[…] Journaliste :
Eminent Sayed, afin qu’on ne dise pas
directement après cette interview (comme
c’est souvent le cas) que tu exagères
dans tes propos (et qu’on se demande)
comment (le Hezbollah) pourrait être
victorieux dans cette guerre (à venir
contre Israël) alors qu’il y a (en face)
des Etats puissants, l’OTAN, la
possibilité d’une guerre mondiale, et tu
affirmes cependant que vous allez entrer
(en Palestine occupée) au-delà de la
Galilée durant la prochaine guerre si
elle se produit. Peut-on imaginer
raisonnablement que des combattants du
Hezbollah vont envahir la Galilée et
au-delà ?
Hassan Nasrallah :
Si une grande guerre se produit...
Maintenant, la question de la Galilée
est distincte, c’est une question dont
on a parlé par le passé, et nous avons
toujours clairement dit que la position
de base (annoncée) aux combattants de la
Résistance est : « Soyez prêts pour le
jour où les dirigean ts de la Résistance
pourront vous demander d’entrer en
Galilée ou de libérer la Galilée ». Pour
ce qui est d’aller au-delà de la
Galilée, cela est lié à l’idée générale
dont on est en train de parler. Si une
grande guerre se produit dans la région,
tout peut arriver.
Journaliste :
Pourquoi as-tu la certitude d’être
victorieux, Eminent Sayed ? Pourquoi
cette certitude ? Vient-elle de Dieu,
(du monde) Invisible ? Ou bien y a-t-il
de véritables données de terrain ?
Hassan Nasrallah :
En ce qui concerne Dieu et l’Invisible,
la question de la confiance en Dieu le
Très-Haut et l’Exalté et en Sa Promesse,
cela a évidemment une place
fondamentale. Mais Dieu le Très-Haut,
même lorsqu’il a assuré (les croyants)
de Son aide et de Son soutien, a posé
des conditions (matérielles) : «
Préparez contre (vos ennemis) tout ce
que vous pouvez comme forces. » (Coran,
8:60) Et Il a dit : « Si vous assistez
(la cause de) Dieu, Il vous soutiendra.
» (Coran, 47:7) La deuxième partie (nos
propres efforts sur le terrain) est
fondamentale.
Notre lecture de
l’ennemi israélien à travers toutes les
expériences et toutes les guerres est
différente. Cet ennemi n’a pas de force
en lui-même. Et il est possible de lui
infliger une défaite. C’est le premier
point. Ce débat était ancien mais nous y
avons mis fin. Personne ne peut remettre
en cause les réalisations de la
Résistance au Liban et en Palestine.
L’une des plus grandes réalisations de
la Résistance sur les plans militaire,
moral, culturel, psychologique et
politique, c’est d’avoir brisé le mythe
de l’armée israélienne invincible. (Nous
avons démontré que) cette armée peut
être vaincue.
Et je vais encore
plus loin. Ceux qui sont capables
d’infliger une défaite à Daech et aux
forces takfiries en Syrie et en Irak
sont bien plus capables d’infliger une
défaite à l’armée israélienne.
Journaliste :
Daech est plus difficile (à vaincre) que
l’armée israélienne ?
Hassan Nasrallah :
Bien sûr, cela ne fait aucun doute.
L’armée israélienne n’a qu’un point
fort, c’est son aviation. Mais la
(seule) force aérienne ne permet pas de
gagner la bataille. Si puissante
soit-elle, la force aérienne ne permet
pas de gagner la bataille.
Journaliste :
Et cette force aérienne va s’affaiblir
dans le futur (du fait d’une éventuelle
capacité anti-aérienne du Hezbollah).
Hassan Nasrallah :
Il faut qu’elle s’affaiblisse ! Le
combat avec les forces takfiries est
infiniment plus difficile que le combat
(contre Israël). Tu vois, il y a une
différence énorme entre le soldat et
l’officier israélien et les combattants
de ces forces (takfiries). Je ne suis
pas en train d’exagérer la force (des
takfiris), non. Mais je me dois d’être
honnête.
Lorsque tu prends
part à une bataille dans laquelle des
centaines de kamikazes te font face. Je
ne les considère pas comme des martyrs.
Des centaines de kamikazes sur un
véhicule contenant une ou deux tonnes
d’explosifs, et qui s’attaquent à ta
brigade, à ton bataillon ou à tes
positions. Ils sont prêts à la mort,
sans aucune limite. Indépendamment des
raisons qui les y ont amenés
(endoctrinement, drogue...). (Des
forces, dont le Hezbollah, ont combattu)
sur ce front très dangereux, durant 7
ans en Syrie, 3 ans et quelques en Irak,
sont parvenues à infliger une défaite à
Daech, et je t’affirme qu’il aurait été
possible de les vaincre plus rapidement
sans le soutien et la protection de
Daech par les Américains. Cela doit être
signalé.
