LE CRI DES PEUPLES
Pourquoi le plan de Trump ne sauvera pas
Israël
Tim Anderson
WASHINGTON, DC -
JANUARY 28: U.S. President Donald Trump
and Israeli Prime Minister Benjamin
Netanyahu participate in a joint
statement in the East Room of the White
House on January 28, 2020 in Washington,
DC. The news conference was held to
announce the Trump administration's plan
to resolve the Israeli-Palestinian
conflict. (Photo by Sarah Silbiger/Getty
Images)
Jeudi 30 janvier 2020 Source :
https://ahtribune.com/world/north-africa-south-west-asia/palestine/3846-trump-cant-save-israel.html
Traduction :
lecridespeuples.fr
(Les références
bibliographiques entre parenthèses sont
détaillées en fin d’article)
Malgré la
démonstration de force apparente de
Trump avec son plan cynique censé
conduire le Proche-Orient « De la Paix à
la prospérité », la réalité est qu’il
est en train d’aider Netanyahou à
détruire Israël, la colonie européenne
implantée en Palestine.
L’envoyé
palestinien en Grande-Bretagne, Husam
Zomlot, a déclaré que l’annonce était
une « pièce de théâtre politique » et
pousserait la situation « dans le
gouffre et dans l’Apartheid». Le Hamas a
rejeté ce plan comme un « non-sens » (RT
2020). Netanyahu, qui a toujours œuvré à
réaliser le projet de « Grand Israël »,
a déclaré que l’État sioniste devait à
Kushner et à Trump « une dette éternelle
de gratitude. »
Le plan « De la
paix vers la prospérité » de Trump («
Une vision pour améliorer la vie des
peuples palestinien et israélien ») est
une version révisée du plan Kushner de
2019 (le soi-disant « Accord du siècle
»), qui offrait une promesse illusoire
de tombereaux d’argent sur le long terme
(principalement de l’argent arabe du
Golfe) en échange d’une reddition
politique totale. La nouvelle version
parle d’une « solution réaliste à deux
États » – parce que « Israël aurait
maintenant accepté les termes d’un futur
État palestinien », à savoir un
minuscule État fantoche dans lequel
s’entasserait la population arabe
majoritaire de la Palestine historique,
mais ne comprenant que 15% de son
territoire. Israël contrôlerait la
grande majorité de la Cisjordanie
(Maison Blanche 2020). Cet
État-croupion, modelé à l’image d’un
gruyère, n’aurait aucun pouvoir
souverain, si bien que ce plan améliore
délibérément le statu quo d’un seul
État.
Le dernier plan de
Trump fait suite à une série
d’initiatives hostiles aux intérêts
palestiniens et syriens : violation du
droit international pour reconnaître
Jérusalem comme une possession sioniste,
violation du droit international pour
annexer le Golan syrien, tentative de
légitimer les multiples colonies
israéliennes en Cisjordanie, exigence
(dans le plan Kushner) d’une
capitulation palestinienne effective sur
le statut d’État et l’adoption de
l’affirmation de l’IHRA prétendant que
toute critique anti-israélienne est «
raciste » et donc illégitime (IHRA
2016).
À ce stade de
l’histoire de la colonie israélienne,
l’illusion d’une « solution à deux États
» vieille de 72 ans reste le principal
obstacle à une Palestine démocratique.
Le plan de Trump semble une « avancée »
par rapport au plan Kushner, en ce qu’il
essaye de maintenir en vie cette
illusion moribonde. Une majorité de
Juifs libéraux aux États-Unis, par
exemple, tiennent toujours à l’illusion
des deux États. Mais Netanyahou et ses
collègues ont toujours voulu accaparer
l’ensemble de la Palestine.
Le problème pour
les sionistes les plus ambitieux est
double :
(1) les
Palestiniens ont résisté, par la
guérilla et le maintien en Palestine où
les territoires adjacents où ils ne se
sont pas dilués, et sont maintenant
légèrement plus nombreux que les
Israéliens juifs dans le territoire de
la Palestine historique ;
(2) la destruction
du mythe des deux États et la
reconnaissance généralisée qu’il n’y a
qu’un seul État d’Apartheid
entraîneraient un effondrement
dramatique de la légitimité israélienne
à travers le monde.
Les dirigeants
sionistes les plus lucides le savent
bien. L’ancien Premier ministre
israélien Ehud Olmert a reconnu que « si
le jour vient où la solution à deux
États s’effondre et que nous sommes
confrontés à une lutte de style
sud-africain pour l’égalité des droits
de vote, c’en sera fini de l’État
d’Israël » (Olmert 2007).
Historiquement,
Israël, en tant que colonie sectaire
européenne, a toujours compté sur un
nettoyage ethnique substantiel. Le 3
décembre 1947, alors que la campagne de
conquête sioniste s’intensifiait, David
Ben Gourion a déclaré à ses partisans
que « les 40% de non-Juifs présents dans
les zones attribuées à l’État juif » par
le plan de partage ne permettaient « pas
une base solide pour un État juif. Seul
un État comptant au moins 80% de Juifs
serait un État solide et viable » (Pappe
2006, p. 76).
Pour cette raison,
le « Plan Dalet » de Ben Gourion de mars
1948 appelait à des opérations visant à
« détruire complètement les villages
Palestiniens (en les incendiant, en les
faisant exploser et en plantant des
mines dans leurs ruines) et surtout les
centres de population difficiles à
contrôler… [Les opérations requises
sont] l’encerclement des villages et les
perquisitions à l’intérieur des maisons.
