LE CRI DES PEUPLES
Mort de George Floyd : face au peuple,
la police se comporte comme l’armée US
en pays conquis
Scott Ritter
Lundi 1er juin 2020 La police
américaine considère les citoyens de la
même manière que les militaires
considèrent les Afghans : des ennemis en
ZONE DE GUERRE
Par Scott Ritter
Scott Ritter est
un ancien officier du renseignement du
corps des Marines américains. Il a servi
en Union soviétique comme inspecteur de
la mise en œuvre du traité INF, auprès
du Général Schwarzkopf pendant la guerre
du Golfe et de 1991 à 1998 en tant
qu’inspecteur des armes de l’ONU.
Source :
RT, le 27 mai 2020
Traduction :
lecridespeuples.fr
Que ce soit en
Afghanistan ou dans les rues des villes
américaines, la fusion des pouvoirs
militaires et policiers américains n’a
produit que de l’injustice et de la
brutalité pour les populations qu’ils
étaient censés servir et protéger.
Un récent tweet du
Président Donald Trump sur l’Afghanistan
a coïncidé avec une histoire en
développement à Minneapolis, Minnesota,
concernant le meurtre brutal d’un homme
noir non armé, George Floyd, par des
officiers en uniforme du département de
police de Minneapolis.
Dans des
circonstances normales, toute tentative
de rapprocher ces deux informations
apparemment sans relation se heurterait
à un certain nombre de pièges logiques.
Mais en y regardant de plus près, on
trouve un fil conducteur qui les lie, à
savoir la déviation quasi universelle
des préceptes de la justice en matière
de police à l’américaine. Alors que
l’idéal américain de maintien de l’ordre
est construit autour de la notion de «
servir et protéger », dans la pratique,
qu’il soit mis en œuvre aux Etats-Unis
ou à l’étranger dans le cadre d’un
prétendu exercice de construction d’une
nation, ce slogan s’est perverti en rien
moins que « brutaliser et opprimer ».
« En Afghanistan,
nous agissons en tant que force de
police», a
tweeté le Président Trump, « et pas
comme la force de combat que nous
sommes. Après 19 ans, il est temps pour
eux de faire la police dans leur propre
pays. Ramenez nos soldats chez eux mais
surveillez de près ce qui se passe et
frappez avec une violence comme jamais
auparavant si nécessaire ! »
L’observation de
Trump reflète la réalité, appuyée par
des
études menées par l’inspecteur
général spécial pour la reconstruction
de l’Afghanistan : après près de 19 ans
de conflit sans fin mené par les
États-Unis en Afghanistan, l’expérience
américaine de construction d’une nation
post-Talibans a lamentablement échoué.
[C’est avec les Talibans eux-mêmes que
Washington négocie sa retraite].
Le tweet de Trump
touche à la principale raison de cet
échec, à savoir que les outils que nous
avons apportés en Afghanistan étaient
des outils de guerre, pas de
construction nationale. L’armée
américaine était, au moment du lancement
des opérations en Afghanistan en 2001,
la meilleure force de combat au monde.
Elle a été formée et organisée pour se
rapprocher de l’ennemi désigné et le
détruire par la puissance de feu et la
manœuvre.
Elle n’était
cependant pas destinée à fonctionner
comme une force d’occupation, obligée de
lutter dans un conflit impossible à
gagner contre une population
récalcitrante avec laquelle elle n’avait
rien en commun, et ne possédait donc
absolument aucune base sur laquelle
mener une campagne de (re)construction
nationale. Non seulement les États-Unis
ont échoué dans leur mission de vaincre
les Talibans, mais ils n’ont pas réussi
à atteindre le moindre des jalons de la
reconstruction qu’ils s’étaient fixés en
Afghanistan. Ce qu’ils ont réussi à
faire, cependant, a été de détruire les
terres mêmes qu’ils cherchaient
prétendument à reconstruire et de
brutaliser la population même qu’ils
étaient censés protéger, commettant des
crimes horribles indicibles.
À la suite de ces
crimes, la Cour pénale internationale de
La Haye
enquêtera sur des informations selon
lesquelles des membres de l’armée et des
services de renseignement américains
auraient commis des actes de torture,
des traitements cruels, des atteintes à
la dignité de la personne, des viols et
des violences sexuelles contre des
détenus de guerre en Afghanistan et sur
d’autres sites, y compris les soi-disant
« sites noirs » gérés par la CIA en
Pologne, en Lituanie et en Roumanie.
L’administration
Trump, de manière caractéristique, a
rejeté la compétence et la légitimité de
la CPI, mettant de fait les soldats et
les agents américains au-dessus de la
loi en ce qui concerne leurs actions en
Afghanistan. Certes, des incidents
isolés ont été poursuivis en vertu du
Code uniforme de justice militaire, mais
les «délits de procédure» liés à
l’exécution de la mission de
construction de la nation resteront
impunis.
Parmi les
nombreuses leçons tirées de la débâcle
en cours en Afghanistan, il y a le fait
que l’armée ne fonctionne pas bien en
tant qu’organe de police. Pour que la
police soit efficace, elle doit être en
harmonie avec la communauté qu’elle
sert, partageant les mêmes idéaux et
valeurs, le même respect pour son
environnement et les gens qui y vivent.
Lorsque les forces militaires
américaines sont insérées de force dans
une terre et une culture étrangères, il
y aura inévitablement des frictions qui
se transformeront en conflit. Le mode
par défaut pour l’armée américaine est
la violence extrême, et les communautés
ne sont jamais bien servies par une
telle approche.
