LE CRI DES PEUPLES
Massacres, viols, pillages et
destruction de villages entiers :
comment Israël dissimule les preuves du
nettoyage ethnique des Palestiniens en
1948
Hagar Shezaf
Vendredi 12 juillet 2019 Source :
Haaretz, 5 juillet 2019
Traduction :
lecridespeuples.fr
Depuis le début
de la dernière décennie, les équipes du
ministère de la Défense ont fouillé les
archives locales et retiré un grand
nombre de documents historiques afin de
dissimuler les preuves de la Nakba.
Il y a quatre ans,
l’historienne Tamar Novick a été choquée
par un document qu’elle a trouvé dans le
dossier de Yosef Vashitz, du département
arabe du parti de gauche Mapam,
dans les archives Yad Yaari à Givat
Haviva. Le document, qui semblait
décrire les événements qui ont eu lieu
pendant la guerre de 1948, commençait
ainsi :
« Safsaf [ancien
village palestinien près de Safed] – 52
hommes ont été capturés, ligotés les uns
aux autres, une fosse a été creusée et
ils ont été abattus. 10 étaient encore
en train de convulser. Des femmes sont
venues, implorant notre pitié. Trouvé
corps de 6 hommes âgés. Il y avait 61
corps. 3 cas de viol, dont un à l’est de
Safed, fille de 14 ans, 4 hommes tués
par balle. Ils ont coupé les doigts d’un
d’entre eux avec un couteau pour lui
voler une bague. »
L’auteur poursuit
en décrivant d’autres
massacres, pillages et abus
perpétrés par les forces israéliennes
pendant la guerre d’indépendance
d’Israël. « Il n’y a pas de nom sur le
document et on ne sait pas très bien qui
en est l’auteur », déclare Tamar Novick
à Haaretz. « Ce document est
incomplet. J’ai trouvé cela très
troublant. Je savais qu’en trouvant un
tel document, j’avais la responsabilité
de clarifier ce qui s’était passé. »
Le village de
Safsaf, en Haute Galilée, a été capturé
par les forces de défense israéliennes
lors de l’opération Hiram à la fin de
l’année 1948. La colonie de Moshav
Safsufa a été établie sur ses ruines. Au
fil des ans, des allégations ont été
faites selon lesquelles la Septième
brigade aurait commis des crimes de
guerre dans ce village. Ces accusations
sont étayées par le document trouvé par
Novick, qui n’était pas connu des
universitaires auparavant. Cela pourrait
également constituer une preuve
supplémentaire que les hauts gradés
israéliens étaient informés de ce qui se
passait en temps réel.
Novick a décidé de
consulter d’autres historiens au sujet
du document.
Benny Morris, dont les livres
constituent les textes de base de
l’étude de la Nakba – la
« calamité », comme les Palestiniens
décrivent l’émigration massive des
Arabes du pays pendant la guerre de 1948
– lui a dit qu’il avait lui aussi trouvé
des documents similaires dans le passé.
Il se référait aux notes prises par
Aharon Cohen, membre du Comité central
du Mapam, sur la base d’un exposé
donné en novembre 1948 par Israël
Galili, l’ancien chef d’état-major de la
milice de la Haganah, qui est
devenue l’IDF (Forces de défense
d’Israël, ou Tsahal). Les notes
de Cohen dans cette affaire, publiées
par Morris, indiquaient : « Safsaf : 52
hommes attachés avec une corde. Jetés
dans une fosse et abattus. 10 ont été
tués. Les femmes ont imploré pitié. Il y
a eu 3 cas de viol. Pris et relâchés.
Une fille de 14 ans a été violée. 4
autres ont été tuées. Bagues (volées au)
couteau. »
La note de bas de
page de Morris (dans son ouvrage
fondateur La naissance du problème
des réfugiés palestiniens, 1947-1949)
indique que ce document a également été
trouvé dans les archives Yad Yaari. Mais
lorsque Novick est revenue examiner le
document, elle a été surprise de
découvrir qu’il n’était plus là.
« Au début, j’ai
pensé que Morris n’avait peut-être pas
été précis dans sa note de bas de page,
qu’il avait peut-être fait une erreur,
se rappelle Novick. Il m’a fallu du
temps pour envisager la possibilité que
le document ait tout simplement
disparu. » Lorsqu’elle a demandé aux
responsables où se trouvait le document,
on lui a répondu qu’il avait été placé
sous clé à Yad Yaari, sur ordre du
ministère de la Défense.
Depuis le début de
la dernière décennie, les équipes du
ministère de la Défense ont fouillé les
archives locales et retiré des trombes
de documents historiques pour les mettre
sous clé. Mais ce ne sont pas seulement
des documents relatifs au projet
nucléaire d’Israël ou aux relations
extérieures du pays qui sont transférés
dans des coffres-forts : des centaines
de documents ont été dissimulés dans le
cadre d’un effort systématique visant à
dissimuler des preuves de la Nakba.
