LE CRI DES PEUPLES
Accord sur le nucléaire :
pour imposer
de nouvelles sanctions contre l’Iran,
les États-Unis réécrivent l’histoire
Scott Ritter
Vendredi 15 mai 2020
Scott Ritter est
un ancien officier du renseignement du
corps des Marines américains. Il a servi
en Union soviétique comme inspecteur de
la mise en œuvre du traité INF, auprès
du Général Schwarzkopf pendant la guerre
du Golfe et de 1991 à 1998 en tant
qu’inspecteur des armes de l’ONU. Voir
ci-dessous la Lettre du Ministre des
Affaires Etrangères iranien au
Secrétaire Général de l’ONU
Source :
RT, le 2 mai 2020
Traduction :
lecridespeuples.fr
Le 8 mai 2018, le
Président Trump s’est retiré de l’accord
sur le nucléaire iranien. Dans le but de
décréter des sanctions écrasantes de «
snap-back » (rétablissement
automatique), son administration prétend
maintenant qu’elle n’a rien fait de tel.
« Toutes nos
paroles », a observé le
poète-philosophe américano-libanais
Kahlil Gibran, « ne sont que des miettes
qui tombent du festin de l’esprit ». Si
les mots sont jugés en fonction de leur
poids intellectuel et de leur adhésion à
l’intégrité, les déclarations émises par
l’administration Trump concernant sa
qualité de « nation participante » dans
le contexte de l’accord (connu sous le
nom de Plan d’action global commun, ou
JCPOA) évoquent plus la disette que le
banquet.
Les mots ont un
sens, une réalité qui échappe à ceux qui
formulent aujourd’hui ce qui est
présenté comme « la politique iranienne
» au Département d’État américain.
Lorsqu’il s’est
adressé au peuple américain dans une
allocution télévisée prononcée
depuis la salle de réception
diplomatique de la Maison Blanche le 8
mai 2018, le Président Trump, qualifiant
l’accord nucléaire iranien de «
défectueux dans son essence même », a
déclaré : « J’annonce aujourd’hui que
les États-Unis se retirent de l’accord
sur le nucléaire iranien. »
Vidéo :
https://www.dailymotion.com/video/x7txs71
Il a poursuivi en
expliquant : « Tandis que nous nous
retirons de l’accord avec l’Iran, nous
travaillerons avec nos alliés pour
trouver une solution réelle, globale et
durable à la menace nucléaire iranienne
», avertissant que « si le régime
poursuit ses aspirations nucléaires, il
aura des problèmes plus importants que
jamais. »
Juste avant que le
Président ne prononce son discours, un
haut responsable du Département d’État a
révélé aux journalistes l’essentiel de
son message, notant qu’il n’était pas
prévu « à ce moment-là » de
contacter le Conseil de Sécurité des
Nations Unies pour mettre en œuvre ce
que l’on appelle les sanctions «
snap-back », tout simplement parce que «
[les] États-Unis ne participent plus
à l’accord… nous n’allons donc pas
utiliser une de ses dispositions comme
si nous y participions encore et
pouvions invoquer le snap-back ».
Ce point a été
développé par le Conseiller à la
sécurité nationale de l’époque, John
Bolton, qui a parlé aux journalistes de
la
réimposition de sanctions contre l’Iran,
peu de temps après que le Président eut
fini de s’exprimer.
« La décision
que le Président a signée aujourd’hui
remet en place les sanctions qui
existaient au moment de l’accord ; cela
les met en place immédiatement », a
déclaré Bolton. « Cette éventualité
est publiée sur le site Web du
Département du Trésor depuis 2015 en
raison de la possibilité de mettre en
œuvre les dispositions de la résolution
2231, que nous n’utilisons pas parce que
nous avons quitté l’accord. »
Vidéo :
https://www.dailymotion.com/video/x7txs9k
La résolution 2231,
qui a été adoptée par le Conseil de
Sécurité le 20 juillet 2015, approuve le
JCPOA et fixe les conditions de la levée
des sanctions des Nations Unies contre
l’Iran. Elle prévoyait également des
dispositions en vertu desquelles un «
participant au JCPOA » pouvait soumettre
des plaintes concernant « l’inexécution
importante par un autre participant au
JCPOA », ce qui déclencherait une action
du Conseil de Sécurité menant à la
réimposition automatique, ou «
snap-back », de toutes les sanctions
en place avant l’entrée en vigueur du
JCPOA.