En cas de résistance, les forces armées
doivent être anéanties et la population
expulsée hors des frontières de l’Etat »
(Pappe 2006, p. 68 ; Vidal 1997).
Ce plan a été
exécuté et comprenait le massacre de
Deir Yassine du 9 avril, où 107
villageois ont été tués, et une série
d’expulsions dans lesquelles 531
villages et onze quartiers urbains ont
été détruits et 800 000 Palestiniens
sont devenus des réfugiés (Pappe 2006,
chap. XIII ; Vidal 1997).
Pourtant, malgré le
nettoyage ethnique, la domination
militaire et les annexions, les agences
israéliennes confirment que la
population arabe actuelle de la
Palestine historique (Arabes israéliens
plus ceux de Cisjordanie et de Gaza) est
à peu près égale ou légèrement
supérieure à la population des
Israéliens juifs.
Un rapport sur la
population de Jérusalem publié en 2011 a
montré que la population palestinienne
de cette ville était passée de 25,5% en
1967 à 38% en 2009 (AIC 2011, pp. 10,
12). La bibliothèque virtuelle juive
montre que les Juifs d’Israël (de la
Palestine de 1948) sont passés d’un pic
de 88,9% en 1960 à 74,7% en 2017 (JVL
2017). En parallèle, des responsables du
Bureau central de statistique d’Israël
et de l’administration civile militaire
des territoires occupés (COGAT) disent
que la population arabe de Gaza, de la
Cisjordanie et les citoyens arabes [de
deuxième classe] d’Israël, ainsi que les
résidents des territoires annexés et de
la municipalité de Jérusalem-Est,
s’élève à 6,5 millions, soit à peu près
le même nombre que « les Juifs vivant
entre la vallée du Jourdain et la
Méditerranée » (Heller 2018).
Malgré toutes les
avancées apparentes de la puissance
israélienne, la résistance palestinienne
a renforcé à la fois la « menace
démographique » pour Israël et
l’illégitimité de la colonie sur la
scène internationale.
Dans ce contexte,
Trump et Netanyahou préparent le terrain
à une illégitimité encore plus extrême,
en consolidant un État d’Apartheid qui
s’affirme toujours plus comme tel. Dans
un rapport commandé pour l’ONU il y a
plusieurs années, les juristes Richard
Falk et Virginia Tilley (2017) ont
clairement indiqué qu’Israël était déjà
devenu un « Etat d’Apartheid », ce qui
est un crime contre l’humanité. « La
communauté internationale a la
responsabilité de démanteler un tel
régime », ont-ils déclaré.
Richard Falk, qui
avait été rapporteur spécial sur la
Palestine occupée pour l’ONU, a déclaré
que la Palestine l’emportait dans la
bataille pour la légitimité : « La
Palestine gagne ce qui est en fin de
compte la guerre la plus importante, la
lutte pour la légitimité, qui est le
plus susceptible de déterminer le
résultat politique ». Dans le contexte
des luttes anticoloniales, poursuit-il,
citant le Vietnam, l’Algérie et l’Irak,
« la partie avec la plus grande
persévérance et la plus grande
résilience, et non pas celle qui
contrôlait le champ de bataille, a
finalement gagné » (Falk 2014). [Nous
pensons qu’au contraire, le terrain
militaire a toujours été, est et sera
prééminent, d’autant plus qu’Israël a
perdu toute suprématie sur ce terrain ;
mais il est évident que la résilience
politique et la persistance du sentiment
national palestinien à travers les
décennies d’occupation et d’exil jouent
un rôle décisif.]
Ironiquement, c’est
l’Autorité palestinienne (AP), payée et
maintenue en vie par les États-Unis et
le régime israélien, qui contribue à
maintenir l’illusion de deux États. L’AP
bloque une stratégie palestinienne
claire et unifiée pour démanteler
l’Apartheid d’Israël en faveur d’un État
démocratique unique.
Mais là où l’AP a
échoué, Netanyahou et Trump sont sur le
point de réussir. Alors que l’expansion
israélienne a été bloquée par la
résistance libanaise au nord et la
résistance de Gaza au sud, Netanyahou a
persisté avec une colonisation constante
de la Cisjordanie, sapant tout État
palestinien viable.
Maintenant, Trump a
surenchéri dans ce sens, n’offrant à la
Palestine que la feuille de vigne d’un
ghetto impuissant sur une petite partie
de la Cisjordanie et à Gaza. Le mépris
d’Israël pour le peuple de Gaza, les
Arabushim et tous les non-Juifs en
général est manifeste. Cela rappelle la
solution ratée des Bantoustans proposée
par le régime d’Apartheid en Afrique du
Sud, juste avant l’effondrement de ce
régime (SAHO 2020). Un Apartheid plus
explicite encore en Palestine signifiera
la mort d’Israël. Merci, Trump et
Netanyahu !
Références
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RT (2020) ‘Trump
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https://www.rt.com/news/479412-trump-two-state-solution-israel/
SAHO (2020) ‘The
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Online, online:
https://www.sahistory.org.za/article/homelands
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https://mondediplo.com/1997/12/palestine
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‘President Donald J. Trump’s Vision for
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28 January, online:
https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/president-donald-j-trumps-vision-peace-prosperity-brighter-future-israel-palestinian-people/
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