Cette armée
israélienne, Professeur Sami, ses
soldats, rien que pour avancer, comme
nous les avons vus en 2006, ainsi que
dans la dernière bataille à Gaza (en
2014) à Shuja’iya, nous avons vu comment
combattaient les troupes d’élite
israéliennes : pour avancer, les soldats
et officiers doivent être précédés de
blindés, suivis d’ambulances de guerre,
n’est-ce pas, des ambulances, et
au-dessus d’eux, il doit y avoir des
hélicoptères et la force aérienne. Sans
tout ça, ils ne font pas un pas en
avant.
Un tel soldat est
vaincu (d’avance), c’est un lâche qui
n’a aucune volonté de combattre, malgré
tous les matériels et capacités fournis.
Nous avons vu cela au Liban, à Gaza, et
c’est cette réalité qui est présente à
l’intérieur de la Palestine occupée.
Aujourd’hui, nous sommes face à une
armée israélienne qui sort de plusieurs
défaites, et qui depuis 2006 ne fait que
s’équiper, s’entrainer, faire des
manœuvres, encore et encore...
Journaliste :
Mais vous aussi.
Hassan Nasrallah :
On ne dit pas le contraire. Mais eux,
ils n’ont pas réglé leur problème. Car
leur problème ne réside pas dans les
tanks, les avions et les armes. Leur
problème, c’est les hommes. L’équation
fondamentale introduite par la
Résistance, et dans laquelle l’Axe de
la Résistance a la main haute
aujourd’hui, dans cette bataille, c’est
l’équation de l’homme. Je fais partie
des gens qui, assis à une table,
affirment que 1 + 1 + 1 = 3, parce que
le résultat est bien 3, je me base sur
des données de terrain (incontestables).
Aujourd’hui, par
exemple, l’un des points forts les plus
importants, il faut que les gens le
sachent, l’un de nos principaux points
forts dans la grande bataille (qui se
prépare) contre les sionistes, c’est
qu’actuellement, il y a des centaines de
milliers de combattants qui sont fin
prêts à mener cette bataille sans aucune
limite.
Journaliste :
En abattant des avions ?
Hassan Nasrallah :
Tu n’arrêtes pas de m’interroger sur
(notre capacité à) abattre des avions.
Journaliste :
Mais c’est l’équation...
Hassan Nasrallah :
(Il y a des centaines de milliers)
d’aspirants au martyre (prêts à
combattre Israël). Tu vois, par le passé
– quand on s’est réunis avec les
différents mouvements de Résistance, on
a évoqué le passé –, un jeune yéménite
venait rejoindre telle faction
palestinienne, ou un jeune tunisien,
algérien, égyptien.
Aujourd’hui, on ne
parle plus de (quelques) jeunes venant
d’ici ou de là. Nous parlons de forces
véritables, de formations militaires et
djihadistes, qui ont combattu sur
différents terrains, qui ont pris part
aux batailles les plus difficiles, qui
n’ont pas peur, qui sont extrêmement
aguerris, qui ont confiance en Dieu et
en eux-mêmes. Aujourd’hui, ils sont
présents dans l’Axe de la Résistance.
Journaliste :
Très bien. Tout ce que tu dis est très
prometteur. Mais on pourra te rétorquer,
Eminent Sayed, que tu affirmes
pompeusement que vous allez vaincre
Israël, l’envahir et traverser les
frontières, mais Israël vous bombarde en
Syrie, et vous ne faites absolument rien
en retour, vous n’avez pas riposté.
Quelle en est la raison ?
Hassan Nasrallah :
C’est dans l’intérêt de la préparation à
la grande guerre.
Journaliste :
C’est-à-dire ?
Hassan Nasrallah :
Premièrement, au point où en sont les
choses, on veille tous à ne pas être
entrainé vers une escalade dans tel ou
tel endroit, sauf s’il n’a pas le choix.
En Syrie, Israël frappe certaines
choses. Parfois ils réussissent, parfois
ils échouent, ils ne réussissent pas à
chaque fois. C’est une question de
détail sur laquelle je ne m’arrêterai
pas.
Mais ils n’ont pas
réussi ni ne réussiront à empêcher –
Israël le sait, je ne révèle pas là un
secret – que les capacités, les moyens
et la préparation de la Résistance au
Liban augmentent. C’est une chose qu’on
prend en patience, jusqu’à nouvel ordre,
je ne dis pas qu’on le tolèrera
indéfiniment. (On patiente) jusqu’à
nouvel ordre, dans l’intérêt du grand
objectif stratégique (vaincre Daech et
préparer la grande guerre contre
Israël). Et c’est cela que j’ai appelé
les règles d’engagement.
