Actualité
Tel-Aviv-sur-Seine ou l’esprit munichois
:
chronique d’un naufrage
Sayed Hasan
Lundi 17 août 2015
Voir :
Troisième-Reich-sur-Seine : la
tradition collaborationniste française
Entre la
guerre et le déshonneur, vous avez
choisi le déshonneur, vous aurez la
guerre. (Citation attribuée à
Winston Churchill ; il l’aurait
prononcée après les accords de Munich,
pour dénoncer l’abandon de la
Tchécoslovaquie par la France.)
Le projet obscène
de célébration de l’Etat terroriste
d’Israël sur les rives de la Seine, tout
juste un an après le dernier massacre à
Gaza, a été conçu en mai 2015 par les
maires de Paris et de Tel-Aviv, et fut
préparé avec un soutien actif des
gouvernements français et israélien.
Révélé au public une semaine avant sa
tenue, prévue le 13 août 2015, il a
déchaîné une telle tempête d’indignation
en France – politique, médiatique,
sociétale, etc. – qu’il est rapidement
apparu que l’ambiance de cet événement
serait bien plutôt explosive que
festive. Si bien que moins de 48 heures
avant sa tenue, un
collectif d’organisations de soutien
au peuple palestinien[1]
a été reçu par la Préfecture de police
de Paris, et a obtenu un espace
immédiatement adjacent à
Tel-Aviv-sur-Seine et de longueur égale
pour y organiser une
contre-manifestation nommée
Gaza-sur-Seine, en même temps que le
projet soutenu par la ville de Paris.
Quelles sont les
leçons à tirer de cette journée
mémorable ?
En imposant un
véritable
rapport de force, la résistance
citoyenne a pu obtenir, en un temps
record, l’équivalent de ce qui fut
planifié durant des mois aux plus hauts
niveaux de deux capitales, et donc de
deux Etats. Plusieurs facteurs ont dû
entrer en jeu. Pour les forces de police
chargées de la sécurité de l’événement,
il était certainement préférable de
réunir le plus grand nombre de
manifestants dans un espace confiné et
connu, plutôt que de prendre le risque
de les voir surgir de tous côtés et à
toute heure pour troubler « l’ambiance
festive » de Tel-Aviv-sur-Seine, quitte
à mécontenter la mairie de Paris en
amoindrissant considérablement la portée
de son hommage privilégié à Israël –
juste retour de bâton pour le cauchemar
sécuritaire dans lequel elle les a
engagées : un conflit de juridictions
n’est pas à écarter. De telles
perturbations se sont tout de même
produites tout au long de la journée,
notamment à l’appel de
BDS[2],
mais n’eût été la tenue de
Gaza-sur-Seine, il est certain qu’un
nombre non négligeable des milliers de
participants à ce contre-événement
auraient grossi leurs rangs.
Ainsi, il est
démontré une nouvelle fois que l’action
militante au service de causes justes
peut produire des résultats
spectaculaires qui peuvent égaler,
parasiter, éclipser et même faire
sombrer les efforts du plus puissant
lobby français – le lobby sioniste – et
de ses innombrables laquais aux plus
hauts niveaux de la société civile et de
l’Etat. Loin de constituer une
célébration éthérée et outrageusement
mensongère de l’Etat d’Israël,
Tel-Aviv-sur-Seine a transformé le cœur
même de Paris en un véritable camp
retranché avec un énorme déploiement des
forces de police, des routes bloquées,
des obstructions à la circulation, des
check points, etc. Il fallait attendre
plus d’une demi-heure pour pouvoir
accéder aux berges israéliennes, et se
soumettre pour cela à une fouille
minutieuse, si bien que même des
journaux mainstream ont pu titrer
« Tel-Aviv-sur
Seine ? Non, Police sur Seine » (Le
Point) ou « Plus
de journalistes et de policiers que de
vacanciers » (Le Monde). D’autant
plus que juste à côté, Gaza-sur-Seine
était rapidement accessible à tous, avec
une ambiance bien moins tendue et bien
plus festive que ne gâchaient pas les
maints doigts d’honneur et autres
provocations sionistes (signalons une
lutte « épique » entre deux
porte-drapeaux : tandis que le drapeau
palestinien a flotté presque
incessamment de 12h à 21h entre les
mains d’un seul jeune franco-libanais,
les Israéliens qui ont voulu se mesurer
à lui ont tenu jusqu’à 4 minutes…).