Les États-Unis ont
fait pression sur leurs alliés
européens, en particulier le
Royaume-Uni, la France et l’Allemagne,
pour qu’ils lancent des mécanismes
officiels de règlement des différends
concernant l’inexécution iranienne des
dispositions de l’accord à la suite du
retrait américain et de la reprise des
sanctions.
Voir également
Nucléaire iranien : Londres, Paris et
Berlin cèdent au chantage de Trump et
renient leurs engagements
Ces efforts sont
cependant entravés par le fait que tout
ce que Téhéran a fait a été en réponse à
l’incapacité de l’Europe à respecter ses
engagements au titre du JCPOA concernant
l’engagement économique avec l’Iran. Ces
pays ont peur d’être frappés par des
sanctions américaines secondaires visant
toutes les entreprises faisant des
affaires avec l’Iran, ce qui est de fait
autorisé par l’accord.
https://twitter.com/JZarif/status/1217495425764081665
« Paris, Londres
et Berlin affirment avoir respecté leurs
obligations en vertu du JCPOA (accord
sur le nucléaire).✔Réalité
:
– Zéro
importation de pétrole iranien
– Embargo sur les banques iraniennes
et déconnexion du système de paiement
SWIFT
– Non-application de la loi de
blocage (visant à empêcher l’application
de sanctions américaines
extraterritoriales)
– Exode des entreprises européennes
en Iran
– Aucune vente à l’Iran des aliments
& médicaments ‘exemptés’ de sanctions. »
En fin de compte,
le retrait de Trump du JCPOA et la
réimposition ultérieure de sanctions
économiques strictes n’ont pas empêché
l’Iran de renforcer sa capacité à
enrichir l’uranium.
Cet échec renforce
la perception de l’impuissance
américaine face à l’intransigeance
iranienne soutenue. En bref, la
politique de « pression maximale »
exercée par les États-Unis contre l’Iran
n’a pas atteint ses objectifs, et
Washington peine à trouver une approche
alternative.
Cette « approche
alternative » a été évoquée par le
Secrétaire d’État Mike Pompeo dans une
interview à la presse le 23 février
2020, lorsqu’il a confirmé l’existence
d’une note de service juridique du
Département d’État décrivant une option
pour réimposer les sanctions de l’ONU
contre l’Iran.
Voir
Khamenei : Macron est soit un
imbécile, soit une marionnette de
Washington
La note fait valoir
que les États-Unis pourraient réimposer
unilatéralement des sanctions de l’ONU
contre l’Iran en utilisant les
dispositions mêmes de la résolution 2231
du Conseil de sécurité qui, selon John
Bolton, ne pouvaient pas s’appliquer
parce que les États-Unis avaient «
quitté l’accord ».
La position de
Bolton a semblé être renforcée par Brian
Hook, le Représentant spécial du
Département d’État pour l’Iran, qui,
dans des remarques aux journalistes le 5
mars 2020, a déclaré que « nous avons
quitté l’accord », notant que «
les pays qui sont encore dans le
l’accord [c’est-à-dire le Royaume-Uni,
la France et l’Allemagne] prendront des
décisions qui relèvent de leur
souveraineté. »
Voir également
Condamnation du programme spatial
iranien par la France : le chien aboie,
la caravane passe
Mais dans un
exploit de gymnastique sémantique
légaliste, le Secrétaire d’Etat Pompeo
et le Département d’État ont maintenant
fait marche arrière, notant que même
si le JCPOA est un accord politique non
juridiquement contraignant (conclusion
partagée par l’administration Obama qui
a négocié l’accord), la résolution 2231
du Conseil de sécurité est en soi
juridiquement contraignante.
Et comme son texte
n’a jamais été amendé pour refléter le
retrait américain de l’accord, les
États-Unis continueraient de jouir du
même statut que les autres membres
nommés du JCPOA et, en tant que tels,
conserveraient la capacité de soumettre
toute question de non-conformité au
Conseil de Sécurité et à appeler à un
vote pour « réintroduire automatiquement
» les sanctions.