Journaliste :
Très bien. Tu m’as averti que tu
n’entreras pas dans les détails, mais
permets-moi une question. Tout le
bombardement israélien sur des
positions, entrepôts ou usines d’armes
ou de missiles du Hezbollah n’a pas
empêché que les armes parviennent au
Hezbollah ? C’est ce que tu veux dire ?
Hassan Nasrallah :
Ils ne l’ont pas empêché et ne
l’empêcheront pas. Et ils le savent très
bien. Je ne te révèle pas là un secret,
même si c’est peut-être la première fois
que je le dis devant les médias. Mais
les Israéliens eux-mêmes le savent.
Journaliste :
Il y a également un dernier front (que
je souhaite évoquer) avec ta permission
avant qu’on aborde la question syrienne,
Eminent Sayed, et c’est le front du sud
de la Syrie. Beaucoup de choses ont été
dites à ce sujet, et ont beaucoup
inquiété les Israéliens, à savoir que le
Hezbollah et l’Iran, naturellement avec
l’aide et le soutien de l’armée syrienne
qui a aussi combattu durant 7 ans, se
préparent à une Résistance près de la
frontière, depuis le Golan jusqu’à toute
la longueur de la frontière sud. Est-ce
que c’est vrai ? Y a-t-il une nouvelle
Résistance contre Israël à la frontière
syro-palestinienne ?
Hassan Nasrallah :
Tu vois, c’est encore une chose dont il
vaut mieux ne pas (trop) parler. En fin
de compte...
Hassan Nasrallah :
C’est parce que tu insistes sur les
questions difficiles (secrètes).
L’ennemi a tout à fait raison de
s’inquiéter, je lui dis qu’il a raison
de s’inquiéter. Car en fin de compte, ce
qui s’est passé dans le sud syrien,
c’est une expérience majeure qui est
maintenant une possibilité pour les
jeunes syriens et l’armée syrienne.
L’armée en tant qu’armée nationale, et
les jeunes syriens. Car tu sais qu’en
Syrie, il n’y a pas que l’armée qui
combat. Ceux que les médias syriens
désignent comme les forces alliées, ce
sont des formations populaires syriennes
composées de jeunes gens des villages,
des villes et des régions, chacun dans
sa région, les jeunes d’Alep à Alep,
ceux de Deraa à Deraa, ceux de Hama à
Hama, ceux de Homs à Homs, etc., ceux de
Soueïda à Soueïda, etc., ils ont
combattu dans leurs provinces. Ces
jeunes ont acquis une expérience grande
et précieuse, surtout sur le front sud.
Car la nature du combat sur le front sud
avait tantôt une forme classique, tantôt
une forme de guérilla, des deux côtés.
Concrètement, cela a créé une structure
humaine, au niveau du mode de pensée, de
l’expérience, de la préparation, qui
peut être réunie en 24 heures. Il n’est
pas nécessaire qu’une formation
effective (permanente) existe.
Notre présence même
dans le sud syrien, pour des raisons
liées à la nature de la bataille en
cours en Syrie, partout où nous nous
trouvons, il est naturel qu’Israël soit
inquiet, car il y a une opposition
viscérale entre nous et les Israéliens.
C’est pour cela que les Israéliens sont
inquiets, au sujet de tout ce qui peut
se passer au sud de la Syrie, et ils
œuvrent, ils font pression, ils essaient
de profiter des pressions américaines,
ils essaient de parler avec la Russie,
ils essaient de menacer, d’effrayer, ils
poussent des cris, pour qu’il n’y ait
aucune Résistance et aucun Résistant
dans le sud syrien. Mais jusqu’à
présent, ils n’y sont pas parvenus.
Journaliste :
Cela s’est produit, il y a donc une
présence de la Résistance, d’après ce
que je comprends de tes propos, il y a
des cellules résistantes prêtes à toute
guerre prochaine contre Israël.
Hassan Nasrallah :
La Résistance est présente dans le sud
syrien, et quoi qu’il en soit, c’est une
chose normale sur le plan défensif, et
la Syrie a le droit que cette Résistance
soit présente à son service, s’il y a
des attaques contre elle, et elle a
également le droit, n’importe quand, de
prendre la décision de recourir à la
Résistance populaire pour libérer le
Golan (de l’occupation israélienne).
Et si tu te
souviens bien, dans les dernières années
qui ont précédé les événements en Syrie,
le Président Bachar al-Assad y a fait
référence de manière claire et
explicite, déclarant qu’ils finiraient
peut-être par opter pour ce choix. Et
c’est un choix logique et naturel, que
redoute fortement Israël. Israël a très
peur de ça.
Journaliste :
La Résistance populaire dont parlait le
Président Bachar al-Assad était
syrienne.
Hassan Nasrallah :
Oui.
Journaliste :
Mais actuellement, d’après ce que je
comprends de Ton Eminence, il y a une
Résistance populaire syrienne et non
syrienne sur le front sud.
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