Réseau Voltaire
Pourquoi Trump a-t-il bombardé Cheyrat ?
Thierry Meyssan
Mardi 2 mai 2017
Contrairement aux apparences,
l’administration états-unienne, loin de
se comporter de manière erratique, tente
de fixer le cadre de sa politique
étrangère. Le président Donald Trump
mène des négociations avec un
porte-parole de l’État profond qui
gouverne son pays depuis le 11-Septembre
2001. Il semble qu’ils aient trouvé le
cadre d’un accord, dont les détails
restent à préciser. Des membres de
l’administration devraient clarifier la
nouvelle politique étrangère de la
Maison-Blanche, fin mai, devant une
Commission du Congrès.
Lors du bombardement de Cheyrat, j’avais
observé qu’il ne s’agissait que d’une
gesticulation et que le secrétaire
d’État avait utilisé cette attaque pour
faire pression sur ses alliés européens
et contraindre les vrais organisateurs
de cette guerre, le Royaume-Uni, à se
dévoiler. Cependant, on en sait un peu
plus aujourd’hui.
Le président Trump, qui doit faire
face à la fois à l’opposition de la
classe dirigeante de son pays et à celle
de l’État profond US, a utilisé cette
attaque pour « restaurer la
crédibilité » (sic) de la
Maison-Blanche.
Le président Obama, avait accusé la
Syrie, à l’été 2013, d’avoir utilisé des
gaz de combats dans la Ghouta et d’avoir
ainsi franchi une « ligne rouge ».
Pourtant, il n’en avait tiré aucune
conséquence et s’était abrité derrière
le Congrès pour ne rien faire. Son
impuissance était d’autant plus visible
qu’en vertu de la déclaration de guerre
de 2003 (le « Syrian Accountability Act »),
il avait tout pouvoir de bombarder la
Syrie sans une nouvelle autorisation du
Parlement.
En accusant à son tour la Syrie
d’avoir utilisé des gaz de combat, cette
fois à Khan Cheikhoun, et en la
bombardant sans attendre, Donald Trump
aurait donc fait preuve de la
« crédibilité » qui manquait à son
prédécesseur.
Conscient que, ni dans la Ghouta, ni
à Khan Cheikhoun, la Syrie n’était
coupable, il s’est débrouillé pour faire
prévenir à l’avance l’Armée arabe
syrienne qui a pu évacuer la base avant
la frappe.
Sur ce, il a entamé des négociations
avec l’État profond US, tout au moins
avec un de ses porte-parole, le sénateur
John McCain. Un représentant d’Israël,
le sénateur Lindsey Graham, a assisté
aux discussions.
Les Européens seront évidemment
surpris d’apprendre que Donald Trump
s’est comporté en « seigneur de guerre »
pour se poser en président d’un État
membre de l’Onu. Il convient de
conserver à l’esprit le contexte
particulier des États-Unis où l’État
profond est d’abord composé de
militaires et accessoirement de civils.
Selon nos informations, il semble que
le président Trump ait accepté de
renoncer —pour le moment— au
démantèlement de l’Otan et de son volet
civil, l’Union européenne. Cette
décision implique que Washington
continue à considérer —ou à feindre de
considérer— que la Russie est son ennemi
principal. De son côté l’État profond US
aurait accepté de renoncer à soutenir
les jihadistes et à poursuivre le plan
britannique des « printemps arabes ».
Pour sceller cet accord, deux
personnalités néo-conservatrices
devraient entrer prochainement dans
l’administration Trump et y diriger la
politique européenne :
Kurt
Volker, le directeur du McCain Institute
(université d’État d’Arizona) serait
nommé directeur du bureau Eurasie au
secrétariat d’État. Volker, un ancien
juge militaire, avait été l’ambassadeur
du président Bush Jr. à l’Otan durant la
guerre de Géorgie (août 2008).
Tandis
que Tom Goffus, un des assistants de
McCain à la Commission sénatoriale des
Forces armées, serait nommé assistant
adjoint du secrétaire à la Défense
chargé de l’Europe et de l’Otan. Goffus
est un officier de l’Armée de l’Air qui
avait déjà occupé ce type de fonctions
auprès d’Hillary Clinton et au Conseil
national de Sécurité.
En ce qui concerne la Syrie, cet
accord, s’il est ratifié par les deux
parties, devrait marquer la fin de la
guerre des États-Unis contre la
République arabe syrienne ; guerre qui
se poursuivrait à l’initiative du
Royaume-Uni et d’Israël, avec leurs
alliés (Allemagne, Arabie saoudite,
France, Turquie, etc.). Petit à petit,
les prétendus « Amis de Syrie », qui
rassemblaient 130 États et organisations
internationales en 2012, se réduisent.
Ils ne sont plus que 10 aujourd’hui.
Source
Al-Watan (Syrie)
Thierry Meyssan
Consultant
politique, président-fondateur du
Réseau Voltaire et de la conférence
Axis for Peace. Dernier ouvrage en
français :
L’Effroyable imposture : Tome 2,
Manipulations et désinformations
(éd. JP Bertand, 2007). Compte
Twitter officiel.
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