Voir
Khamenei : les négociations sont une
supercherie, l’Europe est notre ennemie
au même titre que les Etats-Unis
« Nos droits », a
noté le Secrétaire d’Etat Pompeo dans un
récent tweet, « en vertu de la
résolution 2231 du Conseil de Sécurité,
sont distincts du JCPOA. » Son sentiment
n’était partagé par personne d’autre que
Brian Hook, qui a renié la position
qu’il exprimait aussi récemment que le 5
mars pour déclarer que les dispositions
contenues dans la résolution 2231
définissent clairement les États-Unis
comme un « participant » lorsqu’il
s’agit de « résoudre tout problème en ce
qui concerne la mise en œuvre du JCPOA
».
Il a en outre noté
que : « Nulle part dans le dispositif…
il n’est dit qu’il faut être membre du
JCPOA. Cela aurait pu être spécifié de
différentes manières, mais [le Conseil
de Sécurité] ne l’a pas fait. »
Actuellement, aucun
autre participant au JCPOA, ni membre
permanent du Conseil de Sécurité, ne
soutient la position américaine. Une
bataille politique critique se prépare
au Conseil de Sécurité, où les
États-Unis se préparent à soumettre un
projet de résolution qui, en raison des
mécanismes légalistes contenus dans la
résolution 2231, garantirait que des
sanctions de type « snap-back » soient
réimposées contre l’Iran.
Il est largement
reconnu par les participants au JCPOA
que si les États-Unis réussissent dans
cette manœuvre, l’accord sera totalement
condamné, et la probabilité que l’Iran
quitte le traité de non-prolifération
nucléaire sera très forte.
Il reste à voir si
les autres membres permanents du Conseil
de Sécurité peuvent monter un argument
juridique qui prive les États-Unis de
leur statut de « nation participante ».
Mais l’essentiel est que les États-Unis,
étant confrontés à la réalité que leur
politique d‘endiguement face à
l’Iran a échoué, sont prêts à risquer
une catastrophe mondiale afin de sauver
la face.
Les mots doivent
avoir un sens, notamment en matière de
diplomatie internationale. Par ses
actions, l’administration Trump a
concrétisé une triste réalité : ses mots
n’ont aucun sens et aucune valeur.
Texte intégral
de la lettre de Mohammad Javad Zarif,
Ministre des Affaires étrangères de
l’Iran, adressée au Secrétaire général
de l’ONU
« Le retrait
américain du JCPOA et la réimposition
subséquente d’un régime de sanctions
draconien, total et unilatéral contre
l’Iran doivent sonner l’alarme pour la
paix et la sécurité internationales.
C’est la première fois dans l’histoire
de l’ONU qu’un membre permanent du
Conseil de Sécurité punit les membres de
l’ONU pour avoir respecté une résolution
du Conseil de Sécurité. »
Source :
Ministère des affaires étrangères
iranien, le 9 mai 2020
Traduction :
lecridespeuples.fr
A Son Excellence M.
Antonio Guterres, Secrétaire général des
Nations Unies
Excellence,
Suite à ma lettre
du 10 mai 2018 (A / 72/869-S /
2018/453), je voudrais attirer votre
attention sur plusieurs questions liées
au retrait illégal des États-Unis
d’Amérique du Plan d’action global
commun (JCPOA, ou Accord sur le
nucléaire iranien) et l’imposition
illégale de ses sanctions unilatérales
contre le peuple et le gouvernement de
la République Islamique d’Iran, en
violation manifeste de ses obligations
en vertu du droit international. Je
voudrais tout particulièrement attirer
l’attention du Conseil de Sécurité – via
votre qualité de Secrétaire Général –
sur les questions relatives aux cas
multiples, continus et graves de
violations de la Charte des Nations
Unies, en particulier de son article 25,
mettant ainsi en péril la crédibilité et
l’intégrité de l’Organisation des
Nations Unies et menaçant le maintien de
la paix et de la sécurité
internationales.
1. Retrait
unilatéral et illégal des États-Unis du
JCPOA
Comme vous le savez
bien, le 8 mai 2018, le Président des
États-Unis a officiellement annoncé le
retrait unilatéral des États-Unis du
Plan d’action global conjoint (JCPOA),
en violation substantielle de la
résolution 2231 (2015) du Conseil de
Sécurité à laquelle le JCPOA est annexé.
En conséquence, l’administration des
États-Unis a mis fin à la participation
des États-Unis au JCPOA et a réimposé
toutes les sanctions américaines levées
en rapport avec le JCPOA, commettant
ainsi plusieurs cas de « non-respect
manifeste » du JCPOA, et en violation
flagrante de la résolution 2231 (2015)
du Conseil de Sécurité des Nations
Unies.
