LE CRI DES PEUPLES
La version officielle de l’assassinat de
Soleimani dissimule mal ses véritables
motivations
Whitney Webb
Samedi 4 janvier 2020 Par Whitney Webb
Source :
Mint Press
Traduction :
lecridespeuples.fr
Voir en
Annexe la traduction intégrale de la
déclaration de Donald Trump au sujet de
cet assassinat.
Derrière les
justifications officielles mais
douteuses de la frappe aérienne
américaine qui a tué vendredi un grand
Général iranien se cache une confluence
de facteurs, certains datant de
plusieurs décennies et d’autres plus
récents, qui poussent les États-Unis
vers une nouvelle guerre catastrophique
au Moyen-Orient.
BAGDAD —
L’assassinat du plus populaire et du
plus fameux des Généraux iraniens,
Qassem Soleimani, fait craindre qu’une
nouvelle guerre opposant les États-Unis
et ses alliés à l’Iran et ses
partenaires ne devienne bientôt une
réalité dévastatrice et meurtrière. La
frappe aérienne qui a tué Soleimani,
menée par les États-Unis à Bagdad, a été
menée sans l’autorisation ni même la
notification préalable du Congrès
américain, et sans l’approbation du
gouvernement ou de l’armée irakiens, ce
qui rend l’attaque clairement illégale à
plusieurs niveaux. L’attaque a également
tué le commandant adjoint de la milice
irakienne, Abu Mahdi al-Muhandis, qui
était un conseiller de Soleimani.
« L’assassinat d’un
commandant militaire irakien qui occupe
une position officielle est considéré
comme une agression contre l’Irak […] et
la liquidation de personnalités
irakiennes de premier plan ou de celles
d’un pays frère sur le sol irakien
constitue une violation massive de notre
souveraineté », a
déclaré le Premier ministre irakien,
Adel Abdul Mahdi, à propos de l’attaque,
ajoutant que l’assassinat était « une
escalade dangereuse qui allumera la
mèche d’une guerre destructrice en Irak,
dans la région et dans le monde. »
Remarquablement,
l’assassinat de Soleimani survient
quelques mois seulement après
l’échec d’une tentative israélienne de
tuer le Général iranien, et s’inscrit
dans le cadre d’une campagne
d’incitation bien documentée et longue
de plusieurs décennies menée par des
néoconservateurs américains et des
responsables israéliens pour déclencher
une guerre américaine contre l’Iran.
Bien que
l’illégalité de l’assassinat ait été
notée par beaucoup d’observateurs et
responsables depuis que la nouvelle de
l’attentat s’est répandue, moins
d’attention a été accordée aux
bizarreries du raisonnement et de la
justification officiels de
l’administration Trump quant à
l’attentat qui a entraîné un regain de
tension au Moyen-Orient. Selon les
responsables de l’administration
américaine, l’attaque visait à «
dissuader de futurs plans d’attaque
iraniens » et constituait une
réponse à une attaque à la roquette
contre la base militaire K1 près de
Kirkouk, en Irak, le 27 décembre. Cette
attaque a tué un entrepreneur militaire
américain et légèrement blessé plusieurs
soldats américains et militaires
irakiens.
Pourtant, les
détails de cette attaque — même selon
des sources américaines mainstram
qui
soutiennent habituellement le
militarisme américain — sont
incroyablement obscurs, et le nom de
l’Américain tué et l’identité de
l’entreprise pour laquelle il
travaillait n’ont pas été dévoilés.
Certains rapports des médias ont
qualifié l’individu d’ « entrepreneur du
Pentagone » tandis que d’autres ont
parlé d’un « entrepreneur civil », ce
qui a conduit à spéculer que
l’entrepreneur pourrait être un
mercenaire privé à la solde du
Pentagone.
