Opinion
« Les Américains jouent aux Monopoly,
les Russes jouent aux échecs - et les
Français jouent aux Américains... »
Sayed 7asan
Lundi 31 mars 2014
« Les
Russes mettent du temps à monter en
selle, mais ensuite, ils chevauchent
très vite. »
« Lorsque
la Russie est menacée, elle ne s’énerve
pas, elle se concentre. »
Proverbes russes
Par Sayed 7asan (http://www.sayed7asan.blogspt.fr)
Cet article est consacré aux enjeux
géopolitiques des événements de Crimée,
et notamment au recul de l’impérialisme
américain face à de nouvelles puissances
régionales et mondiales, résurgentes ou
émergentes, qui résistent au modèle
politique, économique et culturel
occidental de plus en plus ouvertement,
et avec de plus en plus de succès.
Le traitement de ces événements en
Occident est un révélateur de la crise
de confiance entre les populations du
monde occidental et leurs gouvernements
& médias respectifs, qui sont
aujourd’hui moins fiables que la presse
soviétique elle-même dans ses jours les
plus sombres, mais dont l’hégémonie est
aujourd'hui disputée par Internet.
1. Une victoire stratégique pour la
Russie
2. Relations internationales : Poutine
impose de nouvelles règles du jeu
3. Les « médias » occidentaux aux ordres
?
4. Les arènes émergentes du refus du
Nouvel Ordre Mondial
-
Une victoire
stratégique pour la Russie
Les événements
dramatiques qui se sont déroulés en
Ukraine durant ces dernières semaines,
façonnés de toutes pièces et orchestrés
par les services du Département d’Etat
américain – qui,
comme l’a candidement admis Victoria
Nuland, Secrétaire d’Etat adjointe
aux affaires européennes et eurasiennes,
ont dépensé 5 milliards de dollars pour
« démocratiser » (c’est-à-dire
« déstabiliser ») l’Ukraine – et relayés
par leurs laquais de l’Union européenne,
ont finalement débouché, contre toute
attente, sur
une victoire spectaculaire de la
diplomatie russe, la Crimée ayant
réintégré la Fédération de Russie,
qu’elle n’aurait du reste jamais dû
quitter pour les raisons historiques,
géographiques, ethniques, culturelles et
même légales (tant sur le plan du droit
soviétique que du droit international)
qu’a rappelées Poutine dans
son discours mémorable du 18 mars 2014.
On peut parler,
avec Israël Shamir, de
triomphe personnel pour Poutine,
qui, par un coup de maître éminemment
dramatique au regard de la tournure
initiale des événements, et de
l’apparente inertie de la Russie – qui
contrastait très fortement avec
l’hystérie occidentale –, a transformé
ce qui semblait être un véritable
désastre en une victoire totale, qui
n’est pas sans évoquer le Deus ex
machina du théâtre classique. Ce
retournement de situation exceptionnel,
peut-être sans précédent dans l’histoire
au regard de ses tenants et
aboutissants, est illustré de manière
éloquente dans ce trait d’humour juif
récent rapporté par le même Israël
Shamir :
Le président
israélien Shimon Peres demande au
président russe:
- Vladimir, êtes-vous d’origine juive?
- Poutine : Qu’est-ce qui vous
fait croire ça, Shimon?
- Peres: Vous avez fait débourser
cinq milliards de dollars aux États-Unis
pour qu’ils livrent la Crimée à la
Russie. Même pour un Juif, c’est
audacieux !
Les retombées
géopolitiques, diplomatiques, militaires
(les expériences en Tchétchénie et en
Ossétie du Sud avaient déjà démontré
sans le moindre doute possible que les
forces armées russes comptent
aujourd’hui parmi les plus formidables
de la planète) et même
économiques de ces événements sont
en effet considérables : nous assistons
en direct à un nouveau coup de tocsin,
sonnant vraisemblablement le glas d’un
monde unipolaire – sinon des Etats-Unis
en tant que superpuissance, statut
obtenu en 1945. Sur les plans militaire,
politique, diplomatique et/ou
médiatique, il est aisé de reconstituer
le parcours des victoires de l’Empire
dans ses diverses conquêtes (Iran 1953,
Guatemala 1954, Chili 1972, Salvador
1980, Nicaragua 1981, Afghanistan 1989,
Irak 1991, Bosnie-Herzégovine 1995,
Serbie 1999, Libye 2011…) et de ses
défaites (Cuba 1961, Vietnam 1972, Iran
1988, Liban 1983, 2000 & 2006, Irak
2011, Afghanistan 2013…), avec toutes
les combinaisons que cela implique, une
victoire sur un plan ayant pu être une
défaite sur l’autre – ainsi
l’opération USAl-Qaïda en Tchétchénie
a-t-elle été une victoire éclatante sur
le plan de l’opinion publique
internationale, aliénant durablement les
populations occidentales et musulmanes à
la Russie, malgré un échec cuisant sur
le terrain. Les événements en Syrie et
en Ukraine, nouveaux Stalingrad,
semblent porter un coup d’arrêt décisif
à l’interventionnisme américain,
notamment grâce au rôle de la Russie que
Vladimir Poutine a miraculeusement fait
renaître de ses cendres (voir
1993-2013 : Les vingt ans de « Pas de
deux » entre la Russie et les Etats-Unis
arrivent-ils à leur fin ?).
Mais pour les
peuples victimes, il est souvent
difficile de distinguer la couleur, les
cortèges de mort et de destructions
assombrissant toujours l’issue des
impitoyables agressions américaines.
C’est pourquoi nous ne pouvons que nous
féliciter de ce dénouement juste et
heureux et de cette défaite de la plus
grande et la plus agressive puissance
impériale de l’Histoire. Le Saqr –
blogueur & correspondant de l’Asia
Times ; d’origine russe, spécialiste
de l’Europe de l’Est, cet ancien
analyste militaire était impliqué dans
des opérations anti-soviétiques durant
la guerre froide – affirme qu’« Aujourd’hui,
tous les hommes libres de la planète
célèbrent une victoire », et compare
cette issue euphorisante au dénouement
formidable de la guerre Usraélienne de
l’été 2006 contre le Liban, après
laquelle Sayed Hasan Nasrallah,
Secrétaire Général du Hezbollah,
déclarait – le 22 septembre, au
lendemain du
fameux discours de Chavez à l’ONU :
Nous considérons
que nous avons remporté une grande
victoire, que le Liban a remporté une
grande victoire, que la Palestine a
remporté une grande victoire, que la
nation arabe a remporté une grande
victoire, et que tous les opprimés,
toutes les personnes lésées dans ce
monde ont également remporté une grande
victoire. Notre victoire n’est pas la
victoire d’un parti. Je répète ce que
j’ai dit à Bint Jbeil, le 25 mai 2000:
ce n’est pas la victoire d’un parti ou
d’une communauté, c’est plutôt une
victoire pour le Liban authentique, le
peuple libanais authentique, et toute
personne authentiquement libre dans le
monde. Il ne faut pas fausser cette
grande victoire historique. Elle ne se
limite pas à un parti, un clan, une
secte, une communauté ou une région
particulières. Cette victoire est trop
grande pour que nous puissions en saisir
toute l’ampleur. Les prochaines
semaines, les mois et les années à venir
nous en montreront la portée réelle.
De même, cette
victoire russe est une victoire
éclatante pour tous les hommes libres de
la planète, et dont les conséquences
sont incalculables. Aujourd’hui, nous
sommes tous Russes, de même que nous
étions tous Libanais en 2000 & 2006.
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