L’expérience
américaine de construction d’une nation
est souvent imprégnée de notions de la
prétendue « démocratie jeffersonienne »,
la notion alcyonienne de l’idéal
américain né de la révolution et de la
libération de la tyrannie. Mais la pièce
maîtresse de « démocratie jeffersonienne
», la Déclaration d’indépendance des
États-Unis, contient des mots qui, après
réflexion, devraient faire froid dans le
dos de chaque citoyen américain.
« Mais quand une
longue série d’abus et d’usurpations,
poursuivant invariablement le même
objet, manifeste un dessein de réduire
le peuple sous le despotisme absolu,
c’est son droit, c’est son devoir, de
renverser un tel gouvernement. »
Cette déclaration
vaut pour tous les opprimés, qu’ils
résident en Afghanistan ou à
Minneapolis, Minnesota. Si l’armée
américaine est mal adaptée au travail de
police, l’inverse est également vrai :
la police américaine est mal adaptée à
la militarisation. La juxtaposition d’un
état d’esprit militaire avec les notions
préalables de justice et de procédure
régulière requises pour maintenir la
société civile entraîne invariablement
des incompatibilités inhérentes, et des
actions criminelles de la part des
personnes ostensiblement responsables du
maintien de l’ordre.
L’enquête de la CPI
sur les crimes militaires américains en
Afghanistan n’est qu’une image miroir du
licenciement de quatre policiers de
Minneapolis et de leurs poursuites
ultérieures probables par les autorités
locales ou fédérales (ou les deux) pour
le meurtre de George Floyd.
Toutefois, aucune
enquête sur le meurtre de M. Floyd ne
pourra guérir la maladie de la
militarisation qui s’infiltre dans la
culture même des services de police
américains aujourd’hui. Les policiers
considèrent souvent les quartiers dans
lesquels ils patrouillent comme une zone
de guerre, et les citoyens qui y
résident comme des ennemis. Les
policiers américains s’habillent comme
s’ils partaient en guerre, portant
souvent des uniformes de style militaire
et des armes militaires issus des
surplus de l’armée, et utilisant des
véhicules militaires issus des surplus
de l’armée. Cette mentalité du « nous
contre eux » crée exactement la même
friction que lors de l’occupation de
l’Afghanistan, conduisant à la même
escalade de la violence par la police
militarisée livrée à une population qui
a été largement déshumanisée.
Le modèle américain
de maintien de l’ordre est une maladie
aux proportions pandémiques qui infecte
tous les coins de la société américaine.
Les partisans de la police américaine
dénoncent souvent les actes de «
quelques moutons noirs » sans réfléchir
à la réalité que l’ensemble du système
est dysfonctionnel en termes de service
et de protection de la société civile.
Bien qu’il existe sans aucun doute de
nombreux « bons » policiers, ils
évoluent dans un système qui promeut
l’impunité, la complaisance quant aux
infractions commises par les collègues
et l’acceptation des types de croyances
racistes et des préjugés que la société
qu’ils prétendent protéger rejette.
Derek Chauvin,
le policier assassin, portant une
casquette avec un slogan suprémaciste
(‘Rendre leur grandeur aux Blancs’).
Commentaire du rappeur Ice Cube : « Un
loup habillé en loup. Les démons sont
parmi nous. #CombattonsLesLâches »
George Floyd a été
tué par un seul officier de police de
Minneapolis qui a pressé son genou sur
sa nuque jusqu’à ce qu’il s’évanouisse
et meure. Trois autres policiers de
Minneapolis ont vu ce meurtre se
produire sans intervenir. Et si le crime
n’avait pas été filmé par un passant
civil, la probabilité que le département
de police de Minneapolis balaie cette
affaire sous le tapis, en attribuant la
totalité du blâme à M. Floyd tout en
exonérant les agents impliqués, est
élevée.
Le département de
police de Minneapolis n’est pas unique à
cet égard. En effet, c’est le véritable
modèle de la façon dont la police opère
chaque jour aux Etats-Unis [et en
France]. Jusqu’à ce que chaque service
de police américain reconnaisse la
maladie qui l’a infecté, il ne peut y
avoir de remède. Et la triste vérité est
que, tout comme le gouvernement
américain ne permettra jamais à la CPI
d’enquêter sur les crimes des militaires
américains en Afghanistan, la police
américaine ne permettra jamais une
enquête complète sur les pratiques et
croyances fondamentales qui guident les
services de police américains
aujourd’hui.
Les Américains
vivent aujourd’hui dans un État policier
de facto qui soumet ses citoyens à la
brutalité et à la privation des libertés
civiles au quotidien, d’autant plus si
l’on est Noir ou si on appartient à une
autre minorité non blanche.
Contrairement à
l’Afghanistan, les États-Unis ne peuvent
pas se retirer de leur propre
territoire. Ce qui peut arriver,
cependant, c’est que comme tout peuple
occupé, les citoyens américains peuvent
chercher à se libérer du despotisme de
cet État policier américain, se
débarrassant de ce manteau d’oppression
en redéfinissant les relations entre la
police et les policiers. Il faudra
peut-être une révolution dans les urnes
pour élire un gouvernement capable de
maîtriser un État policier
incontrôlable. Mais ce combat en
vaudrait largement la peine.
Voir également
: Après
Youtube & Facebook, Vimeo bannit les
vidéos de Nasrallah et ‘Le Cri des
Peuples’
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