LE CRI DES PEUPLES
Nouveau rebondissement dans
la parodie
de procès de Julian Assange
Craig Murray
Mercredi 15 juillet 2020 Source :
https://www.craigmurray.org.uk/archives/2020/07/damage-to-the-soul/,
le 14 juillet 2020
Traduction :
lecridespeuples.fr, 15 juillet 2020
L’emprisonnement de
Julian Assange a été un catalogue
d’injustices flagrantes accumulées les
unes sur les autres, tandis que les
médias complices et la population
endoctrinée détournaient les yeux. Dans
un revirement vraiment extraordinaire,
Assange est maintenant extradé sur la
base d’un acte d’accusation émis au
Royaume-Uni, qui est substantiellement
différent de l’acte d’accusation qui
l’attend en Virginie s’il est extradé.
L’audience
d’Assange a été ajournée après sa
première semaine complète et sa reprise
a depuis été retardée par le
coronavirus. Au cours de cette première
semaine complète, l’accusation et la
défense ont exposé leurs arguments
juridiques concernant l’acte
d’accusation. Comme je l’ai rapporté en
détail à un public de millions de
personnes, l’équipe juridique d’Assange
a assez bien démoli les principaux
arguments du parquet lors de cette
audience.
Cet extrait de mon
rapport sur les arguments de la défense
est particulièrement pertinent par
rapport à ce qui s’est produit depuis :
L’avocat de la
défense Mark Summers a déclaré que les
accusations des États-Unis reposaient
entièrement sur trois accusations
factuelles quant au comportement
d’Assange :Accusation
1) Assange a aidé Manning
à décoder une clé de cryptage pour
accéder à du matériel classifié
Les faits
: Summers a déclaré qu’il s’agissait
d’une allégation mensongère dont la
fausseté avait été prouvée lors de la
Cour martiale de Manning.
Accusation
2) Assange a sollicité le
matériel auprès de Manning
Les faits
: Summers a déclaré que les informations
accessibles au publics prouvaient que
cela était faux.
Accusation
3) Assange a sciemment
mis des vies en danger
Les faits
: Summers a déclaré que tant les
informations accessibles au public que
l’implication spécifique du gouvernement
américain prouvaient que cela était
faux.
En somme,
Summers a déclaré que le gouvernement
américain savait que les allégations
formulées étaient factuellement fausses
et qu’il était prouvé qu’elles avaient
été formulées de mauvaise foi. Il s’agit
donc d’un abus de procédure qui devrait
conduire au rejet de la demande
d’extradition. Il a décrit les trois
chefs d’accusation ci-dessus comme « des
foutaises, des foutaises et des
foutaises ».
Summers a
ensuite passé en revue l’ensemble des
faits allégués. Il a déclaré que les
accusations des États-Unis divisent les
documents divulgués par Manning à
Wikileaks en trois catégories, à savoir
:
a) Des câbles
diplomatiques
b) Des notes d’évaluation des détenus
de Guantanamo
c) Les règles d’engagement pour la
guerre en Irak
d) Des journaux de guerre en
Afghanistan et en Irak
Summers a
ensuite méthodiquement passé en revue
les points a), b), c) et d) en les
reliant chacun à leur tour aux
comportements allégués des accusations
1), 2) et 3), soit douze explications et
démonstrations en tout. Ce compte rendu
exhaustif a pris environ quatre heures
et je ne tenterai pas de le résumer ici.
Je vais plutôt en donner les grandes
lignes, mais je me référerai
occasionnellement au numéro du
comportement allégué (1, 2 ou 3) et/ou à
la lettre désignant l’allégation (a, b,
c ou d). J’espère que vous arriverez à
me suivre, il m’a fallu moi-même un
certain temps pour m’y faire !
Accusation 1) :
Summers a démontré de façon concluante
que contrairement à ce que prétend
l’accusation, Manning avait accès à
chaque matériel a), b), c) et d) fourni
à Wikileaks sans avoir besoin d’un code
fourni par Assange, et qu’il disposait
de cet accès avant même de contacter
Assange. Manning n’avait pas non plus
besoin d’un code pour dissimuler son
identité en accédant à la base de
données des analystes du renseignement,
à laquelle Manning avait accès comme des
milliers d’autres analystes, car elle ne
nécessitait pas de nom d’utilisateur ou
de mot de passe à partir d’un ordinateur
militaire de bureau. Summers a cité le
témoignage de plusieurs officiers de la
Cour martiale de Manning pour confirmer
cela. De plus, obtenir le code
administrateur du système n’aurait donné
accès à aucune autre base de données
classifiée. Summers a cité le témoignage
de la Cour martiale de Manning, où ce
fait avait été accepté, selon lequel la
raison pour laquelle Manning voulait
accéder au code de l’administrateur
système était de permettre aux soldats
d’installer leurs jeux vidéo et leurs
films sur les ordinateurs portables du
gouvernement, une chose qui se
produisait fréquemment.