L’acte illégal de
retrait injustifié des États-Unis du
JCPOA et la réimposition de ses
sanctions entraînent la responsabilité
des États-Unis en vertu de la Charte des
Nations Unies et du droit international.
Les États-Unis ont violé la résolution
2231 (2015) du Conseil de Sécurité des
Nations unies, qui a en fait été
présentée par les États-Unis eux-mêmes
et adoptée à l’unanimité par le Conseil
de Sécurité le 20 juillet 2015. L’ONU
doit réagir rapidement face à la
responsabilité des États-Unis et les
tenir responsables des conséquences de
leur acte illicite qui va à l’encontre
de la Charte des Nations Unies et du
droit international. L’impunité des
États-Unis dans ce cas et dans d’autres
cas compromettrait considérablement la
crédibilité de l’Organisation des
Nations Unies.
Il est désormais
clair pour tous que les comportements
illégaux des États-Unis constituent un
mépris total du droit international et
de la Charte des Nations Unies, sapent
le principe du règlement pacifique des
différends, mettent en danger le
multilatéralisme et ses institutions,
indiquent une régression vers l’ère
désastreuse de l’unilatéralisme, et
encouragent l’intransigeance et
l’illégalité ; cela représente une
menace évidente pour la paix et la
sécurité internationales.
2. Malversations
des États-Unis pour saper les
dispositions de la résolution 2231 du
Conseil de sécurité des Nations Unies
(2015)
La résolution 2231
(2015) souligne que « le JCPOA est
propice à la promotion et à la
facilitation du développement de
contacts économiques et commerciaux
normaux et de la coopération avec l’Iran
» et exhorte à « sa pleine mise en
œuvre selon le calendrier établi dans le
JCPOA », appelant tous les États
membres « à prendre les mesures
appropriées pour soutenir la mise en
œuvre du JCPOA, notamment via des
actions proportionnées au plan de mise
en œuvre défini dans le JCPOA et la
présente résolution, et en s’abstenant
de toute action qui compromettrait la
mise en œuvre des engagements pris dans
le cadre du JCPOA ».
Non seulement les
États-Unis n’ont pas respecté leurs
propres engagements au titre du JCPOA,
mais ils ont également fait obstacle de
manière substantielle au respect des
engagements par les autres participants
au JCPOA et d’autres États membres de
l’ONU. Depuis la prise de fonctions de
Trump, les États-Unis ont une fois de
plus recouru à la pratique des mesures
coercitives unilatérales et ont imposé
129 sanctions à l’Iran, infligeant un
préjudice irréparable à l’économie
iranienne et à ses relations
commerciales internationales. Ces
actions ont un effet direct sur le
secteur privé iranien, réduisent les
revenus des simples citoyens Iraniens et
réduisent la capacité de production et
d’emploi du secteur privé. Aujourd’hui,
la situation est bien pire par rapport
au statu quo ante du JCPOA. La
liste complète de ces sanctions est
jointe à la présente lettre pour plus de
clarté.
Le retrait
américain du JCPOA et la réimposition
subséquente d’un régime de sanctions
draconien, total et unilatéral contre
l’Iran doivent sonner l’alarme pour la
paix et la sécurité internationales.
C’est la première fois dans l’histoire
de l’ONU qu’un membre permanent du
Conseil de Sécurité punit les membres de
l’ONU pour avoir respecté une résolution
du Conseil de Sécurité.
Il est temps que le
Conseil de Sécurité et ses membres
assurent et garantissent la pleine
application du JCPOA par toutes les
parties. Plutôt que de permettre aux
États-Unis de répéter ce modèle abusif,
le Conseil devrait condamner fermement
les États-Unis pour avoir (ré)-imposé
leurs sanctions illégales contre l’Iran
en violation de la Charte des Nations
Unies, de la résolution 2231 du Conseil
de Sécurité (2015) et du droit
international. Les États-Unis devraient
être tenus responsables de ces dommages
et la nation iranienne doit être
indemnisée de manière adéquate. La
communauté internationale doit assurer
la mise en œuvre et le respect du JCPOA.
