LE CRI DES PEUPLES
L’assassinat de Soleimani, un acte de
guerre qui sonne
le glas des ambitions
impériales de Washington
Philip Giraldi
Dimanche 5 janvier 2020 Source :
American Herald Tribune
Traduction :
lecridespeuples.fr
Les États-Unis sont
maintenant
en guerre contre l’Iran, engagés
dans un conflit qui aurait facilement pu
être évité et qui finira mal. Il n’y
aura pas de déclaration de guerre de
part ou d’autre, mais l’assassinat du
commandant de la force iranienne Quds,
le Général Qassem Soleimani, et du chef
adjoint des Kata’ib Hezbollah, Abu Mehdi
Muhandis, dans une frappe de drones
Reaper à Bagdad, fera passer le
conflit qui couve depuis longtemps entre
les deux nations à la vitesse
supérieure. L’Iran ne peut laisser le
meurtre d’un officier supérieur de
l’armée
impuni, même s’il ne souhaite pas un
affrontement militaire direct avec les
États-Unis. Mais il y aura des
représailles majeures, et l’utilisation
présumée de milices par Téhéran pour
organiser des frappes limitées sera
désormais remplacée par des actions plus
dommageables qui seront directement
revendiquées par le gouvernement
iranien. Comme l’Iran dispose de
ressources locales importantes, on peut
s’attendre à ce que toute la région du
golfe Persique soit déstabilisée.
Et il y a aussi la
carte des opérations clandestines qui
entrera en jeu. L’Iran a une diaspora
étendue dans une grande partie du
Moyen-Orient, et comme ce pays est
menacé par Washington depuis de
nombreuses années, il a eu beaucoup de
temps pour se préparer à une guerre qui
sera en grande partie menée dans
l’ombre. Aucun diplomate, soldat ou
entrepreneur américain de la région ne
doit se considérer en sécurité, bien au
contraire. Ce sera une « chasse ouverte
» sur les Américains. Les États-Unis ont
déjà ordonné une évacuation partielle de
l’ambassade de Bagdad et ont conseillé à
tous les citoyens américains de quitter
le pays immédiatement.
Donald Trump a
remporté la victoire en 2016 en
promettant de mettre fin aux guerres
inutiles au Moyen-Orient, mais il a
maintenant très clairement démontré
qu’il était un menteur. Au lieu de
rechercher la détente, l’une de ses
premières actions a été de mettre fin à
l’accord nucléaire JCPOA et de
réintroduire des sanctions contre
l’Iran. Dans un sens, l’Iran a été
depuis le début l’exception à
l’engagement de Trump de mettre fin aux
guerres, une position qui pourrait
raisonnablement être directement
attribuée à sa relation incestueuse avec
la communauté juive américaine, et en
particulier dérivée de sa complaisance
envers tous les caprices exprimés par le
Premier ministre belliqueux d’Israël,
Benjamin Netanyahou.
Trump porte
l’entière responsabilité de ce qui va
suivre. Les néoconservateurs et les
Israéliens applaudissent le résultat de
façon prévisible, avec Mark Dubowitz de
la Fondation pro-Israël pour la défense
des démocraties
s’enthousiasmant que cet assassinat
est « plus important que celui de Ben
Laden […] et un coup dur pour le régime
[iranien] ». Dubowitz, dont les
références en tant qu’ « expert de
l’Iran » sont au mieux douteuses, a au
moins un peu raison dans ce cas. Certes,
Qassem Soleimani est charismatique et
également très populaire en Iran. Il est
la figure militaire la plus puissante de
l’Iran dans toute la région, étant le
principal contact pour les alliés de
Téhéran au Liban, en Syrie et en Irak.
Mais ce que Dubowitz ne comprend pas,
c’est que dans une hiérarchie militaire,
personne n’est irremplaçable. Les
assistants de Soleimani et les hauts
fonctionnaires du ministère des
Renseignements sont certainement plus
que capables de revêtir sa toge et de
poursuivre sa politique.
En réalité, la
série d’attaques stupides lancées par
les États-Unis au cours de la semaine
dernière ne fera qu’accélérer le départ
d’une grande partie de l’armée
américaine de la région. Le Pentagone et
la Maison Blanche ont insisté sur le
fait que l’Iran était derrière une
attaque présumée des Kata’ib Hezbollah
contre une installation américaine qui a
ensuite déclenché une frappe de
Washington sur de prétendues cibles en
Syrie et également en Irak. Bien que
l’armée américaine soit présente en tant
qu’invitée du gouvernement irakien,
Washington a poursuivi son attaque même
après que le Premier ministre irakien
Adil Abdul-Mahdi a clairement dit « Non
! ».
Pour justifier ses
actions, Mark Esper, Secrétaire à la
Défense, est allé jusqu’à insister sur
le fait que « l’Iran est en guerre avec
le monde entier », une démonstration
claire de l’ignorance abyssale de
l’équipe de la Maison Blanche. Le
gouvernement américain n’a de manière
caractéristique fourni aucune preuve
démontrant l’implication de l’Iran ou
des Kata’ib dans les récents événements,
mais après que la contre-attaque a tué
26 soldats irakiens, les manifestations
de masse contre l’ambassade de Bagdad
sont devenues inévitables. Les
manifestations ont également été
attribuées à l’Iran par Washington, même
si les gens dans les rue étaient
clairement des Irakiens.
Maintenant que les
États-Unis ont également tué Soleimani
et Muhandis lors d’une attaque de drones
à l’aéroport de Bagdad, clairement
accomplie sans l’approbation du
gouvernement irakien, il est inévitable
que le Premier ministre demande aux
forces américaines de partir. Cela
rendra à son tour intenable la situation
des troupes américaines restantes en
Syrie voisine. Et cela obligera
également d’autres États arabes de la
région à reconsidérer leur accueil de
soldats, marins, marines et aviateurs
américains en raison de la loi des
conséquences imprévues, car il est
désormais clair que Washington a
sottement déclenché une guerre qui ne
sert les intérêts de personne.
Le sang des
Américains, des Iraniens et des Irakiens
voire des Israéliens qui mourront dans
les prochaines semaines est clairement
sur les mains de Donald Trump, car cette
guerre n’a jamais été inévitable et n’a
servi aucun intérêt national américain.
Ce sera sûrement une débâcle, mais aussi
dévastatrice pour toutes les parties
concernées. Et cela pourrait bien, en
plus de l’Afghanistan, de l’Irak, de la
Syrie et de la Libye, être le début tant
attendu de la fin des ambitions
impériales américaines. Espérons-le !
Philip M.
Giraldi est un ancien spécialiste de la
lutte contre le terrorisme et officier
du renseignement militaire de la CIA qui
a servi dix-neuf ans à l’étranger en
Turquie, en Italie, en Allemagne et en
Espagne. Il a été chef de la base de la
CIA pour les Jeux olympiques de
Barcelone en 1992 et a été l’un des
premiers Américains à entrer en
Afghanistan en décembre 2001. Philip est
directeur exécutif du Council for the
National Interest, un groupe de défense
basé à Washington qui cherche à
encourager et à promouvoir une politique
étrangère américaine au Moyen-Orient
conforme aux valeurs et aux intérêts
américains.
Voir notre
dossier sur Soleimani.
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