Le phénomène a été
détecté pour la première fois par
l’Institut Akevot, consacré à la
recherche sur le conflit
israélo-palestinien. Selon un rapport
établi par l’institut, l’opération est
menée par Malmab, le département secret
de la sécurité du Ministère de la
Défense (le nom est un acronyme hébreu
pour « directeur de la sécurité de
l’institution de Défense »), dont les
activités et le budget sont secrets. Le
rapport affirme que Malmab a retiré des
documents historiques illégalement et
sans autorisation, et que dans certains
cas, il a scellé des documents qui
avaient été préalablement approuvés pour
publication par le censeur militaire.
Certains des documents qui ont été
placés dans des coffres-forts avaient
déjà été publiés.
Une enquête de
Haaretz a révélé que Malmab a
dissimulé des témoignages de généraux de
l’armée israélienne au sujet du meurtre
de civils et de la démolition de
villages, ainsi que des preuves de
l’expulsion de Bédouins au cours de la
première décennie de l’Etat d’Israël.
Des conversations menées par Haaretz
avec des directeurs d’archives publiques
et privées ont révélé que le personnel
du service de sécurité avait traité les
archives comme leur propriété, menaçant
dans certains cas les directeurs des
archives eux-mêmes.
Yehiel Horev, qui a
dirigé Malmab pendant deux décennies,
jusqu’en 2007, a reconnu auprès de
Haaretz qu’il avait été
l’instigateur du projet, qui est
toujours en cours. Il soutient qu’il est
logique de dissimuler les événements de
1948, car leur révélation pourrait
engendrer des troubles au sein de la
population arabe du pays. Interrogé sur
l’intérêt de retirer les documents déjà
publiés, il a expliqué que l’objectif
est de saper la crédibilité des études
sur l’histoire du problème des réfugiés.
Selon Horev, une allégation faite par un
chercheur qui est appuyée par un
document original n’est pas la même
chose qu’une allégation qui ne peut être
prouvée ou réfutée du fait de
l’inaccessibilité du document.
Le document que
Novick cherchait aurait pu renforcer le
travail de Morris. Au cours de
l’enquête, Haaretz a en effet pu
trouver la note de service d’Aharon
Cohen, qui résume une réunion de la
Commission politique du Mapam sur le
thème des massacres et expulsions en
1948. Les participants à la réunion ont
appelé à coopérer avec une Commission
d’enquête chargée d’enquêter sur les
événements. L’un des cas examinés par le
comité concernait des « actions graves »
menées dans le village d’Al-Dawayima, à
l’est de Kiryat Gat. Un participant a
mentionné à cet égard la milice
souterraine du Lehi, alors dissoute. Des
actes de pillage ont également été
signalés : « A Lod et Ramle, à Be’er
Sheva, il n’y a pas le moindre magasin
[arabe] qui n’ait été cambriolé. La 9ème
Brigade parle de sept (magasins pillés),
la 7ème Brigade de huit. »
« Le parti », dit
le document vers la fin, « est opposé
aux expulsions si elles ne sont pas
nécessaires sur le plan militaire. Il
existe différentes approches concernant
l’évaluation de la nécessité. Et le
mieux est d’obtenir plus de précisions.
Ce qui s’est passé en Galilée – ce sont
des actes nazis ! Chacun de nos membres
doit rapporter ce qu’il sait. »
La version
israélienne
L’un des documents
les plus fascinants sur l’origine du
problème des réfugiés palestiniens a été
rédigé par un officier du Shai, le
précurseur du service de sécurité du
Shin Bet. Il explique pourquoi le pays a
été vidé de tant de ses habitants
arabes, en s’attardant sur la situation
de chaque village. Compilé fin juin
1948, il s’intitulait « L’émigration des
Arabes de Palestine ».
Lire une traduction du document ici
(en anglais)
Ce document a servi
de base à un article que Benny Morris a
publié en 1986. Après la parution de
l’article, le document a été retiré des
archives et rendu inaccessible aux
chercheurs. Des années plus tard,
l’équipe de Malmab a réexaminé le
document et a ordonné qu’il reste classé
secret. Ils ne pouvaient pas savoir que
quelques années plus tard, des
chercheurs d’Akevot trouveraient une
copie du texte et le présenteraient aux
censeurs militaires – qui ont autorisé
sa publication sans condition.
Aujourd’hui, après des années de
dissimulation, l’essentiel du document
est révélé ici.
Le document de 25
pages commence par une introduction qui
approuve sans réserve l’évacuation des
villages arabes. Selon l’auteur, le mois
d’avril « était excellent quant à
l’augmentation de l’émigration », tandis
que le mois de mai « a été béni avec
l’évacuation d’un maximum d’endroits ».
Le rapport aborde ensuite « les causes
de l’émigration arabe ». Selon le récit
israélien qui a été diffusé au fil des
ans, la responsabilité de l’exode
d’Israël incombe aux politiciens arabes
qui ont encouragé la population à partir
[comme si cela pouvait justifier
l’expropriation, l’accaparement et
l’interdiction du retour de ces
populations, remplacées par des colons
Juifs, voire la destruction de leurs
villages]. Cependant, d’après ce
document, 70% des Arabes sont partis à
cause des opérations militaires juives.
L’auteur anonyme du
texte classe par ordre d’importance les
raisons du départ des Arabes. La
première raison est « Les actes
d’hostilité directe des Juifs contre les
lieux de peuplement arabes. » La
deuxième raison était l’impact de ces
actions sur les villages voisins.