3. Les efforts
iraniens de bonne foi pour préserver le
JCPOA
À la suite du
retrait illégal des États-Unis et de la
(ré)-imposition de leurs sanctions qui
avaient été levées conformément au
JCPOA, tout en réservant son droit
immédiat en vertu du paragraphe 26 [1],
mon gouvernement a lancé le mécanisme de
règlement des différends en vertu du
paragraphe 36 du JCPOA le 10 mai 2018.
En agissant de bonne foi, nous nous
sommes abstenus d’appliquer le « recours
» et n’avons pas immédiatement «
cessé de remplir [nos] engagements au
titre du JCPOA », afin de permettre
aux autres participants au JCPOA de
tenir leurs engagements.
Comme vous l’avez
affirmé dans votre déclaration à la
suite du retrait des États-Unis du
JCPOA, « Il est essentiel que toutes
les préoccupations concernant la mise en
œuvre du Plan soient traitées par le
biais des mécanismes établis dans le
JCPOA » [2] et à la demande des
participants au JCPOA et de la
communauté internationale ; et alors que
l’Iran était en droit d’exercer
immédiatement ses droits après le
retrait illégal des États-Unis le 8 mai
2018, mon gouvernement a décidé de faire
valoir ses droits dans le cadre de la
Commission mixte du JCPOA et a poursuivi
la mise en œuvre intégrale du JCPOA. Je
pense que vous êtes informé de 15
rapports consécutifs de l’AIEA vérifiant
tous le plein respect par l’Iran de ses
engagements au titre du JCPOA [3].
Comme l’indique
clairement la déclaration officielle de
la République Islamique d’Iran (S /
2015/550) à la suite de l’adoption de la
résolution 2231 (2015) du Conseil de
Sécurité des Nations Unies en juillet
2015, « La suppression des sanctions
et des mesures restrictives liées au
nucléaire par l’Union européenne et les
États-Unis signifierait que les
transactions et activités visées par le
JCPOA pourraient être effectuées avec
l’Iran et ses entités partout dans le
monde sans crainte des représailles du
harcèlement extraterritorial, et que
toutes les personnes pourraient
librement choisir de s’engager dans des
transactions commerciales et financières
avec l’Iran. Il est clairement indiqué
dans le JCPOA que l’Union européenne et
les États-Unis s’abstiendront de
réintroduire ou de réimposer les
sanctions et les mesures restrictives
levées en vertu du JCPOA » [4].
Malheureusement, depuis mai 2018, à la
suite des sanctions américaines, l’Iran
a été privé des avantages de la levée
des sanctions dans le cadre du JCPOA.
Dès le début, il était clair que «
la réintroduction ou la réimposition, y
compris par la prolongation, des
sanctions et des mesures restrictives,
constitueraient une non-exécution
importante qui libérerait l’Iran de ses
engagements en tout ou en partie »
[5], ce qui est également stipulé au
paragraphe 26 du JCPOA.
L’Iran a fait
preuve de retenue de bonne foi et a
épuisé tous les recours prévus au
paragraphe 36 pendant un an après le
retrait des États-Unis. Cependant, dans
l’atmosphère destructrice qui a suivi le
8 mai, la troïka européenne (France,
Allemagne, Royaume-Uni) n’a pas respecté
ses engagements et l’Iran n’a eu d’autre
choix que de décider d’exercer ses
droits en vertu des paragraphes 26 et 36
du JCPOA pour cesser de remplir ses
engagements en partie le 8 mai 2019. En
fait, l’Iran a officiellement et
clairement déclenché et épuisé le
mécanisme prévu au paragraphe 36.
Afin de manifester
notre bonne foi et notre sérieux désir
de protéger le JCPOA, je tiens à
souligner une fois de plus que la
République Islamique d’Iran reste prête
à poursuivre le dialogue à tous les
niveaux pour assurer la pleine mise en
œuvre du JCPOA par tous les participants
et poursuivra une coopération pleine et
efficace avec l’AIEA.
Il est de la plus
haute importance de noter que le
programme nucléaire iranien est
surveillé en permanence par la
surveillance et la vérification « les
plus robustes » de l’AIEA, rendant ainsi
matériellement non pertinents les
risques perçus quant à la
non-prolifération. Même le très récent
rapport du directeur général de l’AIEA
du 3 mars 2020 indique que « l’Agence
continue de vérifier le non-détournement
de matières nucléaires déclarées dans
les installations nucléaires et dans les
emplacements en dehors des installations
où les matières nucléaires sont
habituellement utilisées (LOFs) déclarés
par l’Iran en vertu de son accord de
garanties ». [6]
Je voudrais
réaffirmer que si les droits et
avantages de notre peuple ne sont pas
pleinement compensés, L’Iran aura le
droit incontestable – reconnu par le
JCPOA et la résolution 2231 (2015) du
CSNU – de prendre les mesures
appropriées en réponse aux actes
illégaux persistants des États-Unis.
