RPL
Pour le Hezbollah,
la candidature d'Aoun est « sacrée » !
Scarlett Haddad - O.L.J.
Photo: RPL
Jeudi 28 janvier 2016
Dix jours après « l'annonce
de Meerab », l'effet de surprise est
passé. Le tableau devient de plus en
plus clair avec l'insistance des Forces
libanaises, et de leur chef, à vouloir
placer la balle dans le camp du
Hezbollah, dans une tentative évidente
de semer le trouble entre cette
formation et le CPL. Le discours des
Forces libanaises – et des médias qui en
sont proches – est clair et se résume
ainsi : maintenant que Samir Geagea a
fait ce pas énorme, qu'attend donc le
Hezbollah pour suivre la tendance et
faire pression sur ses alliés pour faire
élire Michel Aoun à la présidence ?
Toutes les autres inconnues sont ainsi
occultées pour mettre en cause
l'alliance entre le Hezbollah et le CPL,
comme si c'est là que se trouve le nœud
et... la solution. Non seulement cette
approche n'est pas réaliste, mais elle
est aussi réductrice pour les alliés du
Hezbollah. Pour l'instant, la formation
chiite se contente de déclarer qu'elle
n'est pas tenue de répondre aux
accusations des Forces libanaises et de
leurs médias et elle n'a donc pas à se
justifier. Les cadres du parti ont ainsi
reçu des instructions précises de ne pas
aborder la question présidentielle dans
leurs interventions devant les médias.
Seul le député Ali Fayad a déclaré lundi
que, pour le Hezbollah, la candidature
de Michel Aoun « est sacrée ». Ce qui
devrait lui donner aux yeux des
partisans du Hezbollah une dimension
religieuse qui la place au-dessus de la
politique et même de la stratégie.
La question qui se pose toutefois est la
suivante : pourquoi, dans ce cas, le
Hezbollah ne saisit-il pas l'occasion
fournie par le chef des FL et ne fait-il
pas le nécessaire pour faire élire
Michel Aoun à la présidence ? Des
sources proches de ce parti fournissent
quelques explications non officielles.
Les considérations du Hezbollah seraient
ainsi à la fois internes et régionales.
Sur le plan interne, le Hezbollah ne
voudrait pas avoir l'air de suivre les
instructions du chef des Forces
libanaises qui continue d'être le fer de
lance de la campagne médiatique et
politique menée contre lui. Il n'est
donc pas question pour le Hezbollah de
donner tout le crédit de l'élection de
Michel Aoun à la présidence au chef des
Forces libanaises. Si ce dernier veut se
réconcilier avec Aoun et préparer une
alliance électorale avec lui, au niveau
de la base chrétienne, tout en cherchant
à se réserver une place dans le tableau
politique, indépendamment des
développements régionaux, il a toute la
latitude pour le faire.
Mais cela ne signifie pas que le
Hezbollah doit obtempérer et consacrer
Samir Geagea comme « le faiseur de
président ». De plus, le Hezbollah ne
considère pas que ses relations avec ses
alliés sont basées sur le concept
hiérarchique, comme s'il était le chef
et les alliés les subordonnés. Chacun a
donc ses intérêts propres et ses
considérations mais tous sont d'accord
sur la vision stratégique. Tout comme le
Hezbollah ne se sentait pas obligé de
donner son avis sur l'initiative de Saad
Hariri de faire de Sleiman Frangié son
candidat à la présidence, alors que
cette annonce n'a pas été officialisée,
il ne se sent pas non plus obligé de
réagir à l'initiative de Samir Geagea,
tant qu'il y a encore des obstacles
venant du 14 Mars qui se dressent devant
l'élection d'Aoun. Enfin, toujours sur
le plan des considérations internes, le
Hezbollah continue d'estimer que la
présidence n'est qu'une partie de
l'accord et que ce dernier doit être
global. Il faut donc s'entendre sur les
principaux dossiers litigieux avant de
se rendre au Parlement pour élire un
président.
Ces dossiers sont aussi bien la
présidence du Conseil que la formation
du gouvernement et la loi électorale. Or
jusqu'à présent, les concessions faites
par le courant du Futur, en acceptant la
candidature de Frangié, et par les
Forces libanaises en acceptant celle de
Michel Aoun, se limitent au seul dossier
présidentiel. Pour cette raison, le
Hezbollah, qui n'a pas été habitué à
être ménagé par les protagonistes du 14
Mars, flaire un piège qui consisterait à
vouloir l'isoler ou le neutraliser sur
la scène interne. Il craint en effet
qu'il s'agisse de jeter en quelque sorte
de la poudre aux yeux en donnant la
présidence à un de ses deux alliés, pour
exiger en contrepartie des concessions
sur le fond et sur les rapports des
forces politiques internes.
Certaines rumeurs font ainsi état d'un
objectif caché de la part de Saad Hariri
en acceptant la candidature de Frangié,
celui d'avoir un président affaibli
après la chute de son allié Bachar el-Assad,
au point de devenir au mieux « un autre
Michel Sleiman » ou au pire « un autre
Émile Lahoud ». De même, pour Geagea, il
s'agirait d'appuyer Michel Aoun pour
l'éloigner du Hezbollah et du 8 Mars.
Tout en étant convaincu que ces
intentions cachées, si elles existent,
sont irréalistes, le Hezbollah préfère
rester méfiant et attendre sans faire de
vagues que l'élan donné par cette double
initiative retombe, sans avoir à prendre
des initiatives controversées avec ses
alliés. Selon des sources proches du
Hezbollah, ce dernier reste persuadé que
la candidature de Michel Aoun à la
présidence est un choix stratégique qui
s'imposera de lui-même en temps voulu au
cours des prochains mois. L'acceptation
par le 14 Mars de deux candidats issus
de l'alliance entre le 8 Mars et le CPL
ne serait donc qu'un début. Qui aurait
imaginé il y a quelques mois encore
qu'une telle option était possible ?...
Il s'agit donc pour le Hezbollah
d'attendre, car la situation tant
interne que régionale évolue en faveur
de ses choix.
Le
dossier Liban
Les dernières mises à jour
|