Russie
Poutine sur le climat et le risque
nucléaire :
‘Tout le monde fait semblant
d’être sourd,
aveugle ou dyslexique’
Capture
d'écran PalSol
Dimanche 10 juin 2019 Vladimir Poutine
a rencontré les dirigeants des
principales agences de presse mondiales
en marge du Forum économique
international de Saint-Pétersbourg, le 6
juin 2019.
Source :
http://en.kremlin.ru/events/president/news/60675
Traduction :
lecridespeuples.fr
Transcription :
Sergei Mikhailov
: Nous avons toujours commencé nos
dernières réunions en convenant que
notre planète traversait une période de
confrontation extrêmement dangereuse :
les pays qui s’embrasent, les régions
entières en flammes, les sanctions et
les guerres commerciales, les fausses
informations – tel est le contenu de
presque tous les flux de nouvelles des
agences de presse mondiales. Elles
parlent d’une nouvelle guerre froide.
Chaque pays est certain de savoir qui
est responsable de cela.
Pourquoi
devons-nous commencer notre conversation
en 2019 avec cette même question :
pourquoi le monde ne devient-il pas plus
sûr ? Où va notre civilisation ?
Voyez-vous de la lumière au bout du
tunnel ? Que peuvent faire les pays qui
sont les principaux acteurs du processus
politique à cet égard ? C’est une
question générale, Monsieur le
Président.
Vladimir Poutine
: Si nous regardons les peintures
murales et les fresques autour de nous,
on voit que la guerre est partout.
Malheureusement, cela a été le cas
depuis des siècles. L’histoire humaine
est pleine d’histoires de conflit. Il
est vrai que tous les conflits étaient
suivis de périodes de paix. Mais il
vaudrait mieux éviter complètement les
conflits.
Après l’invention
et la création d’armes nucléaires,
l’humanité a maintenu un état de paix
mondiale relative pendant près de 75 ans
– relative, bien sûr, à l’exception des
conflits régionaux.
Rappelons-nous de
Winston Churchill, qui a d’abord détesté
l’Union soviétique, a ensuite qualifié
Staline de grand révolutionnaire quand
ils ont dû combattre le nazisme, puis,
après que les Américains aient mis au
point des armes nucléaires, il a
pratiquement appelé à la destruction de
l’Union soviétique. Vous vous souvenez
de son discours de Fulton qui a
déclenché la guerre froide ?
Mais dès que
l’Union soviétique s’est dotée d’armes
nucléaires, Churchill a initié le
concept de coexistence des deux
systèmes. Je ne pense pas que c’était
vraiment un opportuniste, mais il
prenait en compte la réalité. Il
acceptait la réalité. C’était quelqu’un
d’intelligent et un homme politique
pragmatique.
Peu de choses ont
changé depuis ce temps. Nous devons
avoir à l’esprit et bien comprendre dans
quel genre de monde nous vivons et
quelles menaces et dangers pourraient
nous guetter. Si nous ne gardons pas ce
«serpent ardent» (référence mythologique
slave) sous contrôle, si nous laissons
le mauvais génie sortir de la lampe,
Dieu nous en préserve, cela pourrait
conduire à une catastrophe mondiale.
Regardez,
aujourd’hui, tout le monde parle des
problèmes environnementaux, et ils ont
raison de le faire, car il existe des
menaces mondiales telles que le
changement climatique, les émissions
anthropiques, etc. Tout cela est
correct. Même les enfants, filles et
garçons du monde entier, s’impliquent
contre ce danger.
Mais ils ne se
rendent pas compte, ces jeunes gens, et
en particulier les adolescents et les
enfants, ils ne sont pas conscients de
la menace mondiale et du grave défi que
représente la possibilité de conflits
mondiaux. C’est une chose à laquelle les
hommes et les femmes adultes devraient
penser davantage.
Cependant, j’ai
l’impression que ces questions sont en
quelque sorte devenues banales et ont
été déplacées au second plan. Cela
soulève des préoccupations légitimes.
Nos partenaires
américains se sont retirés du Traité ABM
(régulant les missiles balistiques).
Alors, Mesdames et Messieurs, je
voudrais vous demander : l’un d’entre
vous est-il sorti avec des pancartes
pour manifester contre ce grave danger ?
Personne. Silence
absolu. Comme si c’était quelque chose
de normal. Incidemment, c’était le
premier pas vers une déstabilisation
fondamentale du cadre de la sécurité
mondiale, et un pas très important dans
cette direction.
Aujourd’hui, nous
faisons encore face à la suppression
unilatérale par nos partenaires
américains de leur adhésion au Traité
FNI (Traité sur les forces nucléaires à
portée intermédiaire).
Dans le premier
cas, ils ont au moins agi honnêtement et
se sont retirés du traité
unilatéralement. Cependant, dans le
second cas, apparemment pleinement
conscients du fait qu’ils en porteront
la responsabilité, ils essayent de faire
porter le chapeau à la Russie.