De plus, aucun
groupe n’a encore revendiqué la
responsabilité de l’attaque, et les
médias ont noté que celle-ci aurait
tout aussi bien pu être menée par
des résidus de Daech que par la milice
chiite irakienne Kataib Hezbollah, qui a
été officiellement accusée par des
responsables américains. Une enquête
officielle sur l’incident, menée par
l’armée irakienne, est toujours en
cours. De manière notable, les
États-Unis ont précédemment
déclaré qu’ils disposaient de
preuves convaincantes pour accuser
l’Iran des attaques contre les
pétroliers dans le golfe d’Oman en juin
dernier, mais en fin de compte, même des
alliés fidèles des Etats-Unis dans la
région ont affirmé que les preuves
américaines de l’implication iranienne
étaient insuffisantes.
‘Il
y a environ 5000 soldats américains en
Irak. Le nombre d’entrepreneurs civils
est beaucoup plus difficile à suivre.‘
Cet article du New York Times est une
fraude journalistique. Trump va en
guerre pour venger la mort d’un
entrepreneur. Nous avons le droit de
savoir qui il/elle est.
En outre, les
États-Unis
avaient déjà réagi à la mort de
l’entrepreneur, en lançant cinq attaques
différentes en Irak et en Syrie fin
décembre, qui ont tué environ 30
personnes, ce qui a poussé des
manifestants irakiens à prendre d’assaut
l’ambassade des États-Unis à Bagdad, car
un grand nombre de personnes tuées par
ces frappes aériennes étaient des
Irakiens. La frappe aérienne qui a tué
Soleimani par la suite semble exagérée
pour la justification officielle de
venger la mort d’un ressortissant
américain.
Compte tenu de ce
qui précède, la question devient alors :
est-ce que l’administration Trump fonde
son assassinat d’un haut Général iranien
sur le territoire souverain irakien, en
violation claire du droit international,
sur la mort d’un seul individu que le
gouvernement ne nommera même pas ? Alors
même que
cinq frappes ont déjà été lancées
pour venger prétendument cette même
personne ?
Risquer une guerre
régionale au prétexte de venger la mort
d’un individu déjà vengé soulève des
questions légitimes, en particulier pour
un Président candidat à sa propre
réélection. Les États-Unis affirment que
l’assassinat visait également à «
dissuader » d’éventuelles futures
attaques iraniennes, mais il est
difficile de présenter le meurtre du
plus haut général d’une puissance
étrangère sur sol étranger comme une
mesure préventive, tant cela ressemble
davantage à un acte invitant à une
escalade. Cela est particulièrement vrai
étant donné que ceux qui ont le plus
souvent cherché une escalade des
tensions entre l’Iran et les États-Unis
et leurs alliés au Moyen-Orient ne
vivent pas à Téhéran et à Bagdad, mais à
Washington D.C. et à Tel-Aviv.
Échec des
complots d’assassinat et problèmes
domestiques
MintPress et
d’autres médias ont beaucoup écrit sur
les efforts de longue date de
néoconservateurs éminents aux États-Unis
ainsi que du lobby israélien et du
gouvernement israélien pour pousser les
États-Unis à une guerre majeure avec
l’Iran. Des efforts néoconservateurs en
vue d’un changement de régime en Iran
ont été exercés
depuis des décennies, et
l’administration présidentielle actuelle
a
plusieurs faucons anti-iraniens
notoires à des
postes importants. En outre, le
Président Trump et son principal allié
au Moyen-Orient, le Premier ministre
israélien Benjamin Netanyahou, font tous
deux face à des
efforts nationaux visant à les
démettre de leurs fonctions, et à la
perspective imminente de nouvelles
élections, incitant les deux dirigeants
à augmenter les tensions à l’étranger
pour distraire de leurs propres conflits
domestiques.
Un garçon porte
un portrait du général Qassem Soleimani
à Téhéran, Iran, le 3 janvier 2020.
L’Iran a juré de « sévères
représailles » pour l’assassinat de
Soleimani.
Cependant, les
pressions actuelles auxquelles font face
Trump et Netanyahou dans leurs
politiques respectives ne sont que
le facteur le plus récent qui a
poussé les deux administrations dans un
aventurisme renouvelé et de plus en plus
désespéré pour satisfaire l’effort vieux
de plusieurs décennies des faucons
anti-iraniens dans les deux pays pour
attiser la guerre et «
remodeler » le Moyen-Orient en
faveur de l’Axe américano-israélien.