Le magistrat
Baraitser a procédé à deux reprises à
des interruptions importantes. Elle a
fait remarquer que si Manning ne savait
pas qu’il ne pouvait pas être identifié
comme l’utilisateur qui avait téléchargé
les bases de données, il aurait pu
demander l’aide d’Assange pour pirater
un code afin de dissimuler son identité,
ignorant que c’était inutile ; même s’il
n’avait pas besoin de le faire, l’aide
d’Assange constituerait une infraction.
Summers a
souligné que Manning savait qu’il
n’avait pas besoin de nom d’utilisateur
et de mot de passe, car il avait déjà
accédé à tous les documents sans en
avoir. Baraitser a répondu que cela ne
constituait pas une preuve qu’il savait
qu’il ne pouvait pas être identifié.
Summers a déclaré qu’il serait absurde
de soutenir que Manning cherchait un
code pour dissimuler son nom
d’utilisateur et son mot de passe, alors
qu’il n’avait pas de nom d’utilisateur
et de mot de passe. Baraitser a répondu
à nouveau qu’il ne pouvait pas le
prouver. C’est à ce moment que Summers a
manifesté son irritation face à
Baraitser, et a énuméré de nouveau les
preuves présentées à la Cour martiale.
Et il y en avait encore…
Baraitser a
également fait remarquer que même si
Assange avait aidé Manning à pirater un
code d’administrateur, bien que cela ne
lui permette pas d’accéder à d’autres
bases de données, il s’agissait toujours
d’une utilisation non autorisée qui
constituerait le crime de complicité
d’utilisation abusive d’un ordinateur,
même si c’était dans un but innocent.
Bien qu’il n’y ait
aucune preuve que le juge Baraitser
examine sérieusement les arguments de la
défense, ce que ces échanges ont permis
est de montrer aux procureurs les
failles de leur argumentation, qui leur
causeraient de graves problèmes s’ils
faisaient traduire Julian devant la
justice des États-Unis. En particulier,
ils se méfient de la forte protection de
la liberté d’expression dans la
Constitution américaine et sont donc
désespérés de dépeindre Julian comme un
pirate informatique, et non comme un
journaliste. Mais comme vous pouvez le
voir ci-dessus, leur argumentation en ce
sens n’est pas solide.
Voir
Toute la vérité sur Julian Assange :
‘Un système assassin est en train d’être
créé sous nos yeux’
L’accusation avait
donc besoin d’un angle d’attaque
différent. Le 24 juin, le Département
américain de la Justice a donc
entièrement modifié l’acte d’accusation
contre Julian en Virginie et a introduit
un acte d’accusation de remplacement :
Nouvel acte
d’accusation contre le fondateur de
WikiLeaks
De nouvelles
allégations affirment qu’Assange a
comploté avec des pirates affiliés à «
Anonymous », entre autres
Un grand jury
fédéral a émis aujourd’hui un deuxième
acte d’accusation de remplacement
accusant Julian P. Assange, le fondateur
de WikiLeaks, d’infractions liées au
rôle présumé d’Assange dans l’une des
plus grandes fuites d’informations
classifiées de l’histoire des
États-Unis.
Le nouvel acte
d’accusation n’ajoute pas de chefs
d’accusation supplémentaires à l’acte
d’accusation précédant comportant 18
chefs d’accusation contre Assange et
émis en mai 2019. Il élargit cependant
la portée du complot quant aux
intrusions informatiques présumées dont
Assange était précédemment accusé. Selon
le document à charge, Assange et
d’autres personnes de WikiLeaks ont
recruté des pirates informatiques et se
sont mis d’accord avec eux pour
commettre des intrusions informatiques
au profit de WikiLeaks.
Depuis les premiers
jours de WikiLeaks, Assange s’est
exprimé lors de conférences de piratage
pour vanter sa propre histoire en tant
que « célèbre pirate adolescent en
Australie » et encourager les autres à
commettre des actes de piratage pour
fournir des informations à WikiLeaks. En
2009, par exemple, Assange a déclaré à
la conférence « Pirater au Hasard » que
WikiLeaks avait obtenu des documents non
publics du Service de recherche du
Congrès en exploitant « une petite
vulnérabilité » à l’intérieur du système
de distribution de documents du Congrès
américain, puis a affirmé que « c’est ce
que n’importe lequel d’entre vous
trouverait si vous vous donniez la peine
de chercher. »
En 2010, Assange a
obtenu un accès non autorisé à un
système informatique gouvernemental d’un
pays de l’OTAN. En 2012, Assange a
communiqué directement avec un chef du
groupe de piratage LulzSec (qui
coopérait alors avec le FBI) et lui a
fourni une liste de cibles à pirater. En
ce qui concerne une cible, Assange a
demandé au leader de LulzSec de
rechercher (et de fournir à WikiLeaks)
du courrier et des documents, des bases
de données et des fichiers PDF. Dans une
autre communication, Assange a déclaré
au chef de LulzSec que la publication la
plus percutante de matériel piraté
proviendrait de la CIA, de la NSA ou du
New York Times. WikiLeaks a
obtenu et publié des courriels suite à
une violation de données commise contre
une société américaine de conseil en
renseignement par un pirate « Anonymous
» et affilié à LulzSec. Selon ce pirate,
Assange lui a indirectement demandé de
spammer à nouveau cette entreprise
victime.