Les touristes en
péniche ont pu contempler ce face-à-face
éloquent, et tout observateur objectif
ne pouvait que souligner la chaleur et
l’enthousiasme caractéristiques avec
lesquels ils échangeaient des saluts
avec Gaza-plage, contrastant avec la
froideur réciproque de leurs
interactions avec Tel-Aviv-sur-Seine.
Cela s’explique également par le fait
que du côté israélien, il s’agissait
plus, pour les participants, d’un
renouvellement de leur serment
d’allégeance à leur seigneur – le lobby
sioniste – que d’une sortie touristique
ou en défense d’une cause humanitaire.
Mais quoi qu’il en soit, ce contraste
saisissant et immanquable fournissait
une image très éloquente du régime
d’apartheid israélien et de la lutte du
peuple palestinien. Et de manière
prévisible, Israël a donc été représenté
de manière bien plus conforme à la
réalité, à savoir sa qualité d’Etat
militariste, colonial et raciste. Ce
n’est certes pas ce que souhaitaient les
organisateurs, qui aspiraient à
identifier Tel-Aviv à un autre Tahiti
avec sable fin et ukulélés (ou plutôt
musique techno : Israël n’est pas une
société bien raffinée…), et ont
finalement favorisé l’éveil de la
population à la cause palestinienne, ce
dont n’ont cessé de se féliciter les
organisations participantes qui ont pu
toucher bien des consciences et faire
nombre de nouvelles recrues tout au long
de cette journée. Une nouvelle perle
pour les annales des campagnes de
communication désastreuses – du
véritable sabotage.
Bien plus encore,
tant l’obscénité de l’organisation d’un
tel événement que les moyens
extraordinaires qui lui ont été accordés
auront permis sans le moindre doute à de
nombreux citoyens d’ouvrir les yeux sur
le pouvoir inacceptable du lobby
sioniste, et sur la vassalisation
humiliante de l’Etat français à
celui-ci. Aujourd’hui, il n’est plus
nécessaire d’être un lecteur de
Panamza ou d’autres médias
alternatifs pour savoir que c’est la
Ligue de Défense Juive, organisation
terroriste interdite comme telle aux
Etats-Unis et en Israël même, qui, en
dernière instance, accordait ou refusait
aux visiteurs le passage à
Tel-Aviv-sur-Seine, malgré la présence
de forces de police qui auraient dû en
être les seules responsables : on peut
clairement lire cela dans
Libération,
Le Point ou
Les Inrockuptibles, qui soulignent
avec plus ou moins de force ce que cela
a de scandaleux.
Il est donc avéré
qu’une partie du territoire de Paris a
bel et bien été privatisée et occupée
par une milice extrémiste au service de
Tel-Aviv qui s’est permis de procéder,
sur le territoire de la République, au
filtrage ethnique en vigueur en
Israël. L’Humanité, qui s’est
distingué et honoré en dénonçant avec
véhémence dans maints articles
l’indécence de Tel-Aviv-sur-Seine,
publiant notamment un
article demandant la dissolution de
la LDJ, aurait même été victime d’une
fausse attaque biologique, une des
maintes spécialités du criminel
israélien
Ulcan – mais il faudra encore
attendre pour que les médias
mainstream brisent la censure, se
mettent complètement au goût du jour et
puissent rapporter ces choses-là
plus en détail. Rappelons que la
dissolution de la LDJ avait été promise
par le ministre de l’Intérieur Bernard
Cazeneuve en juillet 2014 – dans un
moment d’égarement, sans doute, mais il
aura dûment fait amende (dés)honorable –
après les actes d’agression d’une
violence inconcevable de cette milice
contre des manifestants pro-palestiniens
au cours de laquelle une fois encore,
les forces de l’ordre s’étaient révélées
à leur botte, leur impunité totale
éclatant au grand jour dans
les vidéos les plus explicites. Les
tréfonds de la vilénie et de la
soumission dans lesquels se sont
enfouies les élites françaises,
conjugués à l’arrogance sans bornes et à
l’aveuglement même de leurs seigneurs
sionistes, contribuent ainsi, encore une
fois, à révéler au grand jour ce qui,
jusque-là, était réservé aux initiés des
sources dites « complotistes ». Ainsi
cette journée fut-elle, en tous points,
un succès indéniable pour la résistance
citoyenne et la cause palestinienne.
Pour conclure, je
souhaite rapporter une anecdote
personnelle mais, ce me semble,
hautement significative.