Compte tenu de
l’assassinat récent de Soleimani, il est
toutefois essentiel de souligner que la
frappe aérienne américaine visant le
chef de la Force Quds est intervenue
seulement quelques mois après qu’Israël
ait vainement tenté d’assassiner le
général. En effet, la plus récente de
ces tentatives infructueuses aurait eu
lieu début octobre dernier. Selon le
Times of Israel,
« Les assassins
prévoyaient de creuser sous un site
religieux associé au père de Soleimani
et de déclencher une explosion sous le
bâtiment quand il se trouverait à
l’intérieur, puis d’essayer de détourner
le blâme pour déclencher une guerre
sectaire. Les assassins avaient préparé
quelque 500 kilogrammes d’explosifs pour
la bombe. »
Le gouvernement
israélien n’a pas commenté ce complot
présumé, bien qu’il soit notable que le
plan de creuser en-dessous d’un lieu
saint musulman et d’y planter une bombe
ait été tenté par des groupes
extrémistes israéliens par le passé,
groupes qui ont un
ancrage majeur dans le gouvernement
israélien actuel.
Cette tentative
d’Israël alléguée de tuer Soleimani est
survenue après qu’en 2018,
les médias israéliens ont rapporté
que l’administration Trump a donné à
Israël son « feu vert » pour assassiner
le Général. Un rapport affirmant qu’il
existe « un accord américano-israélien »
selon lequel Soleimani est une « menace
pour les intérêts des deux pays dans la
région » a été publié par le journal
koweïtien Al-Jarida, qui est largement
considéré comme « une plateforme
israélienne pour transmettre des
messages à d’autres pays du Moyen-Orient
», toujours
selon les médias israéliens.
Israël peut avoir
prévu d’assassiner le Général Soleimani
en espérant provoquer une guerre avec
l’Iran, ce que Netanyahou a activement
promu en février dernier. À l’époque,
Newsweek a rapporté que « le
Premier ministre israélien Benjamin
Netanyahou a exprimé son désir d’entrer
en guerre contre l’Iran, et a déclaré
qu’il rencontrait des dizaines d’envoyés
étrangers, y compris du monde arabe,
afin de faire avancer l’initiative. »
Pourtant, maintenant que l’allié le plus
proche d’Israël a commis cet acte,
Israël est
resté relativement silencieux sur
l’incident, bien que
des responsables iraniens aient affirmé
que l’assassinat de Soleimani avait été
mené conjointement par les États-Unis et
Israël.
Indépendamment des
justifications officielles mais
douteuses de la frappe qui ont été
données par Trump [qui, remarquons-le,
n’a pas osé faire face aux questions des
journalistes et a
quitté la conférence de presse tout de
suite après avoir récité son laïus],
le résultat le plus probable de la mort
de Soleimani est qu’elle «
allumera la mèche de la guerre » ,
comme l’a récemment déclaré le Premier
ministre irakien, [et ce malgré la
requête puérile, adressée via
l’ambassade de Suisse en Iran, de ne
riposter que de manière proportionnée].
Reste à savoir si la mort de Soleimani
suffira à elle seule à pousser les
États-Unis, l’Iran et leurs alliés
respectifs à la guerre. Mais ce qui est
certain, c’est que l’administration
Trump semble contente de continuer à
aggraver la situation dans la poursuite
des ambitions de longue date des faucons
de guerre de carrière, ainsi que comme
un moyen de créer rapidement un élan
intérieur favorable avant les élections
de 2020.
Déclaration
de Donald Trump au sujet de l’assassinat
de Qassem Soleimani, le 3 janvier 2020.
Source :
https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/remarks-president-trump-killing-qasem-soleimani/
Traduction :
lecridespeuples.fr
Conférence de
presse tenue dans la résidence du
Président à Mar-a-Lago, Palm Beach,
Floride.
LE PRESIDENT
: Bonjour tout le monde. Eh bien,
merci beaucoup (d’être venus). Et bon
après-midi.