4.
Interprétations abusives par les
États-Unis de la résolution 2231 du
Conseil de sécurité
Les États membres
de l’ONU sont obligés de se conformer
aux décisions du Conseil de Sécurité
adoptées en vertu de l’article 25. Dans
le cas contraire, cela priverait cet
organe principal de ses fonctions et
pouvoirs essentiels en vertu de la
Charte. Pour cette raison, au
quatorzième alinéa du préambule de la
résolution 2231 (2015) du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, le Conseil
de Sécurité a renvoyé à l’article 25 de
la Charte et a souligné que « les
États membres sont tenus, en vertu de
l’article 25 de la Charte des Nations
Unies, d’accepter et de mettre en œuvre
les décisions du Conseil de Sécurité
».
La rédaction,
l’adoption, l’interprétation et la mise
en œuvre des résolutions du Conseil de
Sécurité ont un cadre particulier et
devraient être soumises aux principes et
règles du droit international. Aucun
État ne peut se placer au-dessus de la
loi (legibus solaus) en bloquant
toutes les voies de mise en œuvre de la
Résolution 2231 du Conseil de Sécurité
(2015) et en la violant par des actes
illégaux inacceptables et des
interprétations arbitraires.
L’interprétation des résolutions du
Conseil de Sécurité exige également que
d’autres facteurs soient pris en
considération. La résolution 2231 (2015)
du Conseil de Sécurité des Nations unies
est le produit d’un processus de vote
tel que prévu à l’article 27 de la
Charte, et le texte final de cette
résolution, notamment l’annexe A
(JCPOA), représente le point de vue du
Conseil de Sécurité dans sa totalité.
En outre, la
résolution 2231 (2015) du Conseil de
Sécurité des Nations Unies est
juridiquement contraignante pour tous
les États membres, quelle que soit leur
association active ou passive avec sa
formulation et son adoption, ou qu’ils
aient sapé ou violé gravement ses
dispositions en prenant des mesures
unilatérales. Il est ironique que l’État
qui a participé à l’élaboration et à la
négociation de la résolution soit devenu
son principal adversaire en la violant
gravement.
Les déclarations
des représentants des membres du Conseil
de Sécurité à l’occasion de l’adoption
des résolutions définissent le contexte
substantiel de leur interprétation. Le
représentant américain à la réunion du
Conseil de Sécurité du 20 juillet 2015 a
déclaré que « notre travail est loin
d’être terminé. La communauté
internationale doit appliquer la même
rigueur pour garantir le respect du
JCPOA que nous l’avons fait pour le
rédiger et le négocier. Tout est dans la
mise en œuvre » [7]. Le représentant
de la France a également précisé qu ‘« il
appartient désormais au Conseil de
Sécurité d’approuver l’accord de Vienne
et de se porter garant de sa mise en
œuvre » [8]. L’essence d’une telle
garantie n’est pas de renforcer les
pouvoirs du Conseil de Sécurité, mais de
préserver la dignité et l’intégrité du
Conseil et de préserver les objectifs
inscrits dans la résolution 2231 (2015)
du Conseil de Sécurité de l’ONU et son
annexe A, à savoir le JCPOA.
Il convient de
noter que la résolution 2231 (2015) du
Conseil de Sécurité des Nations Unies
doit également être lue dans le contexte
des dispositions énoncées dans le JCPOA
(annexe A de la résolution 2231) ; en un
sens, la résolution est liée au JCPOA
comme par un cordon ombilical. Dans la
résolution, le Conseil « Approuve le
JCPOA et demande instamment sa pleine
mise en œuvre selon le calendrier établi
dans le JCPOA ». Ces dispositions du
JCPOA visaient à fournir un plan
d’action « global » et ont conclu une
solution finale à la crise fabriquée de
toutes pièces concernant le programme
nucléaire pacifique de l’Iran.