Troisièmement, il y avait les
« opérations des groupes dissidents »,
c’est-à-dire les clandestins de l’Irgoun
et du Lehi (organisations
terroristes juives). La quatrième raison
de l’exode arabe était les ordres donnés
par les institutions et les « gangs »
arabes (le document décrit tous les
groupes de combattants arabes comme des
« gangs ») ; la cinquième raison était
« les opérations de ‘conseil’ des Juifs
(guerre psychologique) visant à inciter
les habitants arabes à fuir » ; et le
sixième facteur était « les ultimatums
d’évacuation ».
L’auteur affirme
que « sans aucun doute, les opérations
hostiles ont été la cause principale du
déplacement de la population ». En
outre, « les haut-parleurs en langue
arabe ont prouvé leur efficacité
lorsqu’ils étaient utilisés
correctement. » En ce qui concerne les
opérations de l’Irgoun et du
Lehi, le rapport observe que « de
nombreux habitants des villages de
Galilée centrale ont commencé à fuir
après l’enlèvement des notables de
Sheikh Muwannis [un village au nord de
Tel Aviv]. Les Arabes ont appris qu’il
ne suffit pas de conclure un accord avec
la Haganah et qu’il y a d’autres
Juifs [c’est-à-dire les milices
dissidentes] qu’il faut redouter. »
L’auteur note que
les ultimatums de départ ont surtout été
utilisés en Galilée centrale, mais moins
dans la région du mont Gilboa.
« Naturellement, cet ultimatum, comme
l’effet du ‘conseil amical’, est venu
après une certaine préparation du
terrain par le biais d’actions hostiles
dans la région. »
Une annexe au
document décrit les causes spécifiques
de l’exode de chacune des dizaines de
localités arabes :
-
Ein Zeitun : « notre destruction du
village » ;
-
Qeitiya : « harcèlement, menace
d’action » ;
-
Almaniya : « notre action, beaucoup
de morts » ;
-
Tira : « conseils juifs amicaux » ;
-
Al’Amarir : « après des vols et des
meurtres commis par les dissidents »
;
-
Sumsum : « notre ultimatum » ;
-
Bir Salim : « attaque de
l’orphelinat » ;
-
Zarnuga : « conquête et expulsion ».
Mèche courte
Au début des années
2000, le Centre Yitzhak Rabin a mené une
série d’entretiens avec d’anciennes
personnalités publiques et militaires
dans le cadre d’un projet visant à
documenter leur activité au service de
l’Etat. Le bras long de Malmab s’est
également emparé de ces interviews.
Haaretz, qui a obtenu les textes
originaux de plusieurs des entretiens,
les a comparés aux versions qui sont
maintenant disponibles pour le public,
après que de larges pans d’entre eux
aient été classés secret défense.
Il s’agit, par
exemple, de parties du témoignage du
général de brigade Aryeh Shalev sur
l’expulsion de l’autre côté de la
frontière des habitants d’un village
qu’il a appelé « Sabra ». Plus tard dans
l’entrevue, les phrases suivantes ont
été supprimées : « Il y a eu un problème
très sérieux dans la vallée. Il y avait
des réfugiés qui voulaient retourner
dans la vallée, dans le Triangle [une
concentration de villes et villages
arabes dans l’est d’Israël]. Nous les
avons expulsés. Je les ai rencontrés
pour les persuader de ne pas vouloir
cela. J’ai des documents à ce sujet. »
Dans un autre cas,
Malmab a décidé de dissimuler ce segment
d’un entretien que l’historien Boaz Lev
Tov a menée avec le major-général
réserviste Elad Peled :
Lev Tov : Nous
parlons d’une population composée de
femmes et d’enfants ?
Peled : Tous,
tous. Oui.
Lev Tov : Vous
ne faisiez aucune distinction (entre les
hommes et les femmes/enfants) ?
Peled : Le
problème est très simple. C’est une
guerre entre deux populations. Ils
sortent de leurs maisons.
Lev Tov : Si la
maison existe, ils ont un endroit où
retourner ?
Peled : Ce ne
sont pas encore des armées, ce sont des
gangs. Nous sommes aussi des gangs. Nous
sortons de la maison et retournons dans
la maison. Ils sortent de la maison et y
retournent. C’est tantôt leur maison,
tantôt la nôtre.
Lev Tov : Les
scrupules sont l’apanage de la
génération la plus récente ?
Epluchés : Oui,
aujourd’hui, (il y a plus de scrupules).
Quand je m’assois dans un fauteuil et
que je pense à ce qui s’est passé,
toutes sortes de pensées me viennent à
l’esprit.
Lev Tov : Il n’y
avait aucun scrupule à l’époque ?
Epluchés :
Ecoutez, laissez-moi vous dire quelque
chose d’encore moins avouable, quelque
chose de cruel à propos du grand raid à
Sasa [village palestinien en Haute
Galilée]. Le but était en fait de les
dissuader, de leur dire : « Chers amis,
le Palmach [les troupes de choc de la
Haganah] peut atteindre n’importe quel
endroit, vous n’êtes en sécurité nulle
part. » C’était le cœur du peuplement
arabe. Mais qu’avons-nous fait ? Mon
peloton a fait sauter 20 maisons avec
tout ce qu’elles contenaient.
