Opinion
Du changement dans l’air au royaume
wahhabite
Soraya Hélou
Jeudi 6 février 2014
L'émission quasi quotidienne de Daoud
Cheriane sur MBC one avait commencé par
paver la voie. Car celui qui croit que
la liberté de presse existe au royaume
wahhabite se trompe gravement. Le
journaliste vedette avait commencé par
publier il y a une dizaine de jours la
liste de quatre cheikhs du royaume qui
appellent les jeunes saoudiens à
s'enrôler pour le jihad en Syrie. Daoud
Cheriane avait condamné cette pratique
et ouvert même son micro à des mères qui
protestaient contre l'envoi de leurs
enfants vers la Syrie pour y combattre.
Quelques jours plus tard, la nouvelle du
départ du chef des SR saoudiens l'émir
Bandar ben Sultan vers les Etats-Unis,
en principe pour y subir une
intervention chirurgicale, a été publiée
dans les médias et hier c'était enfin
l'annonce d'un ordre du roi Abdallah qui
interdit l'envoi des Saoudiens se battre
en Syrie et la condamnation de ceux qui
le font à une peine allant de 3 à 30 ans
de prison. Ces éléments, mis bout à
bout, poussent certains observateurs à
croire que quelque chose est en train de
changer au royaume wahabite et qu'il y a
un changement de politique dans l'air
qui se traduirait par la mise à l'écart
de l'axe radical qui veut continuer à
mettre tout son poids pour obtenir la
chute du régime syrien pour le remplacer
par un axe moins engagé dans la crise
syrienne qui est représenté par l'émir
Moqren ben Abdel Aziz et les deux fils
du roi actuel Abdel Aziz et Métiib. Bien
entendu, il s'agit encore d'informations
non confirmées, mais tous les échos en
provenance d'Arabie font mention d'un
vent de changement. Bien entendu, ce
changement serait plus dans la forme que
le fond, car les associations
religieuses poussant au «Jihad» sont
légion en Arabie et il est très
difficile de mettre un terme à leur
activité ou de réduire leur influence
dans un délai rapide, mais le roi
Abdallah aurait compris que la politique
suivie actuellement par ceux à qui il a
confié la politique étrangère du royaume
est en train de mener celui-ci vers une
série de pertes et d'échecs.
Sans aller jusqu'à accepter la main
tendue par l'Iran, le roi Abdallah et
ses conseillers chercheraient un moyen
d'amorcer un virage dans la politique
générale du pays. D'autant que les
attentats perpétrés par des takfiristes
en Russie ont poussé le président russe
Vladimir Poutine à pointer ouvertement
du doigt Riyad en accusant les kamikazes
d'être venus du royaume. Ces actions ne
peuvent en aucun cas être couvertes par
les alliés des Saoudiens, notamment les
Américains, en période de négociations
en vue d'une entente globale entre les
Etats-Unis et la Russie. Passe encore
lorsque les takfiristes font des
attentats en Syrie, voire au Liban, mais
là, c'est aller trop loin. Tout comme le
double attentat contre l'ambassade
d'Iran à Beyrouth est considéré aussi
comme une grave faute diplomatique, à un
moment où l'attitude de l'Occident à
l'égard de la République islamique est
en train de changer lentement, mais
sûrement. D'autant qu'aussi bien l'Iran
que le Hezbollah au Liban ont
ouvertement dénoncé une implication des
SR saoudiens dans cet attentat. Ces
éléments, ainsi que la condamnation
désormais quasiment unanime du
terrorisme takfiriste, dans lequel d'une
manière ou d'une autre, l'Arabie est
impliquée, pousse les dirigeants du
royaume à mettre un bémol à l'influence
de ce courant qui a encouragé et
généralisé cette politique d'appui aux
courants extrémistes dans le monde pour
consolider l'influence de l'Arabie.
Avant d'être ouvertement mise en cause,
Riyad aurait donc choisi de jeter un peu
de lest. C'est notamment pourquoi elle a
accepté de laisser la coalition syrienne
participer à la conférence de Genève 2
et elle a choisi de ne pas s'opposer à
la formation d‘un gouvernement politique
au Liban, dans lequel le Hezbollah
serait représenté. En même temps, elle a
décidé de lâcher Daech, tout en
maintenant en place et en renforçant le
Front islamique ( qui regroupe pourtant
des factions extrémistes) dans l'espoir
qu'il soit plus toléré et qu'il soit
accepté comme interlocuteur au nom de
l'opposition syrienne. Mais tout cela
exige encore beaucoup de temps. Pour
l'instant, le plus urgent pour le
royaume saoudien c'est de donner des
signes de bonne volonté à la veille de
la visite du président américain à Riyad
annoncée pour le mois de mars...
Source : Al-Ahednews
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