En outre, il
convient de rappeler que le deuxième
paragraphe du dispositif de la
résolution 2231 (2015) du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, dans lequel
le Conseil de Sécurité « invite tous
les États membres, les organisations
régionales et les organisations
internationales à prendre les mesures
appropriées pour soutenir la mise en
œuvre du JCPOA, y compris en prenant des
mesures proportionnées au plan de mise
en œuvre défini dans le JCPOA et la
présente résolution et en s’abstenant de
toute action compromettant la mise en
œuvre des engagements pris dans le cadre
du JCPOA », oblige évidemment les
États à ne pas appliquer les sanctions
levées au titre du JCPOA.
Ayant exposé les
principales caractéristiques de la
résolution 2231 du Conseil de sécurité
ci-dessus, trois caractéristiques
distinctes de cette résolution
pertinentes pour discerner son objet et
son but doivent être observées :
- Premièrement,
la résolution 2231 (2015) du Conseil
de Sécurité des Nations Unies marque
un « changement fondamental » dans
l’examen par le Conseil de Sécurité
de cette question, et contribuera à
renforcer la confiance dans la
nature exclusivement pacifique du
programme nucléaire iranien.
- Deuxièmement,
la solution énoncée dans la
résolution 2231 (2015) du Conseil de
Sécurité des Nations Unies est
propice à la promotion et à la
facilitation du développement de
contacts économiques et commerciaux
normaux et de la coopération avec
l’Iran, et compte tenu des droits et
obligations des États en matière de
commerce international.
- Et
troisièmement, en ce qui concerne le
douzième alinéa du préambule de la
résolution 2231 (2015), la fin des
dispositions des résolutions
précédentes et d’autres mesures est
prévue dans la présente résolution,
et les États Membres sont invités à
tenir compte de ces changements
comme il se doit.
Les déclarations de
responsables américains indiquant une
intention de prendre des mesures contre
la résolution 2231 (2015) du Conseil de
Sécurité des Nations Unies sont très
préoccupantes et peuvent conduire la
situation à des développements
incontrôlables. Il est un fait reconnu
et bien documenté que les efforts en
cours des États-Unis pour apporter des
modifications substantielles à la
résolution 2231 (2015) du Conseil de
Sécurité des Nations Unies ne sont pas
les premiers du genre ; leur échec en
novembre 2019 pour mettre à jour la
Liste 2231 était le dernier exemple
évident. La résolution 2231 (2015) du
Conseil de Sécurité des Nations Unies a
été adoptée pour mettre fin aux
sanctions et non pour prolonger celles
qui avaient été imposées par les
résolutions précédentes ; en ce sens, il
ne s’agit pas d’une résolution de
sanctions. Toute initiative ignorant ce
contexte aura de graves conséquences sur
la durabilité et la viabilité des
conditions convenues.
Non seulement les
États-Unis violent gravement la
résolution 2231 (2015) du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, mais ils
tentent de manière flagrante d’inverser
la résolution dans un mépris absolu des
principes bien établis du droit
international. En fait, l’un des
principes fondamentaux régissant les
relations internationales ainsi établies
est qu’un État qui ne s’acquitte pas de
ses propres obligations ne peut être
reconnu comme conservant les droits
qu’il prétend tirer de la relation. Dans
ce cas, rien qu’en se retirant du JCPOA,
les États-Unis y ont perdu tout droit.
Par conséquent,
j’appelle la communauté internationale,
et en particulier le Conseil de Sécurité
et le Secrétaire Général, à prendre
toutes les mesures appropriées pour
contrer ces efforts malveillants du
gouvernement américain qui sapent
considérablement les dispositions de la
résolution 2231 (2015) du Conseil de
Sécurité. L’ONU doit assumer sa
responsabilité contre les récentes
actions provocatrices des États-Unis.
Comme spécifié dans
la lettre du 8 mai 2019 du Président de
la République Islamique d’Iran à ses
homologues 4 + 1 [Chine, France, Russie,
Royaume-Uni + Allemagne], toute nouvelle
sanction ou restriction par le Conseil
de Sécurité va à l’encontre des
engagements fondamentaux pris envers
l’Iran. Dans un tel scénario, les
options de l’Iran, comme déjà notifiées
aux autres participants du JCPOA,
seraient fermes, et les États-Unis et
toute entité qui pourrait aider les
États-Unis – ou acquiescer à son
comportement illégal – en porteraient la
responsabilité.