Lev Tov :
Pendant que les gens y dormaient ?
Epluchés : Je
suppose que oui. Ce qui s’est passé
là-bas, c’est que nous sommes entrés
dans le village, nous avons posé une
bombe à côté de chaque maison, puis
Homesh a sonné de la trompette, parce
que nous n’avions pas de radio, et
c’était le signal [que nos forces]
devaient partir. On fait marche arrière,
les sapeurs restent, ils actionnent les
détonateurs, c’est primitif. Ils ont
allumé la mèche ou actionné le
détonateur et toutes ces maisons ont
disparu.
Un autre passage
que le ministère de la Défense a voulu
cacher au public provient de la
conversation du Dr Lev Tov avec le major
général Avraham Tamir :
Tamir : Je
servais sous Chera [le général de
division Tzvi Tzur, futur chef
d’état-major de l’IDF], et j’avais
d’excellentes relations avec lui. Il m’a
donné une liberté d’action totale – ne
me posez pas de questions – et j’ai été
responsable des hommes et des opérations
pendant deux développements découlant de
la politique de Ben-Gourion. Un
développement fut l’arrivée de rapports
au sujet de marches de réfugiés revenant
de Jordanie vers les villages abandonnés
[en Palestine]. Ensuite, Ben-Gourion
établit comme politique que nous devions
démolir [les villages] pour qu’ils
n’aient nulle part où revenir.
C’est-à-dire, tous les villages arabes,
dont la plupart se trouvaient dans [la
zone couverte par] le Commandement
Central, la plupart d’entre eux.
Lev Tov : Ceux
qui étaient encore debout
Tamir : Ceux qui
n’étaient pas encore habités par des
Israéliens. Il y avait des endroits où
nous avions déjà installé des
Israéliens, comme Zakariyya et d’autres
lieux. Mais la plupart d’entre eux
étaient encore des villages abandonnés.
Lev Tov : Qui
étaient encore debout ?
Tamir : Oui. Il
fallait qu’il n’y ait pas d’endroit où
ils puissent revenir, alors j’ai
mobilisé tous les bataillons du génie du
Commandement central, et en 48 heures,
j’ai détruit tous ces villages. Point
final. Il n’y avait plus d’endroit où
ils auraient pu revenir.
Lev Tov : Vous
l’avez fait sans hésitation, j’imagine.
Tamir : Sans
hésitation. C’était la politique. J’ai
mobilisé les effectifs et équipements
requis, et j’ai fait ce qu’il y avait à
faire.
Des tombereaux
de documents enfermés dans des
coffres-forts
Le coffre-fort du
Centre de recherche et de documentation
Yad Yaari se trouve au sous-sol. Dans la
chambre forte, qui est en fait une
petite pièce bien sécurisée, se trouvent
des piles de caisses contenant des
documents classifiés. Les archives
abritent les documents du mouvement
Hashomer Hatzair, du mouvement des
kibboutz Ha’artzi, de Mapam,
de Meretz et d’autres organismes,
tels que Peace Now.
Le directeur des
archives est Dudu Amitai, qui est
également Président de l’Association des
archivistes israéliens. Selon Amitai, le
personnel de Malmab a régulièrement
visité les archives entre 2009 et 2011.
Le personnel des archives raconte que
des équipes du département de la
sécurité – deux retraités du ministère
de la Défense n’ayant aucune formation
d’archivistes – se présentaient deux ou
trois fois par semaine. Ils cherchaient
des documents selon des mots-clés tels
que « nucléaire », « sécurité » et
« censure », et ont également consacré
énormément de temps à la guerre
d’indépendance et au sort des villages
arabes d’avant 1948.
« En fin de compte,
ils nous ont soumis un résumé disant
qu’ils avaient trouvé quelques douzaines
de documents sensibles », dit Amitai.
« Nous ne démontons généralement pas les
dossiers, donc des douzaines de
dossiers, dans leur intégralité, se sont
retrouvés dans notre coffre-fort et ont
été retirés des documents accessibles au
public. » Un dossier peut contenir plus
de 100 documents.
L’un des dossiers
qui a été scellé concerne le
gouvernement militaire qui a contrôlé la
vie des citoyens arabes d’Israël de 1948
à 1966. Pendant des années, les
documents ont été conservés dans la même
chambre forte, inaccessible aux
chercheurs. Récemment, suite à une
requête du Professeur Gadi Algazi,
historien de l’Université de Tel Aviv,
Amitai a examiné le dossier lui-même et
a décidé qu’il n’y avait aucune raison
de ne pas le desceller, malgré l’avis de
Malmab.
Selon Algazi,
plusieurs raisons pourraient expliquer
la décision de Malmab de garder le
dossier secret. L’une d’entre elles
porte sur l’un des documents qui y est
contenu, une annexe secrète à un rapport
d’un Comité qui a examiné le
fonctionnement du gouvernement
militaire. Le rapport traite presque
entièrement des luttes pour la propriété
foncière entre l’État et les citoyens
arabes, et aborde à peine les questions
de sécurité.