En outre, la
conspiration de piratage élargie
continue d’alléguer qu’Assange a
comploté avec l’analyste du
renseignement de l’armée [Bradley]
Manning pour pirater une clé de cryptage
sur un ordinateur classifié du
Département américain de la Défense.
Comme vous pouvez
le voir, il s’agit de passer à des
accusations solidement ancrées dans le «
piratage », plutôt que dans la
publication de fuites sur les
effroyables crimes de guerre américains.
Le nouvel acte d’accusation est basé sur
les preuves d’un « indic », Sigurdur
Thordarson, qui était un informateur
rémunéré du FBI lors de son contact avec
Wikileaks.
Thordarson aime
l’argent et est un criminel en série. Il
a été reconnu coupable le 22 décembre
2014 par le tribunal de district de
Reykjanes en Islande d’avoir volé plus
de 40 000 dollars et plus de 13 000
euros aux comptes de Wikileaks «
Sunshine Press » en contrefaisant des
documents au nom de Julian Assange, et
condamné à une peine de deux ans de
prison. Thordarson est également un
délinquant sexuel notoire, et a été jugé
et condamné après avoir été dénoncé à la
police par Julian Assange, qui a trouvé
les preuves –y compris des infractions
impliquant un mineur– sur l’ordinateur
de Thordarson.
Les motivations et
la crédibilité de l’indic du FBI sont
donc extrêmement suspectes.
Le FBI avait les «
preuves » de Thordarson contre Assange
depuis bien avant la date de clôture des
soumissions des plaidoiries à l’audience
d’extradition, qui était le 19 juin
2019. Le fait qu’ils ressentent
maintenant le besoin de déployer cette
ficelle plutôt désespérée est un bon
signe de leur impression quant à la
tournure que prend l’audience
d’extradition jusqu’à présent, qui est
un indicateur des perspectives de succès
des poursuites aux États-Unis.
Cela laisse
l’extradition britannique dans un état
de farce absolue. J’ai participé à une
discussion avec Wikileaks sur ce qui se
passerait lorsque l’acte d’accusation de
remplacement a été présenté à l’audience
de procédure le mois dernier. Elle
n’aurait pas dû être acceptée car elle a
été soumise plus d’un an après la date
de clôture, et après qu’une semaine de
plaidoiries sur l’ancien acte
d’accusation ont déjà été entendues. Le
nouvel acte d’accusation est clairement
conçu pour corriger les failles de
l’ancien qui ont été révélées à
l’audience.
L’acte d’accusation
de remplacement vise également à contrer
les affidavits de témoins à décharge qui
ont été divulgués à l’accusation, y
compris les témoignages d’experts qui
réfutent l’acte d’accusation concernant
l’assistance présumée d’Assange à
Manning en vue d’un piratage de données,
qui est jusqu’à présent la seule base de
l’accusation de « piratage ». Nous avons
fait valoir que ce changement était une
proposition scandaleuse. L’audience
devait-elle recommencer à zéro sur la
base du nouvel acte d’accusation ?
Puis, à notre grand
étonnement, l’accusation n’a pas du tout
présenté le nouvel acte d’accusation à
l’audience de procédure. Pour éviter ces
problèmes, il semble qu’ils se
contentent de permettre la tenue de
l’audience d’extradition sur l’ancien
acte d’accusation, alors que ce n’est
pas cet acte d’accusation qui attend
Assange aux États-Unis. C’est tout à
fait scandaleux. L’accusation soutiendra
que les charges réelles d’espionnage
elles-mêmes n’ont pas changé. Mais c’est
l’acte d’accusation qui constitue la
base de l’audience d’extradition, et un
tout autre acte d’accusation qui
constituera la base de toute poursuite
américaine.
Faire juger
l’extradition sur le fond d’un acte
d’accusation alors que l’accusé fera
face à un acte d’accusation est un
scandale. Changer l’acte d’accusation
longtemps après la tenue de l’audience
et la présentation des preuves de la
défense est un scandale. Le manque
d’indignation des médias est un
scandale.
Voir Julian
Assange : 7 ans de mensonges du système
politico-médiatique et première
extradition d’un journaliste
Rien de tout cela
ne choquera ceux d’entre nous qui ont
prêté attention aux faits. Nous devons
continuer de sensibiliser le public au
fait que l’anéantissement d’un
journaliste pour avoir dénoncé des
crimes de guerre, sur la base d’un
catalogue de mensonges étatiques et
d’une procédure douteuse, n’est pas un
acte que l’État peut entreprendre sans
nuire à l’âme même de la nation.
Voire notre
dossier sur Assange.
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