Comme je l’ai
déclaré il y a près de 14 ans au Conseil
de Sécurité des Nations Unies, « le
peuple et le gouvernement de la
République Islamique d’Iran ne
recherchent pas la confrontation et ont
toujours montré leur volonté d’engager
des négociations sérieuses et
constructives, basées sur le respect
mutuel et sur un pied d’égalité. Ils ont
également montré, à maintes reprises,
leur résilience face à la pression, à la
menace, à l’injustice et à la coercition
». [9] Ma nation a déjà montré sa bonne
foi et son haut sens de la
responsabilité. C’est maintenant au tour
de la communauté internationale de
rendre la pareille au peuple iranien. En
conséquence, j’exhorte les Nations Unies
à tenir les États-Unis pour responsables
de leur conduite unilatérale et
irresponsable qui mettra en péril la
crédibilité du Conseil de Sécurité de
l’ONU et portera atteinte à l’intégrité
de la Charte des Nations Unies.
Je vous serais
obligé de bien vouloir faire distribuer
cette lettre comme document de
l’Assemblée générale et du Conseil de
Sécurité.
Veuillez agréer,
Excellence, l’assurance de ma très haute
considération
NOTES
[1] Paragraphe
26 du JCPOA : « L’Iran a déclaré qu’il
traiterait une telle réintroduction ou
réimposition des sanctions spécifiées à
l’annexe II, ou une telle imposition de
nouvelles sanctions liées au nucléaire,
comme des motifs de cesser ses
engagements au titre du présent JCPOA,
en tout ou en partie. »
[2] «
Déclaration du Secrétaire général sur
le Plan d’action global commun (JCPOA)
», 8 mai 2018, disponible sur
https://www.un.org/sg/en/content/sg/statement/2018-05-08/statement-secretary-general-joint-comprehensive-plan-action-jcpoa
[3] Rapports de
l’AIEA au Conseil de Sécurité : S /
2016/57 (19 janvier 2016), S / 2016/250
(15 mars 2016), S / 2016/535 (13 juin
2016), S / 2016/808 (22 Septembre 2016),
S / 2016/983 (21 novembre 2016), S /
2017/234 (20 mars 2017), S / 2017/502
(14 juin 2017), S / 2017/777 (13
septembre 2017), S / 2017/994 (28
novembre 2017), S / 2018/205 (8 mars
2018), S / 2018/540 (6 juin 2018), S /
2018/835 (12 septembre 2018), S /
2018/1048 (26 novembre 2018), S /
2019/212 (6 mars 2019), S / 2019/496 (14
juin 2019).
[4] S /
2015/550, lettre datée du 20 juillet
2015, adressée au Président du Conseil
de Sécurité par le Représentant
permanent de la République Islamique
d’Iran auprès de l’Organisation des
Nations Unies.
[5] S /
2015/550, lettre datée du 20 juillet
2015, adressée au Président du Conseil
de Sécurité par le Représentant
permanent de la République Islamique
d’Iran auprès de l’Organisation des
Nations Unies.
[6] AIEA,
Rapport du Directeur général, «
Vérification et surveillance en
République Islamique d’Iran à la lumière
de la résolution 2231 (2015) du Conseil
de sécurité des Nations Unies », mars
2020. Disponible sur
https://www.iaea.org/sites/default/files/20/03/gov2020-5.pdf
[7] Remarques de
Mme Power (États-Unis d’Amérique),
Conseil de Sécurité, 71e
année: 7488e séance, lundi 20
juillet 2015, New York. Disponible sur
https://undocs.org/S/PV
[8] Remarques
de M. Delattre (France), Conseil de
Sécurité, 71e année: 7488e
séance, lundi 20 juillet 2015, New York.
Disponible sur:
https://undocs.org/S/PV.7488
[9] Conseil de
sécurité, 61e année : 5500e
séance, lundi 31 juillet 2006, New York.
Disponible sur:
https://digitallibrary.un.org/record/580129?ln=en
Voir également :
Après Youtube & Facebook, Vimeo bannit
les vidéos de Nasrallah et ‘Le Cri des
Peuples’
Pour ne
manquer aucune publication et
soutenir ce travail censuré en
permanence, partagez cet article et
abonnez-vous à la Newsletter.
Vous pouvez aussi nous suivre sur
Facebook et
Twitter.
Le
sommaire de Sayed Hasan
Le
dossier Iran
Les dernières mises à jour
|