Alahed
Le départ de Hagel: un limogeage dû aux
différends sur «Daech» et Assad
Samer R. Zoughaib
Photo:
D.R.
Mardi 25 novembre 2014
Présenté
comme une démission, le départ de Chuck
Hagel, est en réalité un limogeage. Le
secrétaire américain à la Défense est
désormais la plus célèbre victime
collatérale du cafouillis de Washington
dans la guerre contre les terroristes de
«Daech» et dans sa politique en Syrie.
Pour le grand public, le départ de Chuch
Hagel est une surprise. Mais pour les
observateurs de la politique américaine,
cette affaire est un non-événement.
Depuis des semaines, les divergences
étaient palpables entre le patron du
Pentagone et les plus proches
collaborateurs du président Barak Obama
au sujet de la stratégie de lutte contre
le mouvement terroriste de l’«Etat
islamique» et, par conséquent, de la
politique américaine en Syrie.
Les signaux illustrant ces divergences
s’étaient multipliés ces derniers temps.
Le 13 novembre dernier, le site Cnn.com
mettait en ligne, sur sa page d’accueil,
un nouvelle faisant état d’une
réévaluation par la Maison-Blanche de sa
politique en Syrie. Des sources
«officielles et diplomatiques»
indiquaient que les membres du Conseil
de la sécurité nationale examinait, sur
ordre de Barak Obama, une nouvelle
stratégie, basée sur l’idée que la
défaite de «Daech» ne pouvait avoir lieu
«sans une transition politique en
Syrie». Comprendre, le départ à terme du
président Bachar al-Assad.
Quelques jours plus tard, Obama
réaffirmait que l’objectif de la
«coalition antiterroriste» n’était pas
de renverser le président syrien,
coupant court aux fuites faisant état
d’un réagencement des priorités de son
administration. Une révision que Chuck
Hagel appelait de ses vœux depuis des
semaines. Le secrétaire à la Défense
avait affirmé, à plusieurs reprises, que
la compagne aérienne contre «Daech»
renforçait Bachar al-Assad, alors que la
Maison Blanche assurait que les raids ne
font pas le jeu du président syrien.
Le patron du Pentagone était allé
jusqu’à déplorer le «manque de clarté»
de l’administration Obama vis-à-vis du
sort du président Assad. Dans une note
interne de deux pages citée début
novembre par le New York Times, Chuck
Hagel s'interrogeait ainsi sur le
bien-fondé et les chances de succès de
la stratégie Obama en Syrie, jugeant que
sa position au sujet du sort du
président Assad manquait de clarté.
Ces incartades lui ont valu d’être
rappelé à l’ordre à plusieurs reprises.
Ainsi, lors d'un discours important
prononcé l'an dernier devant le Centre
d'études stratégiques et internationales
(CSIS), un think tank de Washington,
Chuck Hagel n'avait pas répondu aux
questions de l'auditoire, apparemment
sur ordre de la présidence.
Partisan d’un engagement au sol
Chuck Hagel s'interrogeait également sur
l’efficacité du seul usage de la force
aérienne contre «Daech». Un haut
responsable irakien qui connaît le
secrétaire à la Défense a assuré que ce
dernier voulait se montrer plus offensif
dans la lutte contre les terroristes de
«Daech», n’excluant pas l’envoi de
troupes au sol. D’où la raison de son
désaccord avec Barak Obama, qui a
catégoriquement et officiellement exclu
la participation de l’armée américaine à
des combats sur le terrain, en Irak ou
en Syrie.
Ces divergences d’ordre stratégique avec
les orientations du président ont
contribué à isoler Chuck Hagel, qui
entretenait avec les conseillers à la
sécurité nationale d’Obama
des relations difficiles, qui se sont
encore détériorées avec l'offensive
contre «Daech». Le ministre a souffert
de son incapacité à peser sur les
grandes questions stratégiques, dont la
lutte contre l'«Etat islamique». «Ce que
je crois, c'est qu'il était très
mécontent de la mini-gestion en œuvre à
la Maison blanche, ce petit groupe de
personnes qui prend toutes les
décisions», a déclaré le sénateur
républicain John McCain, spécialiste des
affaires étrangères et de défense et ami
de Hagel. «Je crois aussi qu'il n'a pas
l'impression que nous ayons une
stratégie pour combattre l'Etat
islamique», a-t-il ajouté.
Barak Obama et Chuck Hagel ont commencé
à évoquer l'avenir du secrétaire à la
Défense à la mi-octobre, à l'initiative
de Hagel, indique un haut responsable
gouvernemental, cité par la presse
américaine. Le porte-parole de la Maison
blanche Josh Earnest, a déclaré que la
mission pour laquelle Chuck Hagel avait
été appelé -gérer la réduction du budget
de la Défense et le prochain départ des
troupes américaines d'Afghanistan- avait
laissé place à une autre tâche, la lutte
contre «Daech». Selon un haut
responsable, Chuck Hagel s'est bien
acquitté de sa mission mais à mesure que
la crise en Irak et en Syrie a pris de
l'ampleur, il est devenu clair pour
certains conseillers de la Maison
blanche que le chef du Pentagone, perçu
comme faible sur le Proche-Orient,
n'était plus à sa place.
Le départ du secrétaire à la Défense est
intervenu aussi après la défaite des
démocrates aux élections du mi-mandat,
qui ont vu le renforcement de la
mainmise des républicains sur les deux
Chambre du Congrès. Hagel, qui était le
seul républicain de l’administration
Obama, a payé le prix de ce changement
des rapports de force. Sa démission va
permettre à Obama d'injecter du sang
neuf dans son gouvernement, y compris la
possibilité de nommer la première femme
au poste de secrétaire à la Défense.
Michele Flournoy, une ancienne
sous-secrétaire à la défense, est en
effet bien placée pour le poste. Les
noms de Jack Reed, sénateur démocrate de
Rhode Island et ancien membre d’une
unité d’élite de parachutistes, et
d’Ashton Carter, ancien secrétaire
adjoint à la Défense, sont aussi
évoqués. Chuck Hagel restera cependant à
son poste jusqu’à ce que son remplaçant
soit confirmé par le Sénat.
Source: french.alahednews
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