Une autre
possibilité est un rapport de 1958 du
Comité ministériel qui a supervisé le
gouvernement militaire. Dans l’une des
annexes secrètes du rapport, le colonel
Mishael Shaham, un officier supérieur du
gouvernement militaire, explique que
l’une des raisons pour ne pas démanteler
l’appareil de la loi martiale est la
nécessité de restreindre l’accès des
citoyens arabes au marché du travail et
d’empêcher la reconstruction des
villages détruits.
Une troisième
explication qui pourrait expliquer la
volonté de maintenir ce dossier secret
concerne un témoignage historique inédit
sur l’expulsion des Bédouins. A la
veille de la création de l’Etat
d’Israël, près de 100 000 Bédouins
vivaient dans le Néguev. Trois ans plus
tard, leur nombre est tombé à 13 000.
Durant les années qui ont précédé et
suivi la guerre d’indépendance, un
certain nombre d’opérations d’expulsion
ont été menées dans le sud du pays. Dans
un cas, des observateurs des Nations
Unies ont signalé qu’Israël avait
expulsé 400 Bédouins de la tribu Azazma
et cité des témoignages au sujet de
tentes incendiées. La lettre qui
apparaît dans le dossier classifié
décrit une expulsion similaire effectuée
aussi tard qu’en 1956, comme l’a raconté
le géologue Avraham Parnes :
« Il y a un
mois, nous avons visité [le cratère]
Ramon. Les Bédouins de la région de
Mohila sont venus nous voir avec leurs
troupeaux et leurs familles et nous ont
demandé de partager leur repas. J’ai
répondu que nous avions beaucoup de
travail à faire et que nous n’avions pas
le temps. Lors de notre visite cette
semaine, nous nous sommes à nouveau
dirigés vers Mohila. Au lieu des
Bédouins et de leurs troupeaux, il y
avait un silence mortel. Des dizaines de
carcasses de chameaux étaient dispersées
dans la région. Nous avons appris que
trois jours plus tôt, l’armée
israélienne avait « *** » les Bédouins,
et que leurs troupeaux avaient été
décimés – les chameaux par des tirs, les
moutons avec des grenades. Un des
Bédouins, qui a commencé à protester, a
été tué, les autres se sont enfuis. »
Le témoignage
poursuit : « Deux semaines plus tôt,
on leur avait ordonné de rester là où
ils étaient pour le moment, après quoi
on leur avait ordonné de partir, et pour
accélérer les choses, 500 têtes ont été
abattues… L’expulsion a été exécutée
‘efficacement’. »
La lettre poursuit
en citant ce qu’un des soldats a dit à
Parnes, d’après son témoignage : « Ils
ne partiront pas avant qu’on ait ***
leurs troupeaux. Une jeune fille
d’environ 16 ans s’est approchée de
nous. Elle avait un collier de perles de
serpents en laiton. On a déchiré le
collier et chacun de nous a pris une
perle en souvenir. »
La lettre a été
originellement envoyée au Député Yaakov
Uri, du Mapai (précurseur du Parti
travailliste), qui l’a transmise au
ministre du Développement Mordechai
Bentov (Mapam). « Sa lettre m’a
choqué », a écrit Uri Bentov. Ce dernier
a fait circuler la lettre parmi tous les
ministres du Cabinet en écrivant : « Je
suis d’avis que le gouvernement ne peut
tout simplement pas ignorer les faits
qui y sont relatés ». Bentov a ajouté
qu’à la lumière du contenu épouvantable
de la lettre, il a demandé aux experts
en matière de sécurité de vérifier sa
crédibilité. Ils avaient confirmé que le
contenu « est bien, de manière générale,
conforme à la vérité ».
L’excuse
nucléaire
C’est au cours du
mandat de l’historien Tuvia Friling en
tant qu’archiviste en chef d’Israël, de
2001 à 2004, que Malmab a effectué ses
premières incursions archivistiques. Ce
qui a commencé comme une opération
visant à empêcher la fuite de secrets
nucléaires, dit-il, est devenu, avec le
temps, un projet de censure à grande
échelle.
« J’ai démissionné
après trois ans, et c’est l’une des
raisons pour lesquelles j’ai
démissionné », explique le professeur
Friling. « La classification du document
sur l’émigration des Arabes en 1948 est
précisément un exemple de ce que
j’appréhendais. Le système de stockage
et d’archivage n’est pas une branche des
relations publiques de l’État. S’il y a
quelque chose que tu n’aimes pas, c’est
la vie. Une société saine apprend aussi
de ses erreurs. »
Pourquoi Friling
a-t-il permis au ministère de la Défense
d’avoir accès aux archives ? La raison,
dit-il, était l’intention de permettre
au public d’accéder aux documents
d’archives en les publiant sur Internet.
Au cours des discussions sur les
implications de la numérisation du
matériel, on s’est inquiété du fait que
les références dans les documents à
« un certain sujet » seraient rendues
publiques par erreur. Le sujet, bien
sûr, est le projet nucléaire d’Israël.
Friling insiste sur le fait que la seule
autorisation que Malmab a reçue était de
rechercher des documents à ce sujet.