Écoutez-moi : vous
et vos lecteurs, votre public, vous
devriez ouvrir le traité FNI et le lire.
Ses articles stipulent clairement que
les lanceurs de missiles à courte et
moyenne portée ne peuvent pas être
déployés au sol. Le traité le dit
clairement. Cependant, ils sont allés de
l’avant et les ont déployés en Roumanie
et en Pologne, ce qui constitue une
violation directe.
Vérifiez ce que
sont les paramètres des missiles à
courte et moyenne portée, puis
comparez-les à ceux des drones. C’est la
même chose. Maintenant, regardez les
spécifications des cibles pour les
antimissiles. Ce sont des missiles à
courte et moyenne portée.
Tout le monde fait
semblant d’être sourd, aveugle ou
dyslexique. Nous devons réagir à cela
d’une manière ou d’une autre, n’est-ce
pas ? Nous devons clairement réagir. Ils
commencent immédiatement à rechercher
les coupables en Russie. Bien sûr, la
menace est grave.
Le renouvellement
du traité START-3 est à notre ordre du
jour. Cependant, nous pouvons choisir de
ne pas le faire. Nos derniers systèmes
garantissent la sécurité de la Russie
pendant une assez longue période dans
l’avenir. Car nous avons fait des
percées scientifiques spectaculaires.
Et, je dois le dire franchement, nous
avons dépassé nos concurrents en termes
de création de systèmes d’armes
hypersoniques. Si personne ne souhaite
renouveler le traité START-3, nous ne le
renouvellerons pas. Nous avons déjà dit
cent fois que nous sommes prêts à le
faire, mais personne ne veut en parler
avec nous.
Veuillez noter
qu’il n’y a pas de processus de
négociation formel et que tout expirera
en 2021. Ayez bien conscience de ce que
cela signifie : il n’y aura plus
d’instruments pour limiter la course aux
armements.
Ni même, par
exemple, pour déployer des armes dans
l’espace. Comprenons-nous ce que cela
signifie ? Posez donc la question aux
experts. Cela signifie que chacun de
nous devra vivre à tout moment, par
exemple, avec une arme nucléaire
au-dessus de lui. En permanence ! Mais
les choses suivent ce cours, et très
rapidement. Est-ce que quelqu’un va y
réfléchir, en parler ou montrer une
quelconque préoccupation ? Non, c’est le
silence complet.
Nous pouvons aussi
considérer les armes nucléaires
tactiques, aussi dites non stratégiques.
Et si un missile stratégique à portée
mondiale était lancé depuis un
sous-marin se trouvant au milieu de
l’océan ? Comment saurons-nous s’il
porte une charge nucléaire ou non ? Vous
rendez-vous compte à quel point c’est
grave et dangereux ?
Et si l’autre côté
répond tout de suite ? Qu’est-ce qui va
arriver ? Je suis profondément convaincu
que cela devrait faire l’objet d’un
débat professionnel ouvert et absolument
transparent, et que la communauté
internationale devrait être impliquée
dans ce processus autant que possible
dans les affaires de ce type. Dans tous
les cas, les gens ont le droit de savoir
ce qui se passe dans ce domaine.
Pour me répéter,
nous sommes prêts à cela. Encore une
fois, nous sommes confiants en notre
sécurité, mais le démantèlement complet
de l’ensemble du mécanisme de contrôle
des armements stratégiques et de
non-prolifération suscite bien entendu
des inquiétudes.
Quelle est la
solution ? C’est la coopération, point
final. La conversation la plus récente
que j’ai eue avec le Président Trump, je
dois dire, inspire un certain optimisme,
car Donald m’a dit que lui aussi était
préoccupé par cette situation. Il est
pleinement conscient du montant des
dépenses d’armements engagées par les
États-Unis et d’autres pays. Cet argent
pourrait être utilisé à d’autres fins.
Je suis tout à fait d’accord avec lui.
Le Secrétaire
d’État américain est venu ici. Nous nous
sommes rencontrés à Sotchi et il a parlé
dans le même sens. S’ils pensent
vraiment ce qu’ils disent, nous devrions
prendre des mesures concrètes pour faire
un effort commun.
Encore une fois,
aujourd’hui, les pourparlers entre les
pays dotés du potentiel nucléaire le
plus puissant sont les plus importants.
Cependant, sur une note personnelle, je
pense que tous les pays dotés d’armes
nucléaires devraient être impliqués,
qu’ils soient officiellement reconnus
comme tels ou non.
Ne parler qu’avec
les puissances nucléaires officiellement
reconnues et laisser de côté les pays
non officiels signifie qu’ils
continueront à développer des armes
nucléaires. En fin de compte, ce
processus va stopper les discussions
entre les États nucléaires officiels.
Nous devons donc créer une vaste
plate-forme de discussion et de prise de
décision.
En ce sens, bien
sûr, cela pourrait être la lumière au
bout du tunnel.
Sergei Mikhailov
: Merci, Monsieur le Président.
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