Comme je l’avais annoncé, j’ai
moi-même fait acte de désobéissance
civile en m’efforçant de perturber la
tenue de Tel-Aviv-sur-Seine. J’avais
l’intention de m’y infiltrer en solo et
d’y brandir une poupée calcinée en
scandant « Israël Terroriste ! Paris
Complice ! / Hidalgo Collabo ! », mais
lorsque j’ai vu la minutie des fouilles,
j’ai compris que je n’aurais aucune
chance de passer avec cet artefact. Je
me suis donc contenté de mener cette
action de protestation en longeant les
files d’attente qui y menaient.
Comme prévu, j’ai
été accueilli de manière très agressive
par certaines personnes qui faisaient la
queue. L’une d’entre elles m’a même mis
un coup et a essayé de m’arracher ma
poupée – un homme ayant la cinquantaine.
Ayant résolu d’être irréprochable, je
n’ai pas réagi et ai poursuivi de
manière impassible, essuyant maints
propos et regards hostiles mais
également des marques de soutien de la
part de passants. Puis, comme je m’y
attendais, une main s’est posée sur mon
épaule, celle d’un agent de police en
uniforme. Sans violence excessive, il
m’a repoussé contre le muret en me
demandant d’arrêter mon numéro, et comme
je n’opposais aucune résistance physique
mais continuais à scander mes slogans et
à brandir la poupée, il m’a conduit vers
des fourgons de police. Des passants ont
protesté que je ne faisais rien de mal,
que j’avais le droit de manifester, et
au moins l’un d’entre eux nous a suivis
jusqu’au bout, ne cessant de parlementer
très diplomatiquement avec les forces de
l’ordre et m’exprimant son soutien.
Une expérience
précédente m’avait fait envisager le
pire : ayant été sérieusement violenté
suite à une manifestation après
l’épisode de la
Flottille de la liberté, soumis à 48
heures de garde à vue particulièrement
éprouvantes et accusé mensongèrement par
trois agents de police qui affirmaient
me reconnaitre formellement comme leur
ayant jeté une pierre (mensonge éhonté ;
je raconterai cette histoire
ultérieurement en donnant leurs noms),
j’avais l’intime conviction que la
majorité des policiers étaient des
soudards. Mais je dois avouer qu’à une
seule exception, la dizaine d’agents de
police et CRS que j’ai côtoyés étaient
extrêmement corrects, et, plus encore,
semblaient véritablement sinon
sympathiser, du moins être très
compréhensifs à l’égard de ma démarche.
Alors que je ne cessais de chanter mes
slogans malgré leurs invitations polies
mais fermes au silence, attirant un
petit groupe de passants (dont une femme
qui agitait hargneusement un drapeau
d’Israël), ils ont été irréprochables à
mon égard (l’un d’entre eux avait
suggéré de me mettre au sol pour me
faire taire, mais personne n’est allé
dans son sens), et ils m’ont même laissé
boire « jusqu’à plus soif » lorsque j’en
ai éprouvé le besoin (alors qu’un refus
aurait pu être un moyen de me faire
taire).
Plus encore,
lorsque l’agent de police référent est
venu m’interroger (j’avais finalement
été mis dans un fourgon), et que je lui
ai expliqué la nature et les raisons de
mon action en insistant sur le fait que
j’avais entièrement coopéré avec les
forces de police (sauf pour les
slogans), il m’a redemandé ma carte
d’identité qui était restée avec les
policiers. Il est reparti, et lorsqu’il
est revenu, il m’a dit qu’il devait me
conduire au poste de police pour trouble
à l’ordre public, d’une manière qui
avait l’air d’exprimer le regret ou la
gêne. Je lui ai répondu en toute
quiétude qu’il devait faire son travail,
et que je savais parfaitement à quoi je
m’exposais avant de venir. Il m’a
demandé ce que je faisais dans la vie,
et je lui ai dit que j’étais enseignant,
lui indiquant ma carte de fonctionnaire
d’Etat, ce qui a semblé le surprendre
agréablement. Il m’a demandé si j’avais
consommé de l’alcool ou quelque
substance illicite avant de venir
manifester, et j’ai répondu qu’étant
musulman pratiquant, je n’en avais
jamais consommé. Il est reparti, et
lorsqu’il est revenu, il m’a dit que
finalement, je n’avais rien fait qui
justifiât mon arrestation, que j’avais
le droit de manifester mon opinion, et
qu’ils allaient simplement m’éloigner de
cet endroit et me relâcher sans suites.