Mais l’activité de
Malmab n’est qu’un exemple d’un problème
plus large, note Friling : « En 1998, la
confidentialité des [documents les plus
anciens des] archives du Shin Bet et du
Mossad a expiré. Pendant des années, ces
deux institutions ont dédaigné
l’archiviste en chef. Quand j’ai pris la
relève, ils ont demandé que la
confidentialité de tout le matériel soit
prolongée [de 50] à 70 ans, ce qui est
ridicule – la plupart du matériel peut
être rendu accessible au public. »
En 2010, la période
de confidentialité a été portée à 70 ans
; en février dernier, elle a été portée
à 90 ans, malgré l’opposition du Conseil
supérieur des archives. « L’État peut
imposer que certains de ses documents
restent confidentiels, dit M. Friling.
La question est de savoir si le prétexte
de la sécurité n’agit pas comme une
sorte de couverture. Dans bien des cas,
c’est déjà devenu une blague. »
Selon Dudu Amitai,
du centre d’archives de Yad Yaari, la
confidentialité imposée par le ministère
de la Défense doit être contestée. Au
cours de son exercice, révèle-t-il, l’un
des documents placés dans la chambre
forte était un ordre donné par un
général de l’armée israélienne, lors
d’une trêve pendant la guerre
d’indépendance, pour que ses troupes
s’abstiennent de viols et de pillages
[ce qui indique qu’ils étaient monnaie
courante]. Amitai a maintenant
l’intention de passer en revue les
documents qui ont été déposés dans la
chambre forte, en particulier les
documents de 1948, et de rendre public
tout ce qu’il pourra. « Nous le ferons
avec prudence et responsabilité, mais en
reconnaissant que l’État d’Israël doit
apprendre à gérer les aspects les moins
reluisants de son histoire. »
Contrairement à Yad
Yaari, où le personnel du ministère ne
se rend plus, à Yad Tabenkin, les
documents du centre de recherche et de
documentation du Mouvement du
Kibboutz-Uni sont toujours scrutés
attentivement. Le directeur de ce centre
d’archives, Aharon Azati, est parvenu à
un accord avec les équipes de Malmab
selon lequel les documents ne seront
transférés dans la chambre forte que
s’il est convaincu que cela est
justifié. Mais à Yad Tabenkin également,
Malmab a élargi ses recherches au-delà
du domaine du projet nucléaire pour y
inclure des entretiens menés par le
personnel des archives avec d’anciens
membres du Palmach, et a même
parcouru méticuleusement des documents
sur l’histoire des colonies dans les
territoires occupés.
Malmab a, par
exemple, manifesté de l’intérêt pour le
livre en hébreu Une décennie de
discrétion : la politique de
colonisation des Territoires de 1967 à
1977, publié par Yad Tabenkin en
1992 et rédigé par Yehiel Admoni,
directeur du département de
l’établissement de l’Agence juive
pendant la décennie en question. Le
livre mentionne un plan d’installation
de réfugiés palestiniens dans la vallée
du Jourdain et le déracinement de 1 540
familles bédouines de la région de
Rafah, dans la bande de Gaza, en 1972, y
compris une opération qui comprenait
l’obturation de puits par l’armée
israélienne. Ironiquement, dans le cas
des Bédouins, Admoni cite ce propos de
l’ancien ministre de la Justice Yaakov
Shimshon Shapira: « Il n’est pas
nécessaire d’aller trop loin dans la
logique sécuritaire. L’épisode bédouin
n’est pas un chapitre glorieux de l’État
d’Israël. »
Selon Azati, « Nous
nous dirigeons de plus en plus vers un
resserrement des rangs. Bien que nous
vivions une ère d’ouverture et de
transparence, il y a apparemment des
forces qui poussent dans la direction
opposée. »
Confidentialité
illégale
Il y a un an
environ, la conseillère juridique des
Archives nationales, Maitre Naomi
Aldouby, a rédigé un avis intitulé
« Dossiers clos sans autorisation dans
les archives publiques ». Selon elle, la
politique d’accessibilité des archives
publiques est du ressort exclusif du
directeur de chaque centre d’archives.
Malgré l’opinion
d’Aldouby, dans la grande majorité des
cas, les archivistes qui ont été
confrontés à des décisions
déraisonnables de Malmab n’ont pas
soulevé d’objections – c’est-à-dire
jusqu’en 2014, lorsque le personnel du
ministère de la Défense est arrivé aux
archives de l’Institut de recherche
Harry S. Truman de l’Université
hébraïque de Jérusalem. A la surprise
des visiteurs, le directeur de l’époque,
Menahem Blondheim, a rejeté leur demande
d’examen des archives – qui contiennent
des collections de l’ancien ministre et
diplomate Abba Eban et du général de
division de réserve Shlomo Gazit.
Selon Blondheim,
« je leur ai dit que les documents en
question dataient de plusieurs décennies
et que je ne pouvais imaginer qu’il y
ait un problème de sécurité qui
justifierait de restreindre leur accès
aux chercheurs. En réponse, ils ont
demandé : ‘Et s’il y avait ici un
témoignage selon lequel des puits ont
été empoisonnés pendant la guerre
d’indépendance ?’ J’ai répondu : ‘Dans
ce cas, les responsables devraient être
traduits en justice.’ »
Le refus de
Blondheim a conduit à une rencontre avec
un haut fonctionnaire du ministère, mais
cette fois-ci, l’attitude qu’il a
rencontrée était différente et des
menaces explicites à son encontre ont
été formulées. Finalement, les deux
parties sont parvenues à un accord.
