Infos d'Alahed
Les chemins de Damas, ou les
incohérences
de la politique française en Syrie
Soraya Hélou
Vendredi 7 novembre 2014
Au moment où le ministre français des
Affaires étrangères Laurent Fabius
appelle au sauvetage d'Alep, estimant
que cette ville syrienne est prise entre
les feux croisés du régime et de «Daech»,
un ouvrage écrit par deux journalistes
français Christian Chesnot et Georges
Malbrunot dénonce les couacs de la
diplomatie française et ses relations
ambigües avec la Syrie. L'importance de
ce livre intitulé «Les chemins de Damas»
n'a d'ailleurs pas échappé au leader
druze Walid Joumblatt qui en a offert
une copie à l'ancien directeur de la
Sûreté générale Jamil Sayyed en guise de
«réconciliation». Cet ouvrage expose
donc les relations franco-syriennes,
dans toute leur complexité et dans leurs
contradictions, jetant un regard
critique sur la politique française en
Syrie, qualifiée «d'émotive et
improvisée aboutissant à l'impasse
actuelle». En effet, la France est
aujourd'hui le pays occidental le plus
engagé dans la guerre contre le régime
syrien, alignant sa position sur celle
de l'Arabie et de la Turquie, bien plus
que sur celle des Etats-Unis. Cette
politique qui tient aujourd'hui plus de
l'entêtement que de la raison serait
donc en contradiction avec les intérêts
de la France dans la région, d'autant
que dans les bureaux bien fermés des
diplomates français, nombre d'entre eux
reconnaissent que la France s'est
trompée en sous estimant la force de
Bachar Assad et sa capacité à se
maintenir au pouvoir.
L'ouvrage ne se livre pas à des
analyses, il ne fait que relater des
faits en se basant sur des témoignages
inédits. Chaque chapitre en est
intéressant mais il y en a un qui
intéresse particulièrement le Liban et
les Libanais et il est consacré à la
politique française après l'assassinat
du Premier ministre Rafic Hariri. Sur la
base d'informations précises, les deux
auteurs relatent ainsi l'acharnement du
président français de l'époque Jacques
Chirac à vouloir mettre en cause le
régime de Bachar Assad dans cet
assassinat et son intérêt à trouver dans
le faux témoin Mohammed Zouhair Siddiq
une preuve impliquant le régime syrien.
Les auteurs racontent dans ce contexte
que Siddiq a été interrogé par les
services français et comme il affirmait
travailler avec le chef des
renseignements militaires syriens Hassan
Khalil, les enquêteurs, parmi lesquels
il y avait des agents de la CIA, ont
cherché à vérifier ses dires en lui
montrant des photos dans lesquelles il
était sensé identifier un collaborateur
de Khalil, en vain... Les auteurs
parlent aussi de la reconstitution en
France de la scène du crime autour du
saint Georges qui a coûté une somme
énorme. Les travaux se font dans le plus
grand secret et la France préfère mettre
en avant le TSL. Mais en réalité, non
seulement elle est impliquée dans cette
reconstitution, mais elle cache aussi le
fait que «pour la première fois depuis
trente ans, une escadre israélienne
effectue des manœuvres aériennes dans le
ciel français dans la base voisine du
lieu de la reconstitution du crime. Plus
même, les avions israéliens ont bravé
les interdits et effectué des survols du
lieu»... Les autorités françaises
savaient parfaitement qu'il s'agissait
ainsi d'une violation flagrante du
secret du travail du TSL et malgré cela,
elles ont tout fait pour la dissimuler
pour ne pas prendre le risque de
discréditer l'action de ce tribunal. Il
est clair ainsi que sur la base des
instructions du président Chirac, les
autorités françaises se sont
pratiquement acharné contre le président
Assad dans leur volonté de l'accuser à
tout prix de l'assassinat de Rafic
Hariri. Mais en même temps, la France a
continué à livrer à la Syrie des
hélicoptères dauphin, tout en
fournissant à l'entourage du président
syrien un système de communications
sécurisé... Ce n'est pas la seule
contradiction dans les franco-syriennes
si complexes. Plus tard, juste avant que
la crise syrienne commence, les
relations étaient au beau fixe et
l'ambassadeur de France à Damas Eric
Chevalier n'était pas peu fier
d'accueillir le Tout Damas dans les
réceptions qu'il organisait et
brusquement, le régime est devenu
infréquentable et le même ambassadeur
est devenu un des proches conseillers de
l'opposition...
Bien documenté, l'ouvrage ne cherche pas
à défendre le régime syrien. Il veut
surtout mettre au grand jour les
errances et les incohérences de la
politique française dans ce pays
pourtant clé dans la région. Une leçon à
tirer pour ceux qui se font encore des
illusions sur la politique d'un grand
pays qui n'a plus de stratégie et qui
est soumis aux émotions des responsables
et aux besoins immédiats d'une économie
en crise...
Source : French.alahednews
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