrivons au moment du
dénouement. Il est plus que probable que
le Pouvoir usurpé ne se laisse pas
démettre sans réagir.
Cet affrontement n’aura pas lieu
cette fois au Moyen-Orient élargi, mais
bien en Occident et particulièrement aux
États-Unis.
[1]
L’Effroyable Imposture suivi de Le
Pentagate, par Thierry
Meyssan, Editions Demi-Lune,
première édition 2003.
[2]
« La
Cour suprême appelée à suspendre
l’élection de Barack Obama », « En
1979, l’administration US
considérait Obama comme étranger »,
« Barack
Obama publie un certificat de
naissance retouché sur le site de la
Maison-Blanche », Réseau
Voltaire, 9 décembre 2008, 16
février 2010 et 5 mai 2011.
[3]
« 15
ans de crimes », par Thierry
Meyssan, Réseau Voltaire, 12
septembre 2016.
[4]
« Les
États-Unis vont-ils se réformer ou
se déchirer ? », par Thierry
Meyssan, Réseau Voltaire, 25
octobre 2016.
[5]
« Discours
d’investiture de Donald Trump »,
par Donald Trump, Réseau Voltaire,
21 janvier 2017.
[6]
« Mattis
contre Trump », par Thierry
Meyssan, Al-Watan (Syrie) ,
Réseau Voltaire, 3 mai 2016.
[7]
“James
Mattis Memo”, by James Mattis,
Voltaire Network, 21 January
2017.
[8]
“Donald
Trump at CIA Headquaters”, by
Donald Trump, Voltaire Network,
21 January 2017.
[9]
« Qui
gouverne l’Irak ? », par Thierry
Meyssan, intervention à la
Conférence internationale de
solidarité avec la Résistance
irakienne, Réseau Voltaire,
13 mai 2004.
[10]
« Michael
T. Flynn et l’islam », par
Thierry Meyssan, Al-Watan
(Syrie) , Réseau Voltaire, 22
novembre 2016.
[11]
« La
réforme du Renseignement selon le
général Flynn », par Thierry
Meyssan, Contralínea
(Mexique) , Réseau Voltaire,
27 novembre 2016.
[12]
« Podesta
& Clinton contre Flynn »,
Réseau Voltaire, 18 janvier
2017.
Thierry Meyssan
Consultant
politique, président-fondateur du
Réseau Voltaire et de la conférence
Axis for Peace. Dernier ouvrage en
français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007). Compte
Twitter officiel.
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