Benny Morris n’est
pas surpris de l’activité de Malmab.
« Je suis au courant », a-t-il affirmé.
« Pas officiellement, personne ne m’en a
informé, mais je m’en suis rendu compte
quand j’ai découvert que des documents
que j’avais vus par le passé étaient
désormais scellés. Il y avait des
documents des archives de l’armée
israélienne que j’ai utilisés pour
un article sur Deir Yassine, et qui
sont maintenant scellés. Quand je suis
arrivé aux archives, on ne m’a plus
permis de voir les originaux, et j’ai
donc signalé dans une note de bas de
page [de l’article] que les Archives
d’État m’avaient refusé l’accès aux
documents que j’avais publiés 15 ans
auparavant. »
L’affaire Malmab
n’est qu’un exemple parmi d’autres de la
lutte menée pour l’accès aux archives en
Israël. Selon le directeur exécutif de
l’Institut Akevot, Lior Yavne, « Les
archives de l’armée israélienne, qui
sont les plus considérables d’Israël,
sont presque hermétiquement scellées.
Seulement 1% des documents est
accessible. Les archives du Shin Bet,
qui contient des documents d’une immense
importance, sont totalement fermées, à
l’exception d’une poignée d’entre eux. »
Shraga Peled, 91 ans, qui, au moment
du massacre de Deir Yassine, était au
service d’information de la Haganah, a
rapporté qu’il a été envoyé au village
avec une caméra pour documenter ce qu’il
y avait vu. « Quand je suis arrivé à
Deir Yassine, la première chose que j’ai
vue était un grand arbre auquel était
attaché un jeune arabe. Et cet arbre a
été brûlé dans un incendie. Ils l’y
avaient attaché et l’avaient brûlé. Je
l’ai photographié », raconte-t-il. Des
cadavres avaient été entassés et brûlés,
puis enterrés pour que la Croix-Rouge ne
les découvre pas : s’agissant de femmes
et de vieillards, ils ne pouvaient être
présentés comme des combattants. Peled
affirme également avoir photographié de
loin ce qui ressemblait à quelques
dizaines d’autres cadavres recueillis
dans une carrière adjacente au village.
Il a remis le film à ses supérieurs,
dit-il, et depuis, il n’a pas vu les
photos.
Probablement parce
que les photos font partie du matériel
visuel qui reste caché à ce jour dans
les archives des forces armées d’Israël
et du ministère de la Défense, dont
l’État interdit toujours la publication.
La Haute Cour de justice a été saisie à
ce sujet il y a une dizaine d’années par
Neta Soshani, qui réalisait un film sur
le massacre de Deir Yassine.
L’Etat a expliqué
que la publication des images était
susceptible de nuire aux relations
extérieures de l’Etat et au « respect dû
aux morts » (une visite au mémorial de
Yad Vashem, consacré aux victimes de la
Shoah, laisserait croire qu’Israël a
plus de respect pour les victimes
palestiniennes que pour les victimes
juives, exposées sans aucune pudeur…).
En 2010, après avoir vu les photos, les
juges de la Cour suprême ont rejeté la
requête, gardant le matériel loin du
regard du public.
Un rapport rédigé
par l’ancien archiviste en chef des
Archives d’Etat, Yaacov Lozowick,
lorsqu’il a pris sa retraite, fait
référence à l’emprise des institutions
de la Défense sur les archives du pays.
Il y écrit : « Une démocratie ne doit
pas cacher les informations au prétexte
qu’elles risquent d’embarrasser l’État.
Dans la pratique, les instances
sécuritaires en Israël et, dans une
certaine mesure, celles des relations
extérieures, interfèrent avec le débat
[public]. »
Les partisans de la
dissimulation ont avancé plusieurs
arguments, note Lozowick : « La
révélation des faits pourrait fournir à
nos ennemis un bélier contre nous et
affaiblir la détermination de nos amis ;
elle risque d’agiter la population arabe
; elle pourrait affaiblir les arguments
de l’État devant les tribunaux ; et ce
qui est révélé pourrait être interprété
comme des crimes de guerre israéliens ».
Mais, reprend-il, « tous ces arguments
doivent être rejetés. C’est une
tentative de cacher une partie de la
vérité historique afin de construire une
version plus convenable. »
Ce que dit
Malmab
Yehiel Horev a été
le gardien des secrets du pouvoir
sécuritaire pendant plus de deux
décennies. Il a dirigé le département de
la sécurité du ministère de la Défense
de 1986 à 2007 et s’est naturellement
tenu à l’écart des projecteurs. À son
crédit, il a maintenant accepté de
parler franchement à Haaretz du
projet de censure des archives.
« Je ne me souviens
pas quand ça a commencé, dit Horev, mais
je sais que c’est moi qui ai commencé.
Si je ne me trompe pas, ça a commencé
quand les gens ont voulu publier des
documents des archives. Nous avons dû
mettre en place des équipes pour
examiner tout le matériel sortant. »
Haaretz :
D’après les conversations avec les
directeurs d’archives, il est clair
qu’une bonne partie des documents
sur lesquels la confidentialité a été
imposée ont trait à la guerre
d’indépendance. La dissimulation des
événements de 1948 fait-elle partie de
l’objectif de Malmab ?