Ce qu’ils ont fait immédiatement, me
déposant place de la Bastille. Je leur
ai fait part de mon désir de retourner à
Gaza-plage pour y manifester
paisiblement, et ils m’ont dit qu’ils
n’y voyaient aucun problème, me
conseillant simplement de cacher ma
poupée pour ne pas être reconnu en
chemin. Et nous nous sommes quittés en
nous serrant la main – à ma demande, et
je leur ai dit qu’ils avaient
véritablement changé ma perception des
forces de police, qui n’étaient
manifestement pas composées que de
soudards. J’ai regretté que la femme au
drapeau israélien n’aie pas assisté à ce
dénouement.
Ce n’est qu’une
anecdote, mais étant donné le ton très
virulent que j’avais utilisé pour
décrire la police dans mon article
précédent (« il faut bien savoir que
nous avons affaire à des gens sans
scrupules et sans honneur (ils ont livré
les Juifs et traqué et torturé les
Résistants avec zèle pour complaire à
l’Occupant, et le referont si
nécessaire), mais pas à des lumières. »),
je me devais d’apporter cet important
rectificatif et de présenter mes excuses
aux forces de police pour ce jugement
trop hâtif. Et je reconnais ma faute
avec plaisir, car ce professionnalisme
et cette faculté de discernement dans
l’application des lois – techniquement,
je devais clairement être mené au poste
et inculpé pour trouble à l’ordre public
– est quelque chose de très encourageant
pour l’avenir : il semblerait bien que
le peuple puisse de plus en plus compter
sur la compréhension et même
l’assistance d’un certain nombre
d’agents de l’Etat qui seront prêts à
passer outre certains règlements, leur
préférant la voix de leur conscience
morale et professionnelle. Du reste,
cela confirme une tendance dont des
stigmates sont apparus à diverses
occasions dans la presse, et qu’on
pourrait caractériser comme des
manifestations d’exaspération voire des
actes d’insoumission de la part des
forces de police, lasses de devoir
réprimer des actions légitimes ou d’être
déployées pour la protection de
personnalités ou d’événements
insignifiants, en particulier lorsqu’il
s’agit du tout-puissant lobby sioniste
(protestant officiellement, se faisant
porter pâles, etc.). Et on peut se
laisser aller à espérer que lorsque le
peuple français se soulèvera enfin
contre l’oligarchie financière apatride
qui l’opprime et détruit sa Nation, les
forces de l’ordre se mettront en nombres
significatifs du côté de ceux qu’ils ont
vocation à protéger, ne serait-ce qu’en
refusant de les réprimer. Du
Palais des Tuileries à
Montmartre et jusqu’à
Béziers, cela s’est vu maintes fois
dans l’histoire de France, constituant
ses pages les plus authentiquement
glorieuses. A quand la prochaine
mutinerie ?
La France de Munich
a toujours fait les choix les plus vils
et les plus préjudiciables au peuple, et
elle a toujours essuyé les revers les
plus humiliants et les échecs les plus
rudes, contribuant à la déchéance, à la
décadence de la Nation. Et aujourd’hui
encore, c’est cette même élite
« républicaine » apatride qui gouverne
la France et qui bafoue quotidiennement
ses intérêts stratégiques au service de
l’étranger. Que le gouvernement actuel
soit le plus discrédité de l’histoire de
la Ve République constitue un signe
éloquent de l’éveil croissant du peuple
français, mais il y a encore bien du
chemin à parcourir. Faudra-t-il, comme
la Grèce, atteindre le fond de l’abîme
avant le réveil ? Osons croire que la
France est capable de mieux, et qu’en
puisant dans son riche passé et dans ses
forces vives, elle pourra renouer
authentiquement avec un orgueil national
dont
De Gaulle, a qui personne n’aurait
jamais daigné soumettre une telle
infamie, fut la dernière incarnation.
Sayed Hasan
[1] CAPJPO-EuroPalestine,
Droits Devant, Enfants de Palestine,
PALMED France, L’Association des
Palestiniens d’Ile de France, Les Amis
d’Al-Rowwad, Nanterre Palestine,
Saint-Ouen Palestine, Muslim-Mag,
Collectif Judéo-Arabe et Citoyen pour la
Palestine, Collectif contre le Racisme
et l’Islamophobie.
[2] Auquel ont répondu
ces associations et partis politiques :
Ensemble, PIR, NPA, PG, Solidaires, CNT,
Les Désobéissants, UJFP, etc.
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