En tant que
Président, mon devoir le plus élevé et
le plus solennel est la défense de notre
nation et de ses citoyens.
Hier soir, sous ma
direction, l’armée américaine a exécuté
avec succès une frappe de précision sans
faille qui a tué le terroriste numéro un
dans le monde, Qassem Soleimani.
Soleimani préparait
des attaques imminentes et sinistres [sic]
contre des diplomates et du personnel
militaire américains, mais nous l’avons
pris en flagrant délit et l’avons
liquidé.
Sous ma direction,
la politique américaine est sans
ambiguïté : aux terroristes qui nuisent
ou ont l’intention de nuire à un
Américain, nous vous trouverons ; nous
vous éliminerons. Nous protégerons
toujours nos diplomates, nos militaires,
tous les Américains et nos alliés.
Pendant des années,
le Corps des Gardiens de la Révolution
Islamique et sa force impitoyable Quds,
sous la direction de Soleimani, ont
ciblé, blessé et assassiné des centaines
de civils [sic] et de militaires
américains.
Les récentes
attaques contre des cibles américaines
en Irak, notamment des tirs de roquettes
qui ont tué un Américain et blessé très
gravement quatre militaires américains,
ainsi qu’un assaut violent contre notre
ambassade à Bagdad, ont été perpétrés
sous la direction de Soleimani.
Soleimani a fait de
la mort de personnes innocentes sa
passion perverse, contribuant à des
complots terroristes aussi loin que New
Delhi et Londres.
Aujourd’hui, nous
nous souvenons des victimes des
nombreuses atrocités commises par
Soleimani et nous les honorons, et nous
sommes rassurés de savoir que son règne
de terreur est terminé.
Soleimani a
perpétré des actes de terreur pour
déstabiliser le Moyen-Orient depuis 20
ans. Ce que les États-Unis ont fait hier
aurait dû être fait depuis longtemps.
Beaucoup de vies auraient été sauvées.
Tout récemment,
Soleimani a dirigé la répression brutale
des manifestants en Iran, où plus d’un
millier de civils innocents ont été
torturés et tués par leur propre
gouvernement.
Nous avons pris des
mesures la nuit dernière pour arrêter
une guerre. Nous n’avons pas pris ces
mesures pour déclencher une guerre.
J’ai un profond
respect pour le peuple iranien. C’est un
peuple remarquable, avec un patrimoine
incroyable et un potentiel illimité.
Nous ne cherchons pas à imposer un
changement de régime. Cependant,
l’agression du régime iranien dans la
région, y compris le recours à des
combattants par procuration pour
déstabiliser ses voisins, doit cesser,
et elle doit cesser maintenant.
L’avenir appartient
au peuple iranien, ceux d’entre eux qui
recherchent la coexistence pacifique et
la coopération, et non aux seigneurs de
guerre terroristes qui pillent leur
nation pour financer l’effusion de sang
à l’étranger.
Les États-Unis ont
de loin la meilleure armée du monde,
sans égale où que ce soit. Nous avons
les meilleures agences de renseignements
au monde. Si des Américains sont
menacés, nous avons déjà entièrement
identifié tous les objectifs à frapper
et je suis prêt et disposé à prendre
toutes les mesures nécessaires. Et cela,
en particulier, se réfère à l’Iran.
Sous ma direction,
nous avons détruit le califat
territorial de Daech [sic], et
récemment, les forces d’opérations
spéciales américaines ont tué le chef
terroriste al-Baghdadi. Le monde est un
endroit plus sûr sans ces monstres.
L’Amérique
poursuivra toujours les intérêts des
braves gens, des gens formidables, des
grandes âmes, tout en recherchant la
paix, l’harmonie et l’amitié avec toutes
les nations du monde [sic].
Je vous remercie.
Dieu vous bénisse. Que Dieu bénisse nos
grands militaires. Et que Dieu bénisse
les États-Unis d’Amérique. Merci
beaucoup. Je vous remercie.
[Trump ignore
les questions des journalistes et s’en
va].
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