Horev :
Qu’entend-on par « une partie de
l’objectif » ? Le sujet est examiné en
fonction d’une approche visant à
déterminer s’il pourrait nuire aux
relations étrangères d’Israël et à
l’institution de la Défense. Tels sont
les critères. Je pense qu’ils sont
toujours pertinents. Il n’y a pas eu de
paix depuis 1948. Je me trompe
peut-être, mais à ma connaissance, le
conflit israélo-arabe n’a pas été
résolu. Donc oui, il se peut que des
sujets problématiques subsistent.
Lorsqu’on lui
demande en quoi de tels documents
peuvent être problématiques, Horev parle
de la possibilité d’agitation parmi les
citoyens arabes du pays. De son point de
vue, chaque document doit être étudié
minutieusement et chaque affaire
tranchée au cas par cas, en fonction
d’une analyse des risques et des
bénéfices.
Haaretz : Si les
événements de 1948 n’étaient pas connus,
nous pourrions effectivement nous dire
que cette approche est peut-être la
bonne – la question mériterait d’être
posée. Mais ce n’est pas le cas. De
nombreux témoignages et études ont été
publiés sur l’histoire du problème des
réfugiés. Quel est l’intérêt de cacher
des choses ?
Horev : La
question est de savoir si c’est
préjudiciable ou non. C’est un sujet
très sensible. Tout n’a pas été publié
sur la question des réfugiés, et il y a
toutes sortes de récits. Certains disent
qu’il n’y a pas eu de fuite du tout,
seulement une expulsion. D’autres disent
qu’il y a eu un exode volontaire. Ce
n’est pas tout noir ou tout blanc. Il y
a une différence entre la fuite
volontaire et ceux qui disent avoir été
expulsés de force. C’est une histoire
différente. Je ne peux pas dire
maintenant si cela mérite une
confidentialité totale, mais c’est un
sujet qui doit absolument être discuté
avant qu’une décision soit prise sur ce
qu’il faut publier.
Haaretz : Depuis
des années, le ministère de la Défense
impose la confidentialité sur un
document détaillé qui décrit les raisons
du départ de ceux qui sont devenus
réfugiés. Benny Morris a déjà publié des
écrits sur ce document, alors quelle est
la logique de le garder caché ?
Horev : Je ne me
souviens pas du document dont vous
parlez, mais si Morris en a cité un
extrait et que le document lui-même
n’est pas accessible, alors ses propos
ne sont pas étayés. S’il disait : « Oui,
j’ai le document en ma possession »,
personne ne pourrait s’y opposer. Mais
s’il dit que ce document existe quelque
part sans pouvoir le produire, ce qu’il
dit est peut-être vrai et peut-être
faux. Si le document était déjà entre
les mains du public et était scellé dans
les archives, je dirais que c’est
absurde. Par contre, si quelqu’un a cité
ce document mais qu’il reste
confidentiel, ça fait une différence
considérable pour ce qui est de la
validité des preuves qu’il a citées. »
Haaretz : Dans
ce cas, il s’agit du chercheur le plus
cité sur la question des réfugiés
palestiniens.
Horev : Le fait
que vous parliez d’un « chercheur » ne
m’impressionne pas. Je connais des
universitaires qui racontent des bêtises
sur des sujets que je connais de A à Z.
Quand l’Etat impose la confidentialité,
les travaux publiés sont affaiblis, car
les documents en question ne sont pas en
leur possession.
Haaretz : Mais
cacher des documents référencés sur des
notes de bas de page dans des livres
publiés, n’est-ce pas une tentative de
verrouiller la porte de l’écurie après
que les chevaux se soient échappés ?
Horev : Je vous
ai donné un exemple montrant que ce
n’est pas forcément le cas. Si quelqu’un
écrit que le cheval est noir, si le
cheval n’est pas à l’extérieur de
l’écurie (et que celle-ci est fermée),
vous ne pouvez pas prouver qu’il est
vraiment noir.
Haarezt : Selon
certains avis juridiques, l’activité de
Malmab dans les archives est illégale et
non autorisée.
Horev : Si je
sais qu’une archive contient des
documents classés secrets, je suis
habilité à dire à la police d’y aller et
de les confisquer. Je peux aussi faire
appel aux tribunaux. Je n’ai pas besoin
de l’autorisation de l’archiviste. S’il
y a des documents secrets, j’ai le
pouvoir d’agir. Ecoutez, c’est la
politique en vigueur. Les documents ne
sont pas scellés sans raison. Mais
malgré tout, je ne vous dirai pas que
tout ce qui est scellé l’est à 100% à
bon escient.
Le ministère de la
Défense a refusé de répondre à des
questions spécifiques concernant les
conclusions de cette enquête et s’est
contenté de la réponse suivante : « Le
directeur de la sécurité de
l’institution de Défense agit en vertu
de sa responsabilité de protéger les
secrets de l’État et ses actifs de
sécurité. Le Malmab ne donne pas de
détails sur son mode d’activité ou ses
missions. »
Voir également :
Histoire juive, religion juive : le
poids de trois millénaires, par Israël
Shahak
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